Poutine est la clef de la guerre russe contre l’Ukraine, sa chute est le préalable à toute paix durable

La guerre en Ukraine, ce sont d’abord dix mois d’attaques destructrices et de combats dévastateurs sur une ligne de front de plus de 1000 km. 

Situation au 16 décembre 2022

Un bilan dramatique

Du côté ukrainien, ce sont au moins 20,000 morts et 80,000 blessés parmi les militaires depuis le début de cette guerre déclenchée en février par Vladimir Poutine. Le bilan est équivalent pour les civils, soit au moins 100,000 décès et blessés supplémentaires liés directement à cette guerre.

Du côté russe, les pertes sont hors de proportion du maigre bilan de leurs conquêtes territoriales : 70,000 morts a minima et 4 fois plus de blessés, soit au moins 350,000 pertes militaires.

Les dégâts matériels directs causés par cette guerre sont d’ores et déjà estimés à plusieurs centaines de milliards €.

Bilan humain et matériel par Xavier Tytelman, Air&Cosmos

Et une génération complète d’Ukrainiens voue désormais une haine profonde à un pays qui se voulait frère. Les drames familiaux – la mixité est très forte – sont innombrables.

La société russe, quand elle découvrira l’ampleur des dégâts commis par celui qui se voyait devenir leur empereur, sera assommée par ces destructions commises sans l’ombre d’une réelle justification et sans qu’elle en soit complètement consciente à ce stade.

La chronique d’une défaite russe 

La défaite militaire de Vladimir Poutine ne fait plus aucun doute, ce n’est plus qu’une question de temps. La moitié de son armée a été laminée par son « opération militaire spéciale » qu’il voulait fulgurante – en décapitant le pouvoir ukrainien dès le début de la guerre – mais qui s’est révélée dévastatrice face à la résistance d’une nation ukrainienne soudée par la lutte contre cet envahisseur. 

Pourtant, nombreux ne donnaient pas cher de cette résistance – moi y compris – face à une armée réputée dix fois supérieure en masse, sur le papier, un tigre de papier…

Lire aussi : Ukraine, une guerre dont il ne faut pas se tromper d’effets (25 février 2022)

L’armée russe, lancée dans cette opération de grande ampleur, ne cesse de révéler ses faiblesses. Elle est mal organisée, mal équipée, mal entraînée, mal renseignée et surtout… mal commandée par un dictateur qui règne par sa brutalité, mais qui n’a aucune connaissance militaire et qui laisse peu de places aux officiers militaires qui l’ont toujours craint. Vladimir Poutine est en effet un pur produit du KGB, un homme de réseaux qui relèvent plus du chaos mafieux que d’un Etat méthodique.

Il croyait sans doute lui-même à la puissance de cette armée pour laquelle il avait beaucoup dépensé. C’était sans compter sa capacité d’adaptation à son propre modèle de corruption et de détournement. Vladimir Poutine s’est construit une fortune colossale en dizaines de milliard €, son armée a détourné une grande partie du budget qui lui était consacré et se révèle être un « village Potemkine » qui repose sur les vestiges de l’armée soviétique, monstre disloqué depuis plus de 30 années.

Une succession d’échecs 

Cette armée défaite dans sa première offensive sur Kiev s’est consumée en suivant les ordres du président russe : avancer à tout prix dans le Donbass, au prix de pertes effrayantes, et de la destruction systématique des « territoires libérés » à l’image de la ville de Marioupol transformée en mausolée de ruines sanglantes.

Usée par la résistance ukrainienne, fragilisée par une logistique lacunaire, l’armée russe est arrivée cet été à la limite de ce qu’elle pouvait imposer. Et son reflux a commencé, sous les coups précis de forces ukrainiennes reformées, équipées et dirigées avec une expertise dont elles ne disposaient pas jusqu’ici. Elles ont reconquis la moitié du territoire qu’elles avaient perdu et désormais plus rien ne peut les arrêter. 

Le froid ? Loin d’être un élément contraire à la continuation de la guerre, le froid est un facteur crucial pour éviter l’enlisement sur les terrains ramollis par l’automne et ses pluies. Cet épisode de froid est une opportunité pour les Ukrainiens de concentrer les forces qui ont déjà libéré Kherson et reprendre leur offensive. Pendant ce temps, les Russes finissent d’épuiser leurs hommes et leurs moyens pour conquérir Bakhmut, une ville sans intérêt stratégique autre que permettre au Maître du Kremlin de proclamer une « victoire » qui ne sera qu’un énième mensonge et une hécatombe pour son armée. 

Lire aussi : Tumulte à Bakhmut (par Michel Goya)

Poutine sait pourtant, malgré les dénégations de son entourage, que la situation lui échappe. Il a lui-même détruit les moyens avec lesquels il voulait conquérir un empire. L’échec de son armée va signer le sien. 

Ne pas se laisser aveugler par notre désir de paix

Le seul moyen pour Poutine d’échapper désormais à son destin serait d’obtenir une trêve, tandis que nous souhaitons tous mettre fin à cette guerre qui est une source de souffrances pour les Ukrainiens et une menace pour tous leurs voisins. Une guerre contre une seule nation, mais dans laquelle une multitude d’acteurs s’est engagée, et dont les conséquences affectent l’ensemble du monde. 

Une guerre inquiétante aussi parce que le dictateur qui la mène, à défaut d’une armée puissante, dispose encore d’un effrayant arsenal d’armes de destruction massive, des missiles nucléaires. 

La question qui se pose à nous est donc : comment en finir avec cette situation ? Négocier une accalmie, voire une paix passagère ?

Ce serait un semblant de paix qui lui permettrait même de reconstituer partiellement son armée, son pouvoir de nuisance, la possibilité d’effacer cet échec qui n’est pas encore consommé. 

En réalité, Poutine est la clef de la guerre russe contre l’Ukraine, sa chute est le préalable à toute paix durable

12 commentaires sur “Poutine est la clef de la guerre russe contre l’Ukraine, sa chute est le préalable à toute paix durable

  1. Poutine n’est pas le système. C’est tout le système russe qui est un mélange étrange de services de renseignements (d’ailleurs plus efficaces en « actions » qu’en vrais renseignements, la piètre qualité des cibles fournies aux bombardements stratégiques en atteste), et de mafia. remplacez Poutine, et un autre prendra sa place, avec la même culture. Prigojine? Kadyrov? Strelkov? Medvedev? Un autre? Peu importe, ils sont tous tout aussi nuisibles.

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  2. C’est à la fin du bal qu’on paye les musiciens et certains intervenants russes nous démontrent, jour après jour sur leurs médias, que le pire n’est jamais décevant. Vu comme c’est parti, après Poutine on sait ce qu’on perd mais on ne sait pas ce qu’on gagne. Les opposants modérés sont soit indisponibles (définitivement) , soit indisposés par des menaces réelles (définitivement). La question du pouvoir au Kremlin est prématurée, avis personnel subjectif que partagent peut-être quelques moscovites qui rasent les murs.

    Sur le terrain, les trois prochains mois ont pour clé les connexions logistiques et l’accès aux ressources (primaires, armement, énergie). Le All-in russe à Bakhmout pour pousser dans le Donbass sollicite plusieurs brigades ukrainiennes en défense pour contenir. La question est de savoir si les ukrainiens ont la capacité en effectifs de disrupter des liaisons logistiques ailleurs pour déstabiliser un peu plus en hiver. Des résistances vers Melitopol et une faction russe anti-Kremlin derrière la frontière à l’est, pourraient participer à un minage de persécution du moral des mobilisés russes.

    Par minage de persécution, je parle de ciblage de points d’intérêts hors défense de Bakhmout (déjà en cours) , qui déstabilisent les forces d’invasion en plein hiver bien froid. Le contrôle de zone étant peut-être ambitieux, des actions « coup de poing » en touch’n go pourraient non seulement annihiler le confort déjà relatif de l’ennemi, mais aussi entamer pour de bon des certitudes psychologiques le long de la mer d’Azov. Ça permettrait peut-être, au passage, de réduire la main-mise dans la zone russe au sud-est de Zaporija. Sans parler de reconquête chère en effectifs, la réduction du contrôle russe (par persécution) entre l’est et le sud rendrait l’effort de guerre très difficile par temps froid. Le point faible des russes est le suivi logistique, les ukrainiens marquerait des points en déstabilisant des connexions. Sans reconquête immédiate, limite d’effectifs oblige. Appuyer là où ça fait mal.

    Pour finir ce pavé indigeste, je me souviens d’un extrait de l’art de la Guerre de Sun Tsu, où le sherpa explique à un seigneur visité par une force supérieure en nombre, qu’il va placer ses défenseurs au front et demander à ses attaquants de garder la maison. Par transfert je dirais que la maison est le Dniepr, même si les choses peuvent être moins pessimistes ensuite. En reprenant le passage du livre, imaginons une déstabilisation qui persécute (connexions logistiques) au sud et à l’est sans reconquête, pour un maintien des forces offensives en seconde ligne autour du Dniepr (sauf dans l’est partiellement repris) : l’hiver et les coups d’éclats ukrainiens pourraient miner les effectifs russes jusqu’au printemps au sud, de façon à ce que l’anniversaire de cette guerre sente le sapin encore un peu dans les foyers russes.

    C’est à ce moment là que le pêcheur torse nu à dos d’ours aura l’air moins flamboyant, avec ses centaines de tonnes d’armements déversés pour un résultat stratégiquement minable, inscrit dans le marbre pour longtemps. C’est à ce moment là que le monde entier voudra sincèrement que Poutine garde le pouvoir jusqu’à sa mort. Parce que les autres, qu’on voit à la TV depuis des mois, sont dangereusement cons. Poutine gardera le Kremlin, son barbu orthodoxe gardera sa divine paroisse et les russes casseront moins les olives des autres. Ils fermeront leur…

    L’Ukraine est en Europe.
    Je répète,
    L’Ukraine est en Europe.

    Désolé…

    Aimé par 1 personne

  3. Il y a deux choses dans cette analyse de Guillaume Ancel. La première est lié à cette question tactique : « On sait comment on entre en guerre, jamais comment on en sort ». Les diplomates trahiront les pensées de ceux qui se battent. Dans cette affaire, les trahisons seront nombreuses, tant le retour au statu quo ante est délicat à fixer : 24/02/22 ou 20/02/2014 ? L’enjeu de cette guerre est là.
    La deuxième question est la responsabilité de Putin. Peut-on croire que se débarrasser du seul leader russe stopperait le conflit ? Putin est-il seul ou participe-y-il d’une coterie ? Je crains que seule une analogie avec la WW2 nous permette de comprendre la situation. En 1942, Churchill songea à faire assassiner Hitler. Des contingences opérationnelles s’y opposèrent, mais également des raisons politiques. Elles sont toujours valables : Hitler n’était pas un homme seul, mais l’homme d’un système.
    On objectera que Putin n’est pas nazi, puisqu’il accusent les Ukrainiens de l’être. Mais la 🇷🇺 actuelle n’est pas sans rappeler l’Allemagne du IIIe Reich, avec sa propagande gouvernementale ayant lavé les cerveaux des Russes. Ils croient être dans leur droit d’envahir l’Ukraine. Autrement dit, se débarrasser de Putin n’arrêtera pas la guerre, au contraire même, elle lui donnera peut-être sa dimension mondiale que les Occidentaux cherchent à lui éviter de donner. Il faut écraser la 🇷🇺, et aucunement lui donner des gages, comme réclament ses thuriféraires.

    Aimé par 1 personne

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