Vladimir Poutine va-t-il utiliser des armes nucléaires pour briser son échec en Ukraine ?

Cette question est cauchemardesque autant que complexe. Dans certaines assemblées et même sur un plateau TV , on m’a demandé « de ne pas inquiéter les gens », nous renvoyant ainsi au sinistre désastre de Tchernobyl de 1986 que les dirigeants français de l’époque avaient cru bon de stopper à nos frontières, alors qu’un nuage radio-actif survolait notre territoire. 

Donc, parlons-en, plutôt que se mettre la tête dans le sable, cette option déplacée qui n’a jamais beaucoup aidé…


Une capacité nucléaire avérée 

Techniquement, Vladimir Poutine dispose de très nombreuses têtes nucléaires (ce sont en réalité des bombes, plusieurs milliers, de toutes catégories) et de toute la gamme de lanceurs nécessaire pour procéder à une frappe (missiles tirés depuis le sol, d’un avion, d’un sous-marin ou d’un bateau). 

Du côté défensif, pour ceux qui craindraient une telle attaque russe, il n’existe actuellement aucun système fiable qui permette d’intercepter à coup sûr ce type d’armement. 

Donc, pour ce qui est de la capacité d’utiliser une ou des armes nucléaires, le président dictateur russe dispose bien de l’arsenal nécessaire. Vladimir Poutine a effectivement la capacité de déclencher une frappe nucléaire. 

Le nucléaire, une arme de non-guerre

De fait, il n’y a jamais eu de « guerre nucléaire » à ce jour parce que les armes nucléaires sont d’abord des armes de non-guerre. Ce sont en effet des armes de destruction massive, même quand elles sont supposées être « limitées », dans ce concept parfaitement confus « d’armes tactiques ». Le nucléaire n’est pas absolument pas comparable dans son impact à une quelconque bombe classique. Leur échelle de destruction se compte en milliers de fois plus que la plus puissante bombe conventionnelle fabriquée… une arme nucléaire « tactique » de quelques kilotonnes « seulement » reste une arme de destruction massive. 

Lire aussi : Comprendre en quelques mots les armements utilisés dans la guerre de Poutine contre l’Ukraine

Ces armes nucléaire sont par essence des armes de sidération, leur utilisation ou même la possibilité qu’elles soient utilisées sont réputées dissuader toute continuation de la guerre : il faut tout arrêter ou c’est l’apocalypse… 

Une frappe ciblée ?

L’utilisation d’une telle arme ouvre donc un champ inconnu, qui ne relève en rien d’un « champ de bataille ». Dans ces conditions, est-ce qu’une frappe nucléaire peut constituer une ultime « chance » pour le président russe réalisant qu’il n’a plus d’issues face à l’échec de sa guerre contre l’Ukraine qui tourne au désastre ?

Vladimir Poutine pourrait alors, plutôt que perdre le pouvoir et sans doute la vie, tenter une dernière carte en stoppant le monde entier par la violence de sa réaction. 

Une menace risquée 

Les options d’utilisation d’armes nucléaires pour le président russe sont en réalité réduites : 

Frapper les Etats-Unis pour stopper l’aide cruciale que ces derniers fournissent aux Ukrainiens serait un suicide pour la Russie. La réponse serait immédiate et bien plus destructrice que l’attaque elle-même. 

Frapper un pays occidental, intermédiaire de cette aide, déclencherait une guerre contre l’OTAN, qui est d’abord une alliance défensive. Certes les réactions seraient en réalité à la main de chaque État membre, mais leur « coalition » déclencherait alors une guerre contre la Russie qui ne laisserait aucune chance à celle-ci. En effet, l’armée russe a été détruite en grande partie dans cette « opération militaire spéciale » désastreuse contre l’Ukraine. 

Frapper une cible majeure en Ukraine, pour mettre à genoux cette nation courageuse qui a osé tenir tête au maître du Kremlin ?
Précisons d’abord qu’une « cible majeure » en Ukraine ne serait pas une installation militaire (une arme nucléaire détruirait cent à mille fois plus que cela), mais forcément une cible civile : une grande ville d’Ukraine ou – comme je le crains – une frappe destinée à tuer le président Zelensky en déclenchant un massacre sur sa zone de résidence. Jusqu’ici, les Occidentaux ont réussi à sauver le président Zelensky des multiples tentatives lancées par Moscou pour l’éliminer mais il serait bien plus difficile de le protéger si son quartier était vitrifié sous deux mètres de profondeur. Une crise de succession aurait sans doute lieu, mais cela suffirait-il à freiner les succès militaires ukrainiens et à sauver le tyran du Kremlin ?

Une frappe qui précipiterait Poutine vers sa fin

Vladimir Poutine, dans une ultime tentative de se sauver, pourrait utiliser une arme de destruction massive pour pulvériser le symbole de son adversité, le président ukrainien. 

Cependant, une destruction massive du cœur de Kiev ou d’une autre grande ville ukrainienne n’est plus une option qui amènerait à la fin de la résistance, parce que l’engagement massif de l’Occident auprès des Ukrainiens l’implique désormais dans l’issue de cette guerre.

« une armée russe que son président a fait laminer… »

En réponse à cette attaque nucléaire ou chimique, l’OTAN a déjà prévu, non pas de recourir à une arme nucléaire (arme de non guerre), mais d’achever ce qui reste du dispositif militaire russe en Ukraine (et à proximité) par des attaques ciblées avec des armes conventionnelles. Poutine perdrait alors le peu qui lui reste de son armée, celle-ci serait irrémédiablement détruite par une vague de missiles venues de l’OTAN. Cette réaction très forte finirait de disloquer l’armée russe en Ukraine, une armée russe que son président a fait laminer en déclenchant l’invasion de son voisin, une armée que les Ukrainiens amènent chaque jour un plus près de la débâcle.

Les Américains, par la voix de leur président Joe Biden en particulier, ont envoyé des messages très clairs au Kremlin pour balayer l’intérêt d’une telle option. Leur intervention directe serait massive et sans appel alors que l’armée russe est en pleine déliquescence. 

Mais Vladimir Poutine reste une menace

Pour résumer, Vladimir Poutine a la capacité d’utiliser des armes nucléaires, mais rationnellement, il n’en a pas l’utilité… tout du moins est-ce ce que nous pensons.
En effet, il n’avait pas l’utilité non plus d’envahir l’Ukraine qui constituait tout sauf une menace pour la Russie et pourtant il l’a décidé.

Le fait que Poutine n’a pas, dans les circonstances actuelles, l’utilité de lancer une frappe nucléaire n’exclut pas pour autant qu’il soit tenté de s’en servir, quand il verra son élimination approcher au fur et à mesure que son échec en Ukraine se consomme. 

La destruction partielle du pont spectaculaire que Poutine avait fait construire pour 3 milliards $ afin de relier la péninsule de Crimée à la Russie n’est pas qu’un échec humiliant, mais un pas supplémentaire vers sa défaite inexorable, dans un effet domino qu’il ne sait pas enrayer. 

Vladimir Poutine se précipite désormais vers sa chute, qui voudra-t-il entraîner avec lui ? 

7 commentaires sur “Vladimir Poutine va-t-il utiliser des armes nucléaires pour briser son échec en Ukraine ?

  1. Bonjour Guillaume,

    Article intéressant. Toutefois, le stock nucléaire de Poutine ne date-t-il pas (essentiellement) de la période de l’Union Soviétique ? Plus de 30 ans après sa chute, avec la corruption en Russie, quel serait le niveau de maintenance de tels équipements ? Leur fiabilité ? N’ont-ils pas autant de chances d’exploser au décollage ou en cours de vol que d’atteindre leur cible ?

    Aimé par 1 personne

    1. C’est une question délicate, le taux de mauvais fonctionnement des vecteurs utilisés par les militaires russes est de l’ordre du 1/3 alors que le standard recherché est inférieur au 1/30… cela fait craindre une mauvaise maintenance, voire une fabrication défectueuse d’une proportion importante des armes nucléaires détenues par la Russie de Poutine.
      Ce qui ne rassurera personne….

      J’aime

  2. Bonjour Guillaume
    Vladimir Vladimirovitch
    Peut-il et quels sont ses intérêts ? Ce que tu écrits est parfaitement vrai. Avait-il un intérêt à envahir l’Ukraine? Personne n’y croyait et pourtant il l’a fait ! Partant de ce postulat tout devient possible. Mais en même temps, en arrière plan, il y a les aspects économiques. Arroser d’atomes un pays qui sert de routes et de plateformes de stockage au passage, entre autre du gaz, et surtout de transfert de marchandises entre l’Est et l’Ouest, serait assez étonnant !
    Cependant tout est opposé à la logique dans cette histoire.
    D’un côté un pays envahi qui contre toute attente résiste vaillamment, il est vrai avec l’aide des puissances occidentales et surtout américaines, et de l’autre, un envahisseur qui nous démontrait avec force d’images la puissance et l’organisation militaire. Ce qui s’est produit est très étonnamment l’inverse. David et Goliath ?
    Je ne réponds pas beaucoup ces derniers temps mais je lis tous tes articles qui nous donne toujours l’occasion de réfléchir et de voir les évènements avec un éclairage différents.

    Merci Guillaume à très bientôt

    René

    J’aime

  3. On ne peut pas mettre en corrélation frappe nucléaire tactique et vitrification du quartier de Zelensky à Kiev et en déduire un scénario Poutinien. Ce sont des situations totalement différentes en terme d’impact.
    Cette confusion ne sert pas la clarté du propos

    J’aime

    1. Analyse très intéressante.
      Il manque l arguement chinois qu on voit fleurir tel une propagande bien huilée.
      Argument qui dirait que si les russes utilisait une bombe A ou H en version tactique . Cela ouvrirait une brèche pour que taiwan s équipe et ça les chinois ont bien signifié a Poutine qu’il n ‘en serait pas question.

      Est ce que l’utilisation tactique aurait des répercussions sur Israël ? Sur l inde et le Pakistan ?

      L’échiquier est beaucoup plus vaste et complexe qu’uniquement otan vs russie.

      On ne regarde que les protagonistes de l’ancienne guerre froide pendant que l opep vit sa vie et profites d’une liberté/indépendance qu’elle n’aurait pas sans la guerre en Ukraine.

      J’adorerais votre vision plus globale sur les conséquences économiques et géo politique de l atome.
      Je ne suis pas certain que rayer kiev de la carte soit perdant infine.
      Parceque si la marine russe est rayée de la carte. L’infanterie repousser jusqu’à la russie.

      J’ ai envie de dire « et après »?

      L’otan ne va pas envahir la russie. L’expérience a prouvé que la démocratie ne s’imposait pas et qu’après chaque conquête ou mise a sac de l economie du perdant. La partie politique etait abandonnée a des corrompus locaux.

      A mon avis Poutine survivrait, il a déjà par le passé sut tué tout contestaire et il continue.

      J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.