La guerre de Poutine contre l’Ukraine, une année de violences inouïes pour une issue sans merci

Une année déjà, je vais essayer de retracer le fil de cette guerre dans un court récit, synthétique et réducteur, pour mettre aussi en perspective ce qui nous attend désormais. 

Récit d’un an de guerre par Radio Canada

Rappelons d’abord le bilan provisoire de ce conflit, au moins 100,000 morts et plus de 500 Milliards € de dégâts, auxquels il faut ajouter quatre fois plus de blessés, plusieurs générations qui resteront marquées à jamais par cette guerre déclenchée par la Russie de Poutine, et une tension mondiale sur l’économie et les prix. La guerre contre l’Ukraine constitue le fait majeur de cette année 2022, de son issue dépendra une partie de notre avenir. 

Février 2022, alerte et incrédulité 

Le monde entier est sorti éprouvé de la crise sanitaire liée au COVID, apparue en 2019 et qui s’est largement répliquée jusqu’en 2021. 

Debut 2022, lorsque les Américains alertent de l’imminence d’une invasion russe de l’Ukraine, la réaction est largement sceptique. Les Etats-Unis lancent depuis trop longtemps la même alerte pour Taïwan menacée par la Chine, et nous ne les écoutons pas avec attention. Nous ignorons qu’ils disposent d’une source dans le premier cercle de Vladimir Poutine, le maître du Kremlin. Les Américains savent donc ce que veut Poutine alors que celui-ci, en ancien officier du KGB, n’éprouve nul besoin de raconter la réalité mais seulement de justifier sa volonté. Le président russe ne cesse de mentir pour démentir…

La situation semble confuse aussi pour la raison que cette guerre a déjà démarré, en 2014, et que les forces armées russes sont présentes en Crimée et dans l’Est de l’Ukraine, sous couvert de milices séparatistes qui s’appuient largement sur des militaires russes dont seule la casquette a été ôtée. Alors pourquoi Poutine se lancerait dans une telle invasion au risque de déclencher une forte réaction internationale ? 

De plus, les Etats-Unis viennent de se replier dans une quasi-débâcle d’Afghanistan, où les Occidentaux croyaient pouvoir construire une démocratie à leur image pour des sociétés dont les hommes (à défaut des femmes) n’étaient pas prêts de l’accepter. 

Aussi, lorsque la Russie déclenche l’invasion militaire de l’Ukraine le 24 février 2022, cette guerre surprend malgré ses lourds préparatifs aux frontières russes et biélorusses au Nord. 

Déclenchement de l’offensive russe, février 2022 © Le Monde

Lire : Ukraine, une guerre dont il ne faut pas se tromper d’effets

Stupeurs et tremblements, sauf pour Zelensky protégé par les siens et par les Américains

Difficile d’imaginer à ce moment précis comme l’Ukraine pourrait résister au rouleau compresseur de l’armée russe de Poutine, ou plutôt à son « opération militaire spéciale » : le président russe compte en effet décapiter le gouvernement ukrainien, et le remplacer par une potiche pro-Russe qui remplira le même rôle que le président Loukachenko en Biélorussie, soumettre l’Ukraine au bon vouloir du Kremlin. 

Tandis que le pays est envahi de tous les côtés et durement bombardé, des unités spéciales sont envoyées directement sur Kiev, pour éliminer le jeune président Zelensky et s’assurer de la maîtrise des lieux de pouvoir. L’armée russe qui franchit les frontières de l’Ukraine est alors profilée comme une armée d’occupation plus que d’invasion : une fois le pouvoir ukrainien renversé et remplacé, cette armée russe n’aura plus qu’à dissuader toute tentative de résistance armée par sa présence et par sa puissance.

A la surprise générale (la mienne inclue) cette opération échoue, du fait de l’absence d’un facteur essentiel pour une telle action, la surprise justement. Les forces spéciales russes sont attendues à leur atterrissage et presque intégralement détruites. Dans le même temps les équipes chargées d’éliminer le président Zelensky sont interceptées avec la même efficacité. 

Le président ukrainien est parfaitement protégé contre ce coup de force, les coups ont été anticipés et sont parés, les Russes désemparés : ils n’arrivent pas à faire chuter le pouvoir ukrainien. 

L’image de cette surprise inversée est celle du président Zelensky se filmant avec son smartphone devant les monuments de Kiev. Il aurait dû être éliminé aussitôt par une frappe de drone ou de missile, guidé par son téléphone même. 

Récit d’un an de guerre par Radio Canada

Mais les Russes ne le trouvent pas, ils voient apparaître de multiples répliques de leur cible qui saturent leurs capacités d’intervention. Ils n’arrivent ni à le localiser, ni à l’empêcher de diffuser. Ils comprennent trop tard que Zelensky est puissamment protégé par des dispositifs multiples qui sont bien supérieurs à tout ce qu’ils avaient (mal) anticipé. 

Zelensky est abrité dans une bulle mise en place par les Américains et probablement plusieurs pays alliés, l’attaque surprise est un échec majeur et dévastateur pour les forces spéciales russes, plus encore pour « l’opération militaire spéciale » de Poutine qui ne devait durer que quelques jours, quelques semaines tout au plus. 

Et le président Zelensky, qui n’était pourtant pas le candidat soutenu par les Etat-Unis aux élections ukrainiennes, prend une première décision cruciale pour devenir un chef de guerre : il reste. 

Lire : tout cela nous semblait impossible et nous oblige maintenant à espérer 

La remarquable résistance des Ukrainiens et l’arrivée progressive du soutien des alliés en armement défensif 

L’opération militaire spéciale se casse les dents, mais Poutine ne sait pas reculer, il n’a pas de marche arrière. Son absence de culture militaire (un officier du KGB n’est pas un officier militaire) et son mépris pour les militaires qu’il n’a jamais écoutés lui font prendre des décisions mal éclairées.

Cette armée d’occupation, il la transforme en armée d’invasion et il la lance dans toutes les directions, pensant probablement submerger les forces ukrainiennes. Une gigantesque colonne s’avance vers Kiev depuis la frontière nord, à moins de 100 km, mais elle se laisse surprendre par la défense ukrainienne.

TOPSHOT – Ukrainian service members look for and collect unexploded shells after a fighting with Russian raiding group in the Ukrainian capital of Kyiv in the morning of February 26, 2022, according to Ukrainian service personnel at the scene. Ukrainian soldiers repulsed a Russian attack in the capital, the military said on February 26 after a defiant President Volodymyr Zelensky vowed his pro-Western country would not be bowed by Moscow. It started the third day since Russian leader Vladimir Putin unleashed a full-scale invasion that has killed dozens of people, forced more than 50,000 to flee Ukraine in just 48 hours and sparked fears of a wider conflict in Europe. (Photo by Sergei SUPINSKY / AFP)

La « résistance » ukrainienne est remarquablement informée, par les alliés qui déjà la soutiennent, les Etats-Unis en premier lieu ainsi que de nombreux pays de l’OTAN qui lui apportent un niveau de renseignement inversement proportionnel à celui dont disposent les armées russes. 

Les forces ukrainiennes ne cherchent pas à s’opposer frontalement au rouleau compresseur russe qui est conçu pour tout dévaster sur son passage, elles appliquent au contraire une stratégie de combat indirecte, conçue par l’armée américaine : consumer les forces russes par les côtés avec les redoutables missiles anti-chars livrés par les alliés et s’attaquer en particulier au point faible de cette armada blindée, sa logistique.

Tir d’un missile anti-char par un soldat ukrainien

Il faut en effet des milliers de tonnes de carburant et de munitions pour alimenter cette masse de blindés et de canons dont l’autonomie sinon ne dépasse pas quelques jours. 

Les Russes sont une fois encore sidérés par cette résistance à laquelle ils ne se sont pas préparés. Ils devaient tout broyer devant eux, mais ils se font allumer sur les côtés. Cette force d’occupation transformée hâtivement en force d’invasion ne peut pas résister à de telles pertes. 

Les équipages russes finissent même par s’enfuir en laissant leur matériel derrière eux, faute d’un soutien suffisant et d’un commandement capable de reprendre la main. 

C’est une deuxième débâcle qui va imprimer deux dimensions structurantes à ce conflit : 

  • La formidable résistance ukrainienne où hommes et femmes se mobilisent pour défendre leur pays
  • La médiocrité de l’armée russe dans laquelle Poutine avait pourtant beaucoup investi sans réaliser qu’elle était à l’image de la société qu’il a instaurée en Russie, corrompue et chaotique 

Débâcle russe sur Kiev et tentative d’invasion par l’Est

L’armée russe a détourné une large partie des crédits alloués à sa modernisation et elle est principalement équipée de matériels issus de la période soviétique, obsolètes et fatigués.

Ce rouleau compresseur russe devrait normalement être complété par une puissante aviation d’attaque (avions et hélicoptères) destinée à frapper dans la profondeur et à détruire les éléments défensifs qui ralentiraient l’avancée terrestre. Mais cette composante aérienne d’attaque s’est elle aussi faite étrillée par la densité de missiles portables performants auxquels elle ne s’attendait pas. 

Avion d’attaque Su 25

Pire encore, ces avions et hélicos russes sont régulièrement mis en danger par leurs propres défenses sol-air faute d’une coordination suffisante. Une situation tellement difficile pour les pilotes qu’ils renoncent à franchir la ligne de front et se tiennent même à distance de celle-ci. 

Mal renseignée, mal commandée, mal approvisionnée, mal soutenue, la force d’invasion russe doit renoncer à atteindre Kiev et se replier dans un grand désordre. C’est le moment où l’armée russe est devenue le principal fournisseur en armement des forces ukrainiennes…

Lire : vers quoi la guerre en Ukraine nous emmène-t-elle ?

Une succession d’échecs qui ne change rien à l’obsession autoritaire de Poutine

Poutine ne renonce par pour autant et il oblige son armée, pourtant fragilisée, à lancer une offensive dans l’Est et le Sud, centrée notamment sur le Donbass.

Dans le même temps, les alliés réalisent que l’Ukraine peut résister efficacement à la Russie, malgré la disproportion de taille : ils avaient surestimé l’armée russe et sous-estimé la capacité de résistance des Ukrainiens. Ces alliés découvrent qu’en unissant leurs efforts, ils peuvent enfin empêcher Poutine de nuire, après avoir détourné leur regard pendant deux décennies face à ses exactions répétées en Tchétchénie, en Georgie ou en Syrie…

Les alliés sont maintenant cinquante, ils fournissent à l’Ukraine une importante capacité défensive, de quoi ralentir l’offensive russe, des moyens pour se protéger en partie de ses missiles et de ses drones, de ses blindés et de ses soldats qui se comportent comme des bouchers. 

Un canon Caesar français tirant un obus de 155 mm

Ils livrent aussi une artillerie précise qui détruit les cibles russes les plus sensibles. Mais plus encore, les alliés fournissent aux Ukrainiens un soutien global, financier, matériel et moral : ces résistants qui forcent l’admiration ne sont pas seuls face aux armées russes, ils sont soutenus par une véritable coalition internationale.

Des pays historiquement neutres comme la Suède et la Finlande défient même la Russie en annonçant leur volonté de rejoindre l’OTAN et marquer ainsi leur engagement à s’opposer collectivement à un empire menaçant. 

Lire : le temps joue désormais contre Poutine et son armée 

Débâcle de Kherson, mais avec un repli qui sauve l’armée russe de la dislocation

L’armée russe essuie de nouveau une succession d’échecs. Plus elle essaie d’avancer en territoire ukrainien, plus elle se consume. Les forces ukrainiennes, dès l’été 2022, lancent des contre-offensives rapides pour compenser leur manque évident de moyens blindés. En face, les armées russes sont déstabilisées par la médiocrité de leur commandement et de leur soutien, la rapidité de manœuvre des forces ukrainiennes et la précision de leurs frappes qui détruisent leurs postes de commandement et leurs dépôts logistiques. 

L’échec militaire est tel que Poutine se sent obligé de brandir son arsenal nucléaire, comme s’il espérait tétaniser les alliés avec des menaces qui se retournent contre lui. Très vite, l’OTAN laisse savoir qu’en cas d’attaque nucléaire, elle réagirait par une vague de destruction (avec des frappes classiques) de ce qui structure encore l’armée russe en Ukraine, une défaite assurée pour Poutine tandis que ses forces militaires accumulent les pertes.  

Lire : Poutine va-t-il utiliser des armes nucléaires pour briser son échec en Ukraine ?

Après une série de combats catastrophiques au Nord-Est dans la région de Kharkiv, les armées russes se retrouvent au bord du désastre au Sud, dans la région de Kherson pourtant chèrement conquise lors des mois précédents. Elles frôlent la catastrophe quand les Ukrainiens parviennent à disloquer leurs armées figées comme de la glace et qui se fracturent sous le coup des audacieuses contre-attaques ukrainiennes. 

A la surprise générale, les armées russes préfèrent se replier de Kherson en offrant une victoire évidente aux Ukrainiens, mais en s’évitant aussi une véritable débâcle.

Lire : 11 novembre, libération de Kherson par les Ukrainiens

L’espoir sans issue d’une négociation avec Poutine

Après cette victoire à Kherson, la logique voulait que les forces ukrainiennes « exploitent » ce succès en prolongeant leur offensive, non pas sur le Dniepr à la limite des territoires reconquis – un fleuve qui constitue une coupure difficile à franchir – mais en lançant de nouvelles attaques contre les occupants russes plus à l’Est (Zaporija) ou au Nord (Kharkiv).

Nous sommes en novembre… et rien ne se passe du côté ukrainien, non du fait de leur absence de volonté d’attaquer mais parce que les alliés retiennent alors leurs livraisons et « conseillent » d’observer une pause. Ils pensent que Poutine a pris conscience de son échec à Kherson – même en l’habillant sous un repli tactique – et surtout qu’il a compris que la Russie n’a définitivement plus les moyens de conquérir militairement l’Ukraine.

Les Alliés s’attendent à ce que Poutine ouvre la porte de la négociation – avec toutes les difficultés redoutées par les Ukrainiens – et mette fin au conflit armé sans pousser plus loin cette guerre. La réaction du maître du Kremlin a été encore une fois l’exact contraire de ce qui était attendu ou espéré. 

Lire : Ukraine, la diagonale du fou ?

La vague de bombardement contre les civils et la mobilisation de centaines de milliers de jeunes russes

Alors que son armée est laminée par les neuf premiers mois de guerre, avec des pertes considérables (au moins 60,000 morts et 4 fois plus de blessés) et en échec sur tous les fronts, Poutine lance une campagne de bombardements aveugles sur des cibles civiles.

Missiles et drones s’abattent par vagues sur les villes ukrainiennes, constituant autant de crimes de guerre puisqu’ils ne visent aucune cible militaire. 

Destruction d’un immeuble civil par un missile russe

En parallèle, Poutine impose la mobilisation de centaines de milliers de jeunes russes qui sont envoyés mourir sans l’ombre d’un scrupule sur un front qui les engloutit comme un puits sans fond. 

Les alliés sont atterrés par le jusqu’au-boutisme de Poutine qui s’enferme dans une impasse mortelle. Ils prennent alors conscience qu’aucune paix durable n’est envisageable tant que Poutine sera au pouvoir, et ils décident collectivement de changer de stratégie.

Lire : Poutine est la clef de la guerre en Russie, sa chute le préalable à toute paix durable

Changement de stratégie des alliés, « la Russie ne peut, ni ne doit gagner »

Fin décembre 2022, le président ukrainien est invité à aux Etats-Unis pour son premier voyage hors de son pays depuis le début de la guerre. Zelensky est reçu très officiellement à Washington et honoré comme le « chef de la résistance » par le président américain Joe Biden. 

Lire : Zelensky à Washington, un moment historique et patriotique

Les alliés ont alors décidé de lui livrer des armements offensifs afin de défaire militairement les armées russes sur le territoire ukrainien. Engins blindés, missiles de 150 km de portée, mise en place d’un parc de chars lourds de combat, le soutien des alliés est considérable même s’il n’intègre pas à ce stade de capacité de frappe au-delà de la frontière russe.

Chars Leopard 2 de l’armée allemande

Lire : les Occidentaux fournissent une capacité offensive à l’Ukraine, un tournant dans la guerre ?


Un engagement des alliés puissant et délimité

Les alliés vont former et fournir les équipements nécessaires pour que les forces ukrainiennes puissent enfin lancer des contre-offensives majeures contre les envahisseurs russes dès le printemps 2023, sans toutefois livrer de capacité aérienne moderne pour la raison déjà évoquée de ne pas dépasser la frontière, mais aussi pour ne pas avoir à déployer une chaîne logistique qui engagerait des soldats alliés sur le territoire ukrainien.

Il faudrait en effet pour préparer et réparer ces avions de combat des équipes très importantes de techniciens expérimentés et les installer sur des bases aériennes en Ukraine…

Lire : Ukraine, des avions pour quoi faire ?

En fait, les alliés accordent un soutien considérable à l’Ukraine mais sans accepter de s’engager directement, ils refusent d’impliquer officiellement leurs propres soldats. Ils ont décidé de donner les moyens à l’Ukraine de vaincre l’armée d’invasion russe avec deux limites à leur engagement : la frontière russe et la non-implication de leurs propres soldats.

Missile GLSDB américain de 150 km de portée

Cela pose évidemment la question de la Crimée, revendiquée par les deux protagonistes. Mais si l’armée russe est défaite sur le territoire ukrainien, il est probable que la guerre puisse s’arrêter avant que les forces ukrainiennes n’arrivent à la limite de la Crimée. 

Le scénario envisagé et partagé par les alliés est que le pouvoir autoritaire du président Poutine vacillera quand son armée perdra pieds sur le terrain en Ukraine et que son propre régime se chargera de le remplacer, ouvrant une nouvelle ère et permettant de négocier une paix durable avec la Russie qui n’aura pas disparu le jour d’après.

Lire : Ukraine, dans le brouillard de la guerre, vraies et fausses batailles

Dissuader la Chine d’aider la Russie de Poutine, et d’enliser ce conflit 

Le scénario d’une défaite militaire russe sur le sol ukrainien entraînant la chute de Poutine est celui recherché par les alliés. En face, les tentatives des armées russes de lancer une « offensive de grande ampleur » se heurtent à la capacité de résistance des forces ukrainiennes, mais surtout à la faiblesse des moyens qui leurs restent, en particulier en termes de matériels majeurs (blindés et artillerie), de renseignement et surtout de cadres expérimentés (qui ne se forment pas en quelques mois, mais en plusieurs années). 

« une défaite militaire russe sur le sol ukrainien entraînant la chute de Poutine »

Les déboires de la « firme Wagner », l’entreprise mafieuse que Poutine a voulu associer à cet assaut, sont à l’image de cette opération militaire, beaucoup de propagande, un goût prononcé pour la violence mais peu de résultats concrets en dehors des dévastations opérées.

Les vaines tentatives russes de s’emparer de Bakhmut, depuis l’été dernier, alors que ce n’est qu’une cible secondaire dans leur ambition affichée de conquête de l’Ukraine, sont l’illustration de leur faiblesse actuelle.

Bakhmut, Soledar… des batailles « secondaires »

Lire : Soledar, la victoire a tout prix

Dans ce contexte, l’intervention de la Chine pourrait modifier le rapport de force. La Russie de Poutine l’a sollicitée pour obtenir des munitions, des drones, des missiles et probablement des matériels blindés. La Chine n’a pas encore répondu, mais elle pourrait être tentée d’intervenir pour éviter que Poutine ne vacille et en faire son obligé, tout en affaiblissant toutes les parties puisque la guerre s’enliserait alors. Pour faire bonne figure, elle présente cependant un plan de paix… qui met à égalité les deux parties, alors que c’est la Russie qui a envahit l’Ukraine.

Néanmoins, un soutien de la Chine serait difficile à camoufler et des sanctions – venant des Etats-Unis comme de l’Union européenne – seraient fatales à son développement économique et social. La gouvernance de la Chine est beaucoup plus rationnelle que la société mafieuse de Poutine, et les Chinois ne prendront pas le risque d’un soutien à la Russie si celui-ci doit lui coûter bien plus qu’il ne lui rapporterait. 

Un soutien international à l’Ukraine, mais une sourde défiance à la puissance occidentale

Si une cinquantaine de nations apporte un soutien réel à la résistance de l’Ukraine, du Maroc à la Finlande, de nombreux pays ont une attitude beaucoup plus réservée, de l’Afrique du Sud à l’Inde. Sans apporter leur soutien à la Russie de Poutine, ces pays expriment cependant une volonté de contester un ordre international dominé par les puissances occidentales. 

Dans ce contexte, la politique de Poutine apparaît paradoxalement comme une forme de remise en cause de cet ordre historique, un « combat » qu’alimente volontiers la principale arme russe, la propagande. 

Nos démocraties découvrent aussi la puissance des réseaux de Poutine, en France notamment, où les messages délivrés depuis des années par des personnages publics allant d’Hubert Védrine à Marine Le Pen en passant par Philippe de Villiers interrogent. 

Lire : sommes-nous menacés par les réseaux de Poutine en France ?

L’Europe face à cette guerre russe contre l’Ukraine

Cette guerre contre l’Ukraine aurait pu disloquer l’Europe, si certains pays avaient choisi une autre stratégie que de soutenir collectivement la résistance de son voisin immédiat. L’Europe a aussi découvert en voulant aider militairement l’Ukraine qu’elle s’était désarmée silencieusement, dans une forme de déni, de ne plus avoir d’ennemi.

Si la stratégie des alliés vise effectivement à ce que l’Ukraine puisse vaincre la Russie de Poutine sur son sol, en cible avant la fin de cette année 2023, l’Europe aura à jouer un rôle clef dans la reconstruction, après des dégâts estimés à des centaines de milliards €, ainsi que dans l’accompagnement de la Russie pour éviter que celle-ci ne se transforme à nouveau en un empire menaçant. 

Une question cruciale se pose d’ores et déjà, celle de la sécurité de l’Europe qui ne peut se réduire à sa prospérité, ni aux politiques incohérentes et limitées (faute de moyens) de chacun de ses membres. Au contraire, la puissance combinée de l’Europe serait au moins équivalente à celle des Etats-Unis et lui permettrait de jouer un rôle majeur, à la hauteur de son importance et des enjeux de sécurité qui menacent cette même prospérité. 

Cette guerre russe contre l’Ukraine est d’abord un défi pour l’Europe, un défi pour sa stabilité et pour son avenir. Sommes-nous prêts à le relever ?

Lire : la guerre en Ukraine est d’abord un défi pour l’Europe


Un an de guerre, par Xavier Tytelman

12 commentaires sur “La guerre de Poutine contre l’Ukraine, une année de violences inouïes pour une issue sans merci

  1. bonjour,
    cette année écoulée aura été pour moi synonyme de la sur-estimation des capacités de l’armée russe, mais surtout la « naissance » de la Nation ukrainienne, éprise de liberté, de morale, de volonté de rejoindre l’UE et l’Otan(pour son aspect sécuritaire).

    les nations alliées de l’Ukraine devraient accroitre significativement leur aide militaire, et rapidement (missiles ATACMS, F-16 ou A-10, Leopard2…) il en va de l’avenir du droit international.

    Même si la France devrait perdre temporairement en capacités l’effort devrait être plus intense. aujourd’hui le « en même temps » n’a plus lieu d’être.
    un retour à la situation de janvier 2022 serait un répit accordé à Poutine pour recommencer en Ukraine ou ailleurs

    Un tribunal international serait une bonne chose, mais verra t’il le jour?

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  2. 1: Personne n’aurait pu supposer Poutine s’engager dans cette voie , tellement irréaliste, sauf les services de renseignements US qui étaient les seuls dans le vrai de leur prédiction !
    2: Personne n’aurait pu imaginer l’Ukraine résister à l’ours russe et son armée pléthorique et redoutée !
    3: Personne n’aurait pu penser que l ‘Europe soit soudée face à ce défi et relève le défi en livrant une assistance militaire crescendo!
    4: Personne n’aurait supposer le come back des US en Europe trop occupé à gérer et anticiper le choc Chine-Taïwan !
    5: Personne et Poutine en 1er n’aurait supposer un renforcement de l’alliance NATO !
    6:Personne et Poutine en 1er n’aurait supposer la Suède et la Finlande basculer de leur neutralité vers une adhésion de l’OTAN !

    Et pourtant en une seule année tout cela s’est réalisé au grand dam de Poutine .
    Aucun de ses buts initiaux ne s’est réalisé et tout ce qu’il ne voulait pas à contrario s’est finalisé !!!!!
    Il a montré sa faiblesse de son armée conventionnelle, les résultats de la corruption, la désorganisation et l’impreparation de l’armée russe !
    Il a perdu l’élite de ses troupes dans les échecs des 1eres semaines et a bricolé des renforts improbables avec les mercenaires Wagner , les tchétchènes de Kadirov , la lie de ses prisons !
    Les grands gagnants sont les américains qui livrent le gaz GNL à la place de la Russie à prix fort, le matériel US aux pays de l’Est et surtout la Pologne ,leur pétrole .
    Les grands perdants sont les russes bien sûr , mais aussi l’Europe qui voit son inflation revenir , des coups élevés de leur besoin énergétique (surtout l’Allemagne), son économie perturbée.
    Ceux qui peuvent tirer les marrons du feu sont la Chine qui récupère le gaz plus du pétrole à des prix avantageux , une position de 3eme puissance reconnue après le couple Russie/USA,qui propose son plan de paix (qui n’est fait que de bon sens) et montre ainsi sa bonne volonté .
    La Turquie toujours en embuscade et qui peut servir de médiateur entre l’Ukraine et la Russie .
    La France parfois décriée par les positions floues et ambiguës de notre président (le: en même temps) est certainement celle qui livre ce qu’elle peut , compte tenu des états de nos armées,déjà à l’os, dans des délais respectés et avec une bonne efficacité appréciée sur le terrain : (Caesar, Mistral ,LRAC,AMX10 RC,….) et peut-être demain des Mirages 2000

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    1. Bonjour Bovet,

      Je trouve que votre commentaire est un très bon résumé des événements tragiques de cette année. Je suis néanmoins surpris de vous voir passer complètement à côté de la vraie valeur du « plan de paix » chinois. A tel point que je me demande si vous l’avez lu et analysé dans son intégralité. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un plan de paix à proprement parler puisque la Chine l’intitule : « POSITION DE LA CHINE SUR LE RÈGLEMENT POLITIQUE DE LA CRISE UKRAINIENNE »

      Dans la négative, le voici, en français, sur le site du gouvernement chinois : https://www.fmprc.gov.cn/fra/zxxx/202302/t20230224_11030718.html.

      Dans l’affirmative, vous n’avez pas saisi un certain nombre de choses, qu’il fallait lire plutôt entre les lignes

      Vous n’avez pas saisi que le point 1. concerne la Chine et Taïwan et non la Russie et l’Ukraine.

      Vous n’avez pas saisi que le point 2. concerne la position dominante des USA face à la Chine.

      Le point 4. est une utopie sans aucun rapport avec la réalité des atrocités commises par les armées et les milices « privées » russes en Ukraine.

      Le point 10. ne ferait que redonner des moyens financiers conséquents au complexe militaro-industriel russe, totalement à la botte du Kremlin, avec les conséquences dramatiques que cela aurait pour l’Ukraine.

      Le point 11. est un plaidoyer contre les sanctions internationales qui accableraient la Chine en cas d’invasion de Taïwan.

      Le point 12. est la tentative de positionnement avantageux de la Chine face à la manne juteuse (plus de 500 milliards d’euros) que constitue la reconstruction de l’Ukraine ravagée. Vous trouvez juste qu’un pays qui ne prend aucuns risques politiques et économiques, vienne s’engraisser lors de la répartition de cette manne, au détriment des pays occidentaux qui mettent généreusement la main au portefeuille ?

      Quant aux autres points, le 3. est une lapalissade inutile.

      Le 5. et le 6. ne tiennent aucun compte de la culture majoritaire de la société russe, induite par la politique intérieure du voyou du Kremlin depuis 1999, à savoir la culture du déshonneur. C’est à dire qu’il a favorisé les comportements négatifs, c’est un euphémisme, en les félicitant. Par exemple, le responsable militaire qui a autorisé et ordonné, de manière documentée et prouvée, le génocide à Boutcha, à été personnellement décoré au Kremlin !

      Le 7. et le 8. sont des évidences.

      Le 9. est une gifle à l’Occident. La Chine a en effet le culot de demander à l’ONU de faire son travail quand elle oublie que « son allié pour toujours » s’est employé depuis plus d’un an à la rendre caduque par son veto permanent au Conseil de sécurité et que elle, elle s’emploie « courageusement à s’abstenir de tout vote concernant la guerre d’invasion russe en Ukraine.

      Je pense donc, en conclusion, que tout ce que vous dites dans ce commentaire est finement observé, mais que vous avez un peu trop vite conclu que la « position de la Chine sur le règlement… » est un plan de paix alors qu’il n’est qu’un ramassis d’évidences et d’hypocrisies typiques du régime chinois, destiné à redorer le blazon politique international d’un pays qui joue un jeu aussi douteux que lâche dans cette effroyable guerre.

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  3. « Au contraire, la puissance combinée de l’Europe serait au moins équivalente à celle des Etats-Unis et lui permettrait de jouer un rôle majeur, à la hauteur de son importance et des enjeux de sécurité qui menacent cette même prospérité. » Etre une puissance c’est contraire aux valeurs de l’Union. L’Union propage son modèle par le droit, la culture et le commerce. Il faut être cohérent ce n’est pas parce que Poutine a lancé une guerre façon XIXe siècle qu’il faut l’imiter. Renier les valeurs européennes ne les protègera pas.

    La meilleure arme contre Poutine c’est le droit international et la constitution d’un tribunal spécial.

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    1. Bonjour.

      L’état de droit et la communauté de valeurs des États suggèrent un peu d’organisation défensive, quand les discussions arrêtent moins bien les explosifs. Se défendre correctement, c’est à dire proportionnellement à des menaces, ne renie pas le droit. L’emploi de la force est nécessaire quand tout le reste a échoué, après tout le reste.

      Le bouillonnement géopolitique actuel devrait inciter à mettre en commun des moyens, pour ne pas tomber dans des dépenses contre-productives pour les économies nationales. L’Europe en simple marché libre est vouée à subir les stratégies des autres. Une Europe plus coordonnée entre États souverains est plus dissuasive et plus efficace, donc elle permet dès lors l’emploi du droit international.

      Concernant l’alliance transatlantique historique, acceptons l’idée que l’intérêt mutuel entre les deux continents limite les fragmentation qui servent ailleurs. Il participe aussi aux activités économiques croisées. C’est dans ce contexte que le droit peut s’exprimer, parce que la liberté de conscience et de circulation sans menace ne sont pas des acquis pour quelques millions de terriens.

      Complètement d’accord avec votre épilogue, mais ça ira plus vite après une ou deux baffes stratégiques.

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    2. Ancien praticien du Droit, je partage l’avis formulé quant à la création d’un tribunal spécial.

      Cependant, il convient de se rappeler qu’en toute circonstance, le Droit a besoin d’un « bras armé » pour traduire devant les juges les délinquants et criminels…

      Sans cette force, nul espoir de voir à la barre d’un tribunal un quelconque « justiciable » qui aura pris toutes précautions pour éviter sa comparution, quitte à détruire toutes les instances qui l’y auraient pu conduire.

      Pareillement, le Droit n’a, hélas, pas droit de cité, quand tonne le canon et que coule le sang.

      Il interviendra dans la Paix, s’il le peut… Celle-ci ne pourra retrouver sa place que lorsque les affrontements auront cessé, hélas ! et que les peuples ne seront plus soumis au risque de mort.

      De fait, une force armée reste le seul rempart contra la barbarie, la torture et l’invasion.

      La dissuasion a, depuis un an et le conflit que nous évoquons, perdu en « fiabilité ».

      Si vis pacem, para bellum ! est la seule posture adoptable pour faire face à ceux, qui, longtemps nous ont bercé de leurs intentions non belliqueuses lesquelles ne masquaient que leur préparation à la guerre…

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    3. Bonjour Elios,

      Je me permettrai de compléter les deux excellentes réponses ci-dessus par ceci : le voyou du Kremlin ne comprend que la force et les coups.

      C’est devenu sa nature depuis son enfance pauvre dans les quartiers minables de Saint-Pétersbourg (alors Leningrad). N’oubliez pas que c’était à l’époque, un gringalet à tête de rat qui aimant traîner avec les voyous locaux, avait la triste habitude d’en prendre plein la g… N’étant pas bête, il en a assez facilement déduit que son seul moyen de défense était l’attaque violente et brutale pour dissuader l’adversaire avant même que celui-ci ne l’agresse. D’où son intérêt pour le judo.

      Il s’est construit sur cette base et c’est naturellement qu’il s’est tourné vers le KGB. L’organe par excellence de la violence et de la brutalité sans limites et en toute immunité. La toute puissance du petit fonctionnaire gringalet à tête de rat qu’il était toujours.

      Je ne vais pas vous faire ici sa biographie, des ouvrages remarquables l’ont faite avant moi. Mais gardez aussi à l’esprit que tous ses interlocuteurs occidentaux (et respectables par leur honnêteté intellectuelle) ont de tout temps remarqué qu’il mentait systématiquement pendant tout l’entretien, que c’était sa manière de s’exprimer et de négocier.

      La conclusion que j’en tire est celle-ci : ce n’est plus un gringalet, mais il a toujours sa tête de rat. Comment pourrait-on traiter avec un personnage qui fonctionne comme ça depuis plus de soixante-dix ans, autrement que par la force ? Et celle-ci doit être supérieure à la sienne.

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