Sommes-nous menacés par les réseaux de Poutine en France ?

Couverture de Valeurs Actuelles, mai 2018

J’ai été consterné par les propos du général Pierre de Villiers sur la guerre en Ukraine : « cette guerre n’est pas la nôtre ». 

Ancien chef d’état-major des armées, dont le principal fait de guerre est d’avoir démissionné après s’être fait tancer par un jeune président Macron qui se voulait jupitérien, le général de Villiers avait pourtant construit sa carrière sur un conformisme bien aligné, faisant presque oublier les outrances politiques de son frère Philippe de Villiers dont il n’est pas si éloigné. 

Ce dernier n’avait pas hésité à déclarer, après l’annexion de la Crimée en 2014 par le maître du Kremlin, que « Poutine est assurément le plus grand chef d’Etat actuel »… 

Mieux encore, Poutine avait alors annoncé vouloir ouvrir en Crimée des parcs d’attraction sur le modèle du Puy du fou et le maître des manants se réjouissait de l’aider

Difficile de ne pas s’inquiéter de ce qu’aurait pu faire à la tête de la France une Marine Le Pen, financée par la Russie de Poutine, et dont le chef d’état-major des armées aurait été Pierre de Villiers…

Très liés à l’extrême-droite française, les réseaux de soutien au président russe Vladimir Poutine sont importants et se sont profondément ancrés dans les armées. Ils ont notamment pénétré les hauts-lieux de formation militaire, Saint-Cyr, l’école de guerre et ses différents cercles comme l’IHEDN où les tenants des théories les plus radicales ont pu enseigner. 

C’est par exemple le cas de Bernard Lugan, théoricien du racialisme sous couvert d’ethnie, dont il aura fallu attendre 2015 pour qu’il soit enfin écarté sur décision du gouvernement. Il avait pourtant réussi à justifier le pire, comme le génocide contre les Tutsi au Rwanda

Enseignant à Saint-Cyr et à l’école de guerre pendant des années, il suffit pourtant de lire ses publications pour se faire une idée de son extrémisme et de son enthousiasme pour la brutalité de Poutine. Pourquoi l’avoir laissé professer dans le milieu militaire tandis que l’université cherchait à s’en défaire ?

Bernard Lugan relayé par un média pro Poutine, Novopress « arme de réinformation massive »…


L’armée française s’est laissée contaminer – en partie – par les réseaux de soutien à Poutine 

Certes, le terrain militaire est favorable aux extrémistes, une institution qui brille par sa culture du silence et qui peine avec la notion de débat, mais qui accueille avec bienveillance les représentants de la droite extrême. 

Comme le rappelle l’ancien amiral Patrick Chevallereau, dans une tribune du Journal du Dimanche, le milieu militaire français est contaminé par ce doux mélange de radicalisme politique, d’admiration pour la brutalité du dictateur du Kremlin, ainsi qu’une vieille rengaine anti-américaine doublée d’une hostilité à l’OTAN dont les origines semblent remonter à la nuit des temps. 

Ce serait outrancier de qualifier l’armée française d’extrême-droite, d’autant que son chef d’Etat-major actuel, le général Thierry Burkhard, est un modèle de neutralité politique et religieuse. Mais fermer les yeux sur l’importance du réseau de soutien à Poutine dans les Armées n’est pas non plus une solution.

Lire aussi : Thierry Burkhard, nouveau chef d’état-major des armées, sérieux et austérité

Les positions de Bertrand de la Chesnais, ancien major général de l’armée de terre (autrement dit le n°2), et qui a dirigé la campagne présidentielle d’Éric Zemmour faite de haine et de peurs, ne peuvent qu’interroger. Il vient d’ailleurs de relayer ce message d’un extrémiste notoire qui illustre bien sa propre position : ne pas faire obstacle à Poutine. 

Des dirigeants militaires de haut-niveau sont manifestement liés à ces réseaux. L’axe principal de cette propagande qui est relayée par ces réseaux dans toute l’Europe est de saper le soutien aux Ukrainiens, élément clef de leur résistance à l’invasion de Poutine : « ce n’est pas notre guerre, pourquoi s’allier pour les aider, nous pourrions les livrer à leur sort plutôt que leur livrer des matériels militaires, faire comme si nous n’étions pas concernés… »

Un terrain favorable pour des réseaux puissants qui continuent à irriguer la société française

Il aura fallu attendre janvier pour que l’Etat français neutralise enfin un média dédié à la propagande de Poutine, Russia Today. Interdit de diffusion mais pas de publications, ses brillants reportages continuaient en effet a être produits et rendus disponibles sur les réseaux sociaux et internet, jusqu’à ce que la France gèle enfin ses avoirs et bloque ainsi cet outil de propagande. 

Russia Today était par exemple chargée de justifier les crimes de guerre commis par la Russie de Poutine en les faisant passer pour des manipulations des Ukrainiens. Ainsi, après le bombardement d’un immeuble à Dnipro en janvier, dévastant plus de 70 appartements et provoquant au moins 45 morts, Russia Today n’avait pas hésité à affirmer que ce massacre de civils n’était que le résultat d’une vilaine tentative d’interception d’un (gentil) missile russe par la défense sol-air ukrainienne. Une odieuse propagande démontée par les faits et d’un cynisme sans limites…


L’activité de Russia Today a cependant permis, pendant plusieurs années, d’apercevoir l’étendue de ces réseaux pro Poutine et de ses ambassadeurs qui ont défilé à leurs micros. Certains diront qu’ils voulaient débattre, mais sur un média dédié au Maitre du Kremlin, l’argument est un peu faible. 

« Que les Ukrainiens cessent de résister pour que la Russie puisse finir de les dévaster… »

Cependant, les réseaux de propagande de Poutine ne pouvaient se borner à l’extrême-droite, il leur fallait pouvoir compter sur des relais plus écoutés à défaut d’être meilleurs en pensée. Ainsi, les positions prises depuis plusieurs années par Hubert Védrine laissent pantois : 

Lire aussi : Védrine rime-t-il avec Poutine ?

Réseaux multiples, beaucoup d’argent aussi – il suffit pour cela de sur-rémunérer une prestation (une conférence par exemple) – pour s’assurer de la « loyauté » de ces relais, Poutine en ancien agent du KGB a fait tisser en France et dans toute l’Europe de puissants réseaux de propagande qui ont contaminé une partie de nos débats. Comment les dévoiler et les neutraliser sans mettre en risque notre démocratie alors qu’ils constituent une menace pour notre société ?


PS : pour ceux qui se sont émus que la couverture de Valeurs Actuelles en début d’article date de 2018, ce qui pour moi démontre que ces réseaux pro-Poutine ne datent pas du déclenchement de la guerre, « j’actualise » avec leur couverture de février qui montre bien ce qui est à l’œuvre dans ce média

10 commentaires sur “Sommes-nous menacés par les réseaux de Poutine en France ?

  1. Bonjour, M. Ancel ! Mes meilleurs vœux de santé pour cette nouvelle année. J’accuse réception de tous vos articles.  Merci pour vos éclairages et toutes ces informations utiles. Bon début de semaine Robert Symplice Robert AdéJournaliste Correspondant de la Deutsche Welle à Dakar Adresse Bureau :Tél : 00221339262704BP : 25517 Fann Dakar Sénégal

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