Le New York Times a révélé que des généraux russes évoquaient l’utilisation d’armes nucléaires tactiques pour compenser leur échec militaire en Ukraine.
Rappelons d’abord que ce ne sont pas des généraux russes qui peuvent décider du recours à l’arme nucléaire, mais seulement le chef des armées et président de la fédération de Russie, Vladimir Poutine. Le fait que des officiers russes l’évoquent montre surtout qu’ils reconnaissent explicitement leur défaite sur le terrain : ils ne voient plus d’issue « classique » à cette opération militaire spéciale contre l’Ukraine.
Leur incapacité à conserver Kherson en est l’illustration et c’est probablement dans ce contexte précis que ces militaires russes ont pensé recourir au nucléaire.
Une menace nucléaire brandie depuis le début du conflit
La question du nucléaire est régulièrement abordée dans ce conflit qui dure déjà depuis plus de huit mois.
De nombreux commentateurs russes ont évoqué voire invoqué cette possibilité d’utiliser des armes nucléaires contre l’Ukraine ou ses alliés, de l’ancien président Dimitri Medvedev aux journalistes vedettes de Rossya 1, l’équivalent russe de CNews où la provocation prime sur toute réflexion…
Plus récemment, le régime russe de Poutine a brandi un produit dérivé du spectre de la guerre nucléaire en prétendant être menacé par une « bombe sale » avec des déchets radio-actifs que les Ukrainiens prépareraient contre lui.
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Le président russe quant à lui s’est contenté jusqu’ici de rappeler qu’il disposait d’armes nucléaires – ce que tout le monde savait – et qu’il ne bluffait pas – ce qui en soit ne veut rien dire –.
Les Américains évoquent cette question du nucléaire à peu près chaque semaine depuis le début du conflit le 24 février dernier. Mais à chaque alerte publique du risque nucléaire, les Etats-Unis se dépêchent de rajouter qu’ils n’ont aucune indication de déploiement d’une telle arme, pour rassurer un peu et rappeler aussi qu’ils seront alertés si des armes nucléaires russes étaient activées.
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En effet, cette question de l’usage du nucléaire est un des derniers atouts de la Russie de Poutine en situation d’échec sur le front militaire, où son armée est forcée de reculer « malgré » la mobilisation de centaines de milliers d’hommes depuis le 30 septembre dernier.
Et ce n’est pas la gesticulation médiatique de la milice Wagner qui changera cette chronique d’un échec annoncé. La milice Wagner, comme toutes les maisons de mercenaires, est d’abord un regroupement de soldats perdus ou fracassés, qui fantasment la carrière qu’ils n’ont pas eu dans l’armée ou qui courent désespérément après la jeunesse qui les a quittés.
Leur performance réelle est basée sur leur capacité – en Afrique notamment – à exploiter des ressources locales pour financer leurs activités. Leurs compétences militaires sont limitées au déchaînement de violence, qu’aucune règle ni commandement ne viennent encadrer dans cette milice privée.
Le nucléaire n’est pas une arme de guerre
Les Américains, qui sont dans ce conflit remarquablement renseignés, ne se préoccupent pas du nucléaire pour rien.
Ils reçoivent des informations fiables de la tentation grandissante pour les agresseurs russes de recourir à l’arme ultime. Car le Nucléaire n’est pas une arme de guerre : même les têtes nucléaires tactiques censées avoir des effets réduits sont des armes de destruction massive des milliers de fois plus puissantes que les charges militaires classiques les plus importantes.
Et il n’existe en matière nucléaire aucune bombe propre, comme certains avaient essayé de le faire croire avec la « bombe à neutrons » qui devait détruire tout vie humaine sans contaminer l’environnement…
« il n’existe en matière nucléaire aucune bombe propre ou limitée »
La préoccupation des Américains est plutôt de maintenir une pression permanente sur la Russie pour la « dissuader » de recourir au nucléaire, quel que soit leur niveau de désespoir quant à leur situation militaire qui est un échec cinglant pour une armée qui effrayait le monde entier auparavant.
Les Etats-Unis évoquent avec une régularité de métronome le sujet, en rappelant à chaque fois que « les Occidentaux seraient obligés de réagir », non pas en utilisant à leur tour des armes nucléaires – une impasse – mais en venant détruire avec des frappes classiques (missiles pour l’essentiel) ce qui reste des éléments clefs de l’armée russe en Ukraine : postes de commandement, dépôts de munitions et de carburants, lignes logistiques et infrastructures vitales pour la guerre contre les Ukrainiens. Le pont de Crimée est l’exemple type d’une infrastructure clef que les occidentaux pourraient briser d’une seule frappe.
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Faut-il s’effrayer des menaces russes pour autant ?
La question essentielle est l’issue de ce conflit, la situation militaire est perdue pour la Russie, ce n’est plus qu’une question de temps.
La tentation de Poutine de détruire les infrastructures vitales pour la vie quotidienne des Ukrainiens (électricité et eau) est une impasse, car le nombre de cibles pour ce faire est disproportionné par rapport aux moyens russes encore disponibles. Et leurs drones sont trop imprécis et légers pour avoir l’efficacité d’un missile.
Le chantage à la famine et au chaos pour les pays dépendants des exportations de céréales ukrainiennes ne peut qu’aliéner les derniers soutiens internationaux de Vladimir Poutine et précipiter son échec. Clairement, la Chine et l’Inde ont retiré la caution politique qu’ils lui avaient pourtant apportée dans les premiers mois du conflit.
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C’est désormais l’isolement qui guette le président russe, chaque étape supplémentaire du conflit qu’il a déclenché alimente son échec en Ukraine et le rapproche d’une fin inéluctable. Que sera-t-il tenté d’emporter dans sa chute ?