Sous la direction d’Hélène Blanc, nous sommes 27 à avoir contribué à cet ouvrage collectif Goodbye Poutine (publié aux éditions Gingko) qui traite de Vladimir Poutine et de la guerre qu’il a déclenchée contre l’Ukraine. Pour comprendre ce conflit, ses enjeux et ses conséquences, nous nous sommes « mobilisés » pour donner des éclairages différents et complémentaires.
Plutôt que de décrire ce livre d’une grande richesse, je vous propose de cheminer à travers quelques extraits en souhaitant qu’ils vous donnent envie d’en lire plus… pour comprendre et réfléchir à ce conflit majeur du 21éme siècle, dont l’issue sera déterminante pour notre avenir et notre conception de la démocratie.
Vladimir Poutine ? Ses discours anachroniques, sa rhétorique belliqueuse, son interprétation mensongère de l’Histoire pour légitimer des actions injustifiables, impardonnables, ses postures schizophrènes, sa vision paranoïaque du monde, son cynisme sans limites, prouvent qu’il a perdu tout contact avec le réel, entraînant son grand pays vers l’abîme.
Dans le Donbass, des combats décisifs font rage. Tout se terminera probablement autour de la Crimée, d’Odessa et de Sébastopol. Ce qui se joue actuellement c’est la paix de l’Europe. La liberté de l’Ukraine garantit aussi la nôtre. C’est pourquoi elle ne doit pas perdre cette guerre. Si elle la perdait, l’Europe se retrouverait alors en première ligne. Raison de plus pour aider les Ukrainiens et se placer du bon côté de l’Histoire.
Cette fois, le masque est tombé définitivement ! Goodbye Poutine !
Hélène Blanc, Criminologue, politologue, spécialiste de la Russie et du monde slave
Poutine ne s’arrêterait pas en Ukraine.
S’il remportait la victoire, au lieu de l’accalmie naïvement attendue par certains, le monde entier se transformerait en poudrière de sanglants affrontements sans fin.
En fait, le triomphe de Poutine serait synonyme de l’effondrement de la civilisation occidentale, née à Athènes au Ve siècle avant J-C, et reposant sur le socle de valeurs intrinsèques : la liberté individuelle, la dignité humaine, le respect de la Loi. La chute de Kiev jetterait ces valeurs aux poubelles de l’Histoire. Et l’Occident, qui fut le phare de l’Humanité des siècles durant, en sortirait par la petite porte.
Alexandre Melnik, ancien diplomate russe, professeur de géopolitique à ICN Business School (Nancy)
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Il semble à peine croyable qu’en 2022, comme en 2017, des quatre principaux candidats à l’élection présidentielle, trois se soient fait connaître par leurs positions pro-Kremlin.
Ce tropisme pro-russe contre vents et marées est l’un des symptômes des maux dont souffre la classe politique française : un effrayant mépris de l’expertise, l’aveuglement dû à l’esprit de parti, l’oubli du bien public, la lâcheté, et surtout une totale indifférence à l’éthique et à la vérité — bref, tout ce dont s’alimente la kremlinophilie.
Françoise Thom, Maître de conférence émérite de l’Université Paris-Sorbonne
Au grand dam des pro-Russes encore et toujours militants en Europe, les sanctions commencent à porter leurs fruits en désorganisant le fonctionnement de l’économie russe. Bien sûr, la résilience du peuple russe est une réalité et, pour les habitants des régions rurales, la guerre désignée comme « opération militaire spéciale » se traduit surtout par une ponction sur la population masculine sans grand impact sur le quotidien de la population.
En revanche, pour le complexe militaro-industriel, la situation est désormais beaucoup plus difficile avec une production réduite, une productivité en déclin et surtout une image de marque de plus en plus désastreuse. Quel pays étranger voudra acheter le matériel équipant une armée en très grande difficulté sur le terrain ?
Général (2°S) Jérôme Pellistrandi, Rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale
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En somme, la guerre russe n’est pas seulement dirigée contre l’Ukraine et la liberté des peuples ailleurs, notamment en Syrie, au Bélarus, en Géorgie et dans une partie de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine ; c’est une guerre globale et idéologique. Nos propres buts de guerre sont, en vainquant la Russie, certes d’abord en Ukraine pour sauver des vies, ce qui constitue une urgence et un devoir absolus, de forger une autre scène mondiale. Nos buts de guerre sont dès lors d’abord la défaite de la Russie et la libération totale de l’Ukraine qui doit retrouver ses frontières de 1991, mais aussi, en éliminant toute menace future posée par cet Etat, de créer les conditions d’un monde plus pacifié, libre, digne et décent.
Nicolas Tenzer, Enseignant à Sciences Po Paris et directeur du Blog Tenzer Strategics
Avec la guerre en Ukraine, nous réalisons que nous avons réussi à construire le plus grand espace de liberté et de prospérité du monde, l’Union européenne, en « négligeant » d’en faire une puissance pour nous protéger tout simplement. De fait, notre monde – ce monde – est en péril, menacé par l’agressivité de la Russie aujourd’hui et par d’autres demain, si nous n’investissons pas massivement dans sa sécurité.
C’est sans doute ce que ma génération d’officiers n’avait pas compris, pas plus que notre société. Nous devons débattre des questions militaires et en débattre au niveau européen si nous voulons pouvoir dire Goodbye à Poutine et à tous ceux qui veulent nous menacer.
Guillaume Ancel, Ancien officier et écrivain français
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Homme du KGB, une organisation directement responsable de dizaines de millions de morts (et qui n’a jamais fait son autocritique, ni exprimé le moindre regret), Vladimir Poutine a été formé à la meilleure école soviétique, celle du mensonge, de la brutalité, du cynisme.
Après quelques semaines de pouvoir, toutes ses « qualités » sont déjà apparues au grand jour.
Les dirigeants occidentaux ne pourront donc pas feindre la surprise lorsque, une fois élu, il partira en guerre contre toutes les valeurs qui nous sont chères, faute d’avoir su le mettre en garde et de lui avoir tenu tête à temps. (24/2/2000)
Thierry Wolton, Journaliste et écrivain
Même si, grâce à l’Ukraine, l’Europe et les Occidentaux ont effectué un tournant historique dans leur compréhension de la menace russe et commencé à en tirer les conséquences, le mensonge totalitaire est loin d’être entièrement déconstruit.
Philippe de Lara, Maître de conférences honoraire en science politique à l’université Panthéon-Assas
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« Le monde des sermons du patriarche Kirill est celui des “faits alternatifs“. La guerre menée par la Russie en Ukraine, dans le Donbass depuis 2014 (suite à la Révolution de la Dignité), avec des militaires russes sans insignes et en armant des forces séparatistes, une guerre qui a coûté plus de 14 000 vies (ONU) jusqu’à fin 2021, est décrite comme un soulèvement légitime de la population russophone, occasionné par l’attaque de puissances étrangères, d’un Occident maléfique, contre la civilisation chrétienne en terre russe. Dans cette rhétorique, les prétendues menaces contre les valeurs traditionnelles (droits des homosexuels et défilés homosexuels organisés en Ukraine) justifieraient l’anéantissement de la vie humaine et la dévastation de l’Ukraine. »
Lettre au Concile œcuménique des Églises, Antoine Arjakovsky, docteur en Histoire, Directeur de recherche au Collège des Bernardins, Fondateur de l’Institut d’études œcuméniques de Lviv
Le départ définitif d’Afghanistan des troupes de l’OTAN en septembre2021 dans une apparence de débâcle humiliante, dont la Russie est en grande partie l’artisan, marque un repli de ces mêmes troupes sur la zone spécifiquement OTAN, son domaine défensif par définition, le périmètre du bassin de l’Atlantique Nord. Ce repli implique aussi une plus grande concentration de moyens et de forces dans cette zone et sur les métiers et expertises qui lui sont liés : domaine maritime et grand froid.
L’évolution récente des relations entre OTAN et Russie montre une progressive montée aux extrêmes, retenue, différée, contenue.
Cyrille Clément, Observateur du monde slave
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Poutine ne peut pas perdre en Ukraine car cela serait sa fin politique et dans sa course en avant il se voit dans un combat contre l’OTAN et l’Occident. Il ne peut pas perdre contre l’Ukraine mais une défaite contre un Occident réuni serait pour son ego une fin plus glorieuse. Sa propagande ne peut l’amener que dans la surenchère car il n’a plus d’autre choix que la fuite en avant.
La seule puissance occidentale qu’il respecte sont les USA, le moindre sommet, la moindre rencontre avec le Président américain soigne son complexe d’infériorité et lui sert dans sa propagande à faire croire (et à se faire croire à lui-même) au retour des temps de l’URSS.
La pensée et la stratégie nihiliste de Poutine ne s’arrêteront qu’avec le retour à la dure réalité de la Russie et de son peuple loin des cérémonies sur la guerre patriotique et de l’histoire réécrite par un système d’autant plus dangereux qu’il est à bout de souffle.
Olivier Védrine, Géopolitologue, Rédacteur en chef du journal d’opposition Russian Monitor
La guerre en Ukraine peut être la décision de trop pour Vladimir Poutine, voire même au-delà. Le déclenchement, décidé par le Kremlin, de la guerre en Afghanistan a contribué à la chute de l’empire soviétique ; le déclenchement, voulu, de la guerre en Ukraine peut contribuer à une déstabilisation profonde de toute la Russie, voire à l’éclatement de la Fédération.
Vladimir Poutine a ouvert une boîte de Pandore qui déclencherait le début de sa propre fin… Parviendra-t-il à la refermer ? Quoi qu’il en soit, ce conflit fait bouger les plaques tectoniques.
Une période nouvelle, funeste, s’est ouverte pour les citoyens russes, qui ne prendra fin qu’avec le changement de pouvoir, et le départ, d’une façon ou d’une autre, de Vladimir Poutine. En dépit de la constitution qui lui permet de rester au pouvoir jusqu’en 2036, les présidentielles de 2024 pourraient le désavouer. Divers évènements défavorables pourraient significativement avancer sa date de départ…
Gérard Vespierre, Géopolitologue. Directeur-fondateur de www.le-monde-decrypte.com
Bien sûr, la Chine n’a rien à voir avec la Russie, elle la considère comme une sorte de colonie. Maintenant qu’il y a une guerre, ils n’aident pas la Russie parce qu’ils se soucient davantage des consommateurs américains que de Poutine.
Il est avantageux pour la Chine que la Russie s’affaiblisse : cela ne fera que faciliter le contrôle de ce pays. C’est le piège dans lequel la Russie et la Chine sont maintenant tombées. Les Chinois n’ont aucune raison d’aider la Russie car cela nuirait à la Chine. Or, à long terme, ils veulent exploiter les ressources naturelles de la Russie, et cette guerre leur facilite la tâche…
Timothy Snyder, historien américain, spécialiste de l’histoire de l’Europe centrale et de l’Est, enseignant à Yale
Lire aussi : Poutine est la clef de la guerre russe contre l’Ukraine, sa chute est le préalable à toute paix durable
La Russie n’est donc pas née à Kyïv : le berceau du peuple russe et de l’État russe, comme le soulignent certains historiens russes, « était la région de Rostov-Souzdal, sur la base de laquelle s’est formée plus tard l’État russe… ». C’est dans cette région, devenue indépendante de Kyïv (donc de la Rous’) en 1132-1135, que s’est formée la Principauté de Moscovie (la ville de Moscou elle-même a été fondée en 1147), ouvrant une étape décisive dans la formation de la future Russie.
Ainsi la Moscovie-Russie naquit et se développa en dehors de la Rous’. […] En conclusion, les termes Rous’ et Russie se rapportent à deux États différents, deux réalités historiques différentes, deux époques différentes et deux peuples différents.
Wladimir Kosyk, historien
L’occupation et l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, au lendemain de la « Révolution de la Dignité » à Kiev, relevaient à la fois de la prédation opportuniste et de la volonté de châtier une Ukraine décidée à suivre sa propre voie.
Sur la base d’un très douteux référendum, la République de Crimée et la ville de Sébastopol sont devenues des « sujets » de la Fédération de Russie, ce que n’ont reconnu ni l’Ukraine ni la plupart des États du monde.
L’avenir de la péninsule est désormais lié à l’ensemble du conflit ukraino-russe…
Iaroslav Lebedinsky, Historien, enseignant à l’INALCO
Pour l’Ukrainien comme pour le Turkmène ou le Kalmouk, le Russe était identifié au régime et, comme tel, détesté.
La réintégration de l’Ukraine dans la Russie bolchevique fut donc officialisée par un Traité d’Union ouvrière et paysanne, cosigné par Lénine et les communistes locaux. Et le calvaire des Ukrainiens, l’un des peuples martyrs du xxe siècle, allait commencer. L’Ukraine devint une République fédérée au sein de l’URSS. La Constitution de 1924 qui rappelait solennellement l’égalité entre tous les citoyens de l’URSS, quelles que soient leur langue et leur nationalité, n’était qu’un trompe-l’œil !
Henry Bogdan, historien
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Nous, les enfants et petits-enfants des rescapés du Holodomor, nous sommes tous convaincus dans notre chair et notre âme que la mémoire d’un génocide est un lourd fardeau que seule peut alléger une communauté de pensée universelle, manifestée par la reconnaissance pleine et entière du crime et de ses victimes.
Aussi est-ce la raison pour laquelle nous formulons en cet instant le vœu que la France, terre d’accueil de nos parents et grands-parents, s’honore en reconnaissant publiquement et au plus tôt le génocide ukrainien de 1932-1933.
Nicolas Cuzin, historien et Hélène Blanc
À chaque période de l’histoire où elle s’apprêtait à succomber, à chacun de ses fils, à chacune de ses filles, revenait en mémoire ce cri ultime exprimé dans ces vers du Testament de Taras Chevtchenko : « Quand je mourrai, Enterrez-moi. Mais vous – Debout ! Brisez vos chaînes Et abreuvez la Liberté. »
Combien de fois les Ukrainiens durent-ils se remémorer ces vers prophétiques jusqu’en 1991 et aujourd’hui encore, pour ne pas oublier ?
Jacques Chevchenko, historien
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Un an après le début de cette guerre qui a ravagé l’Ukraine et changé irrémédiablement à la fois le destin de quelque 40 millions d’Ukrainiens et des 450 millions d’Européens que nous sommes, la lecture de ce nouvel opus, sous la direction engagée et la plume incisive d’Hélène Blanc et de ses co-auteurs – choisis parmi les meilleurs analystes, universitaires, militaires, politologues, historiens de ce conflit – permet une compréhension pédagogique, multidimensionnelle et objective de cette absurde tragédie qui aura fait, de 2014 à 2023, plusieurs centaines de milliers de victimes, militaires et civiles.
Emmanuel Dupuy, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), Enseignant en géopolitique à l’Université Catholique de Lille et à l’Institut Supérieur de Gestion (Paris, Strasbourg)

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LISTE DES CO-AUTEURS :
Guillaume Ancel, ancien officier et écrivain
Antoine Arjakovsky, historien
Alain Besançon de l’Institut, historien
Hélène Blanc, politologue-criminologue, expert du monde slave
Andriy Boborykine, journaliste
Henry Bogdan, historien
Jacques Chevchenko, historien
Cyrille Clément, observateur du monde slave
Brice Couturier, journaliste
Nicolas Cuzin, historien
Emmanuel Dupuy, directeur de l’IPSE, enseignant
Gilles Dutertre, lieutenant-colonel (e.r), historien, spécialiste de la Lettonie
Anna Jaillard, journaliste
Wladimir Kozyk, historien
Vytautas Landsbergis, ancien président de la Lituanie indépendante
Philippe de Lara, géopolitologue, philosophe
Iaroslav Lebedynsky, historien, enseignant à l’Inalco
Renata Lesnik, dissidente soviétique moldave, politologue- criminologue, expert du monde slave
Alexandre Melnik, historien, géopolitologue, enseignant
Nikita Petrov, historien, de l’ONG Mémorial
Timothy Snyder, historien, écrivain, université de Yale.
Nicolas Tenzer, enseignant à Sciences Po, Paris.
Françoise Thom, historienne
Général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue de la défense nationale
Olivier Vedrine, géopolitologue, rédacteur en chef de Russian Monitor
Gérard Vespierre, géopolitologue
Thierry Wolton, écrivain, journaliste
Un des points marquants de cette semaine est le virage de Prigojine qui commence à réfléchir à se dégager de ce bourbier ukrainien !
Ne voyant pas de débouchers derrière la prise de Bakhmut et après avoir annoncé maintes et maintes fois sa victoire, ne pouvant plus recruter des pauvres bougres dans les prisons russes pour servir le rouleau compresseur de Wagner, probablement en disgrâce auprès de Poutine après l’état major russe et for de ses 400 entreprises à générer du cash , il pense sérieusement à retourner vers les terres africaines beaucoup plus juteuses et beaucoup moins disputées !!
Des enfants ukrainiens à leur grand bonheur, enlevés à leur famille, ont pu retrouver leurs parents : cela sera plus difficile pour les enlèvements dans les orphelinats d’enfants non réclamés !
Sinon la terreur des drones et des missiles s’est abattue sur des immeubles civils entraînant la mort de civils ukrainiens,qui ne participaient aucunement à des opérations militaires et ces forfaitures pourront être poursuivis comme crimes de guerres !
Des pilotes ukrainiens commencent leur formation sur plusieurs avions de l’OTAN , pendant que des hélicoptères et des jets datant de l’ère soviétique commencent à arriver sur le terrain ukrainien !
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C’est fait. Et à propos, félicitations. Amitiés EricP
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