Je vais traiter cette semaine, dans la guerre russe contre l’Ukraine, de trois informations très différentes, mais dont le sens n’est pas une évidence.
Poutine poursuivi pour crimes de guerre
Vladimir Poutine est désormais poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre.
Poutine est notamment poursuivi pour avoir organisé l’enlèvement et la déportation d’enfants en Ukraine, un sujet auquel s’était intéressée en particulier cette émission de C dans l’Air sur France 5.
Cette poursuite pénale par la justice internationale est cruciale car elle retire toute respectabilité à cet homme qui avait réussi jusqu’ici à se faire craindre autant qu’épargner par les dirigeants de notre monde. Malgré ses crimes innombrables, de la Tchétchénie à l’Ukraine en passant par la Syrie, Poutine faisait l’objet de toutes les attentions, y compris du président français Emmanuel Macron qui jusqu’au bout aura voulu entretenir avec lui une « relation de confiance ».
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Poursuivi désormais par la CPI, pour crimes de guerre, Poutine ne pourra plus être invité ou reçu en dehors de son cercle réduit de soutiens. Plus jamais il ne pourra se rendre à un G8 ou 20, ni participer à une réunion internationale pour consacrer la place de la Russie et incarner le maître du Kremlin.
Poutine est maintenant un paria à l’international, après s’être révélé un chef désastreux dans une opération militaire spéciale qui le mène tout droit à sa fin. Dans ces conditions, il est peu probable qu’il survive à la contre-offensive que préparent les Ukrainiens pour reconquérir leur propre sol.
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Bakhmut, une conquête russe à la dérive
Annoncée depuis 9 mois, la conquête par les armées russes de la petite ville de Bakhmut n’est toujours pas achevée.
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(tribune JDD)
Pourtant la ville, qui n’est plus qu’un tas de ruines, est désormais enserrée dans un étau destiné à broyer tout ce qui resterait. Quelques km seulement séparent les fronts nord et sud, la « ville » est au milieu d’une paire de mâchoires destinée à se refermer sur elle.


Alors pourquoi les armées russes n’achèvent pas leur manœuvre pour s’emparer enfin de Bakhmut ?
Les réseaux sociaux étalent les frasques de Prigojine, le chef mafieux de Wagner, qui affirme tout et son contraire, qu’il ne reçoit pas assez de munitions un jour et qu’il les aurait reçues le lendemain, sans que cela ne change rien à la situation.
En fait, l’explication n’est pas à aller chercher du côté de cette figure aussi grossière que grotesque, mais bien du côté des armées russes qui dirigent en réalité cette opération sur Bakhmut. En refermant le piège maintenant, elles abandonneraient toute possibilité d’attirer encore des forces ukrainiennes dans ce piège qui leur était tendu.
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Pendant que le cirque de Prigojine anime la scène médiatique, les armées russes espèrent encore que les Ukrainiens feraient l’erreur de contre-attaquer là où ils sont attendus par un puissant dispositif d’artillerie, la seule arme pour laquelle les Russes disposent toujours d’une supériorité évidente, même si elle n’est que numérique.
Dans le couloir que les armées russes ont constitué autour de Bakhmut, toute force ukrainienne qui s’y engagerait désormais se ferait laminer comme la ville l’a été sous la puissance des bombardements.
Le fait que les Russes ne referment pas cette nasse est moins le signe d’un règlement de compte entre Wagner et les armées que la confirmation d’un piège qui reste encore ouvert.
Un Reaper à la mer
Mardi 14 mars, un drone américain Reaper s’abîme en mer après avoir été endommagé par deux chasseurs russes Su-27.
Le drone – par définition sans pilote – vole au-dessus de la mer noire, dans un espace international. Il n’enfreint aucune règle, il est en mission de surveillance à proximité de l’Ukraine, au même titre que d’autres aéronefs de l’OTAN qui surveillent et tracent au quotidien les missions d’attaque russes contre ce territoire.

Les deux chasseurs russes l’approchent à 19 reprises, en le frôlant et en larguant du kérosène pour l’abîmer. Le kérosène, très volatile, pourrait s’enflammer au contact du turbopropulseur du drone.


Lors de son dernier passage, un Su27 touche l’hélice (et probablement l’empennage) du drone, comme le montre cette photo où l’on voit nettement une pale du rotor sectionnée et tordue par la collision.

Le drone décroche alors, ou bien il est précipité en mer par son opérateur faute de pouvoir le ramener sur sa base (située en Roumanie semble-t-il).
Comme toujours, les officiels russes démentent à peu près tout, mais l’armée américaine diffuse alors une partie des images transmises par ce drone :
On y voit très nettement les manœuvres de déstabilisation des appareils russes qui endommagent le drone et conduisent à sa perte. Aucune victime à déplorer mais l’appareil détruit n’est pas anodin, outre le fait qu’il coûte environ 15 Millions de $. C’est en effet un engin de grande taille, de 4 tonnes et 20 mètres de diamètre, un avion sans pilote mais impossible à ne pas reconnaître et identifier.

Il s’agit donc d’une manœuvre « hostile » des pilotes russes, sans être un acte de guerre qui aurait consisté à tirer sur le drone en l’engageant au canon ou au missile. Les Américains qualifient cette affaire d’incident, les Russes (dé)mentent à leur habitude, et ils ne sont même pas gênés lorsque les images sont révélées, mais qui peut encore les croire.
Ce Reaper à la mer ne constitue pas pour autant une escalade dans le conflit : les Américains se sont plaints mais ils n’ont effectué aucune mesure de rétorsion ni menacé de le faire.
Après les habituels mensonges de Serguei Lavrov, leur ministre des affaires étrangères, les Russes n’ont manifesté aucune volonté d’attaquer des appareils américains ou plus largement de l’OTAN.
La destruction de ce Reaper a rappelé aussi que les état-majors alliés et russes se parlent et ne laissent pas un incident de ce genre les emporter vers une escalade incontrôlée.
Par rapport aux agressions et aux crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine, le fait d’avoir fait tomber un drone Reaper américain n’est pas vraiment « une affaire ».
Lire aussi : l’Empire contre-attaque, point de situation au 16 mars (par Michel Goya)
Si je puis me permettre, j’aimerais souligner que ces analyses sans fioritures sont pour moi essentielles. Essentielles face aux trolls, aux idéologues en herbe et autres « confusionistes » —professionnels cette fois-ci— ainsi qu’à ceux d’entre nous, citoyens européens, qui ne veulent rien savoir pour conserver coûte que coûte des modes de vie shootés au consumérisme et à l’individualisme morbide. Pendant ce temps, des vies humaines sont oblitérées, rendues insignifiantes par la mort à l’échelle industrielle. Le pire, j’imagine, ce sont les plaies ouvertes, béantes, pour les êtres qui survivent. Alors merci pour ces recherches, leurs mise en perspectives et les analyses qui donnent un sens à tout cela. Pour qu’on ne puisse pas dire qu’on ne savait pas.
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A reblogué ceci sur Zak Files.
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« Cette poursuite pénale est cruciale car elle retire toute respectabilité à cet homme »
Merci pour ces mots. il était temps que Vladimir Poutine soit enfin condamné. Au moins sous cette forme. Cet homme est un pantin de l ‘horreur.
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C’est vrai que cette semaine c’est parti dans tous les sens !
Une condamnation importante pour discréditer l’image de Poutine devant le Monde entier .Mais en pratique peu de chance de le voir de si tôt devant le tribunal de la Haye !!
Bakhmut tant de fois annoncé comme quasiment conquise par les Russes, mais toujours en vie , même si la pince essaye toujours en vain de se refermer sur la ville (défenses appuyées sur des lignes anciennes qui restent efficaces)
Le plus intéressant à mon avis , c’est cette agression du drone américain par 2 chasseurs russes en zone internationale :
Les américains n’ont pas envenimé la situation et ont tout de suite désescaladé l’incident (un peu comme pour le missile qui avait atteint la 🇵🇱 et tué 2 civils)
Les russes avaient besoin de montrer leur muscles 💪 avant la visite de XI Jinping , dans une situation militaire compliquée et peu glorieuse !
Un autre point important est la livraison des 1ers chasseurs de l’époque soviétique par la Pologne puis la Slovaquie : comme pour les chars et l’AMX 10 RC cela peut débloquer le compteur pour la livraison de jets à l’Ukraine 🇺🇦
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