Comprendre en quelques mots les armements utilisés dans la guerre de Poutine contre l’Ukraine

Les armements utilisés en Ukraine font l’objet de nombreux commentaires, mais aussi de questions qui montrent leur méconnaissance. Notre société s’est (beaucoup) désintéressée des questions militaires et la culture du silence de l’armée française a réservé à de rares initiés la compréhension de l’affrontement opérationnel qui se joue en Ukraine.
Je propose d’apporter quelques explications simples, que les experts en armement me pardonneront, pour permettre de juger par soi-même de l’importance et du sens de certaines informations, notamment sur les livraisons d’armes ou sur l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine. Je vais limiter les descriptions techniques, souvent ennuyeuses, pour me concentrer plutôt sur l’utilisation réelle de ces armements.


L’ARTILLERIE, puissante et difficile à contrer

Les Russes utilisent en Ukraine une artillerie dévastatrice, qui repose sur deux types d’armement, des canons et des lance-roquettes.

Les « canons d’artillerie » propulsent des obus qui – pour simplifier – sont des bombes de 5 à 50 kg chargées d’explosifs. Ces obus commettent des dégâts d’autant plus importants qu’ils sont tirés en salves par des « batteries d’artillerie », regroupements de 5 à 10 canons (ou mortiers) bombardant la même cible. Pour « traiter » un objectif, chaque pièce d’artillerie de cette batterie va tirer plusieurs obus, ce qui signifie concrètement que le lieu visé va recevoir entre 30 et 60 obus en quelques minutes…


A ce jour, aucun système ne permet d’intercepter les obus en vol. Une fois partis, la seule protection contre eux consiste à dégager de la zone ou à trouver un abri (tranchée, cave, bunker) qui permette de ne pas être soufflé, explosé ou criblé d’impacts. Ces tirs sont redoutables, relativement imprécis (de 10 à 100 m près), et avec un pouvoir de destruction important du fait de leur multitude.

Tout ce qui est en surface ou exposé se retrouve détruit ou abîmé, ce qui est enterré peut y échapper sauf en cas de coup direct (l’obus directement sur l’abri).

Après un bombardement sur Marioupol, Ukraine, 9 mars 2022. (AP Photo/Evgeniy Maloletka)


Les roquettes sont des fusées non guidées qui transportent aussi une bombe. Les Russes ont développé depuis des décennies des lance-roquettes multiples qui envoient un « panier » de roquettes pratiquement en une seule salve, l’équivalent d’une batterie de canons qui tireraient quasiment en même temps.

Le résultat est très impressionnant, l’arrivée des roquettes s’entend, un sifflement inquiétant, avant qu’elles ne s’écrasent en vague sur leur cible. Leur précision est inférieure aux canons car leur vol est plus lent et sans possibilité de correction de leur trajectoire.

Les lance-roquettes multiples constituent des « armes de saturation » car elles traitent la même zone qu’un tir de canon, l’équivalent d’au moins un terrain de football (quand le tir est précis), en un temps très réduit (de l’ordre de la minute) et ne laissent aucune échappatoire à ceux qui se trouveraient sous « ce feu d’artillerie ».

Tir d’une batterie de lance-roquettes mulltiples

Les HiMARS (High Mobility Artillery Rocket System) sont des lance-roquettes multiples (LRM) qui ne tirent que des missiles. Dans le cas spécifique du HIMARS, le système d’arme est monté sur un camion tandis qu’il existe en quasi équivalent sur chenilles appelé LRM dans l’artillerie française.
contrairement à leur appellation, ces engins tirent des « roquettes » guidées qui sont par définition des missiles (v chapitre suivant), soit par panier de 6 avec une portée de 80 km ou un seul missile ATACMS de 300 km de portée que les alliés n’ont pas fourni aux Ukrainiens, sans doute pour éviter des tirs au-delà de la frontière russe…

HIMARS équipé d’un panier de 6 missiles / LRM tirant un missile ATACMS

Ces batteries d’artillerie, de canons ou de lance-roquettes, ont à peu près la même portée, quelques dizaines de km. Leurs tirs ne sont pas interceptables, restent moyennement précis et commettent de gros dégâts sur toute la zone visée. Une zone d’exclusion aérienne ne les empêcherait en rien.
Pour les combattre, il faut en réalité détruire ces canons ou ces lanceurs, à distance avec d’autres canons (ce que les artilleurs appellent des « tirs de contre-batterie »), avec des frappes aériennes ou avec des commandos à terre suffisamment proches des pièces d’artillerie pour les détruire comme ils s’attaqueraient à des chars (les canons sont en général moins blindés que ces derniers).

Dans cette guerre, compte tenu de leur portée, les batteries d’artillerie russes se situent largement en territoire ukrainien et elles sont difficiles à défendre, car il faudrait pour les Russes sécuriser de très larges zones pour empêcher de les approcher.
Par ailleurs, ces batteries d’artillerie – canons ou lance-roquettes multiples – ont pour caractéristique d’avoir besoin d’une logistique considérable, les munitions utilisées étant lourdes et encombrantes. Ce sont en fait des milliers de tonnes qu’il faut acheminer depuis des stocks d’armement jusqu’au lieu de déploiement de ces batteries. La plus grande fragilité de l’artillerie réside dans ce circuit d’approvisionnement qui mobilise des centaines de camions et parfois même des trains…


MISSILES, la destruction guidée

Techniquement, les missiles sont des roquettes guidées, c’est-à-dire que leur trajectoire est corrigée pendant le vol pour les « guider » avec beaucoup de précision sur leur cible.

Les Russes ont développé toute une panoplie de missiles, tirés du sol à partir de camions, lancés de navires voire de sous-marins, ou à partir d’aéronefs (avions et hélicoptères).
Au contraire des armes de saturation (canons et roquettes), les missiles sont des fusées sophistiquées qui vont chercher à détruire un objectif précis. Ils sont très coûteux, fragiles et assez difficiles à mettre en œuvre.

Missile Iskander

Leur portée va de quelques km à plusieurs milliers, puisque leur système de guidage leur permet de voler sur de longues distances s’ils sont équipés du propulseur adapté.
A ce jour, il existe très peu de systèmes de protection capables d’intercepter efficacement des missiles en vol, et un peu plus de dispositifs pour brouiller leur guidage (on parle souvent de « leurrage »).
La médiatisation par les Russes de l’emploi de « missiles hypersoniques », c’est-à-dire volant à des vitesses de plusieurs dizaines de fois la vitesse du son (Mach) change seulement le fait qu’ils sont encore plus difficiles à intercepter (ou à leurrer).

Ce qui est déterminant dans un missile est ce qu’il transporte. Jusqu’ici les missiles utilisés par les Russes emportaient des « charges classiques » (autrement dit des bombes plus ou moins sophistiquées), ils peuvent aussi emporter des armes d’un autre type, chimique ou nucléaire.
Je laisse de côté les missiles nucléaires stratégiques, destinés à détruire une très large zone, qui ne sont pas à proprement parler des armes, mais des systèmes de destruction massive et définitive.

Les bombes guidées, GLSDB et JDAM

L’aviation utilise toute une série de bombes qui vont de 125 à 1,000 kg. Elles sont puissantes en comparaison des 45 kg d’un obus classique d’artillerie mais elles ne sont efficaces que si elles sont guidées. Je vais détailler deux armements qui sont livrés par les Etats-Unis aux Ukrainiens depuis janvier 2023.

Les missiles GLSDB sont des bombes de 125 kg guidées et propulsées par des roquettes de HIMARS avec une portée de 150 km. Ces missiles ne nécessitent donc pas d’avions pour les lancer.


Les JDAM sont en réalité des kits de guidage qui permettent de transformer une bombe classique (et peu précise) en munition guidée. Elles doivent être lancées par des avions, mais sans nécessiter de pods sophistiqués de guidage parce qu’elles sont programmées à l’avance. Elles peuvent donc être utilisées notamment par les vieux MiG 29 dont disposent les Ukrainiens. Le modèle ER (extended range) livré par les Américains comprend une paire d’ailes qui permet d’allonger la portée de ces bombes jusqu’à 60 km.

Bombe équipée d’un kit de guidage JDAM ER

Les ARMES À SOUS-MUNITIONS

Les roquettes comme les missiles peuvent aussi embarquer des « sous-munitions », un paquet de bombes plus petites qui sont dispersées au-dessus de la zone visée et qui sont censées exploser en grappe lorsqu’elles sont répandues.

Dans la réalité, ces « sous-munitions » se transforment en mines dès lors qu’elles n’ont pas explosé immédiatement, ce qui est souvent le cas, devenant un danger permanent pour toute personne devant traverser cette zone.

Sous-munitions photographiées en Ukraine © Le Monde

Ces sous-munitions sont de petite taille, elles tiennent la plupart du temps dans la main, que leur forme incite à manipuler pour réaliser trop tard ce que c’est : une grenade dégoupillée…
Les armes à sous-munitions ont été formellement proscrites par la convention d’Oslo (2008), mais l’armée russe de Poutine continue à en utiliser, alors qu’elles menacent principalement les personnes qui ne connaissent pas leur dangerosité, les non-combattants, en particulier les enfants.

Les Etats-Unis, qui n’ont pas signé non plus la convention d’Oslo, décident en juillet 2023 de fournir des munitions de ce type aux Ukrainiens… qui utilisaient déjà celles d’origine soviétique. Si ces munitions sont employées sur les lignes de front érigées par les Russes pour empêcher les Ukrainiens de reconquérir leur pays, elles rajouteront quelques mines supplémentaires sur une zone abondamment minée par les troupes de Poutine.

Notons enfin que ces armes à sous-munitions ne constituent pas une « sur-arme », mais provoquent une dispersion plus grande des explosions dans un bombardement, avec une efficacité relative si les unités visées sont protégées, dans des tranchées ou des bunkers par exemple.


Le risque NUCLEAIRE ou CHIMIQUE

Dans la guerre contre l’Ukraine, ou contre les pays qui apporteraient une aide déterminante à leur résistance, les forces russes pourraient utiliser des charges nucléaires « tactiques », c’est-à-dire destinées à faire bataille : leur puissance est alors limitée à « quelques » kilotonnes – une kilotonne équivalant tout de même à 1000 tonnes de TNT – alors que les bombes classiques les plus puissantes ne dépassent pas quelques tonnes…
Une arme nucléaire tactique détruirait l’intégralité d’une base militaire, sous deux mètres de profondeur et dans un rayon de quelques km. Elle produirait en plus une pollution radioactive, là aussi « limitée », mais tout est relatif.

Si l’OTAN avait accepté la proposition de la Pologne de faire décoller de la base de Ramstein en Allemagne des avions de combat prêtés à des pilotes ukrainiens, il est probable que les Russes auraient frappé cette base militaire avec des missiles classiques, faisant au minimum des dizaines de morts. Les Russes auraient pu aussi lancer une arme nucléaire tactique (que personne n’a jamais utilisée jusqu’à ce jour) pour vitrifier cette base de l’OTAN en Allemagne.

Cette attaque nucléaire nous placerait, outre les dégâts, dans une situation d’impasse :

Riposter avec des missiles nucléaires contre la Russie ? Ce serait déclencher une troisième guerre mondiale avec un risque d’apocalypse.
Ne rien faire ? Cela ouvrirait le champ au dictateur Poutine de ne surtout pas se contenter de l’Ukraine et d’agir à sa guise dans toute l’Europe.

Base aérienne de Ramstein en Allemagne

La proposition de la Pologne était particulièrement dangereuse, un piège que l’OTAN a préféré éviter, car elle aurait obligé tous les pays membres de l’Alliance à rentrer en guerre contre la Russie, en conduisant peut-être celle-ci à utiliser son arsenal nucléaire.


Les DRONES, pour porter à distance un œil ou un explosif

Les DRONES sont des aéronefs sans pilote embarqué. Les plus lourds font la taille d’un avion et disposent d’une autonomie qui n’est plus limitée par la résistance humaine : il est difficile de tenir plus que quelques heures sanglé dans un cockpit pour un pilote.
Dégagés du poids que représente l’équipage et de tout l’équipement qui lui est nécessaire (de la pressurisation au siège éjectable), les drones ne transportent donc que leur charge utile, pour l’essentiel des capteurs (pour voir, nécessitant de nuit un système plus sophistiqué et donc plus lourd) et pour « délivrer » une bombe qui peut aller, selon leur taille, de l’équivalent d’une grenade (500g) jusqu’au missile tiré normalement par un avion (en centaines de kg).

Drone TB2

Les plus petits drones sont évidemment très limités en rayon d’action (quelques dizaines de minutes) et en emport (une caméra miniaturisée et éventuellement une grenade allégée).
Ils sont en général assez lents, difficiles à détecter du fait de leur taille et du bruit qui règne sur un « champ de bataille ». Mais ces drones restent relativement fragiles et bien sûr très sensibles au brouillage, car leur guidage à distance requiert une très bonne connexion pour espérer en garder le contrôle.

Drone portable Switchblade

Pour l’essentiel, les drones sont aujourd’hui des armes qui volent, mais les prochains développements seront vraisemblablement d’autres armes pilotées à distance, des véhicules aux humanoïdes combattants.
Pour contourner leur fragilité liée à la transmission du guidage, des constructeurs essayent de les autonomiser en les dotant de leur propre système de contrôle, appelé un peu vite « intelligence artificielle » mais qui pose d’ores et déjà la question de leur capacité à décider « seul » de choisir et de détruire une cible.

En Ukraine, peu d’informations confirmées permettent de connaître leur efficacité réelle, les drones font l’objet de plus de déclarations que de faits étayés. Il est probable que les Russes soient gênés dans leur utilisation par la capacité de cyber guerre déployée par les Etats-Unis (v ci-dessous), tandis que les Ukrainiens les utilisent notamment pour leur capacité à chercher leur cible à distance avant de l’engager, à l’inverse des missiles qui nécessitent plutôt de déterminer une cible avant de pouvoir le lancer.


La CYBER GUERRE

Logeons dans cette appellation « cyber » tous les dispositifs électroniques et spatiaux. Les Ukrainiens bénéficient d’une couverture cyber remarquable. Ils sont alimentés en renseignements par les moyens considérables dont disposent en particulier les Etats-Unis, leur permettant en premier lieu de localiser avec précision les forces russes et de déterminer leurs mouvements.

Ces informations sont cruciales pour réagir contre une offensive, dans la mesure où cette dernière est décrite instantanément et qu’elle a même été anticipée à plusieurs reprises, comme les différentes tentatives d’assassinat contre le président Zelensky.

Lire aussi : Ukraine, la guerre et maintenant…

L’autre aspect de la cyber guerre est de fournir une protection aux Ukrainiens qui auraient dû normalement être paralysés ou désorganisés par les centres de hackers développés par les Russes pour mener de multiples piratages contre leurs systèmes informatiques.

Au lieu de cela, le fait que le président Zelensky ait pu se filmer sur « son » smartphone dans le centre de Kiev sans être immédiatement ciblé par une frappe de missiles, ou qu’il puisse donner des visioconférences avec les parlements de grands pays occidentaux, démontre la puissance de la bulle de cyber protection dont il bénéficie. Elle est vraisemblablement fournie par les Etats-Unis et elle a pris au dépourvu de nombreuses attaques russes.


Les MISSILES PORTABLES

En quoi est-ce que les missiles portables changent la donne ?

A l’inverse de ces missiles « lourds » et de longue portée, il existe aussi une série importante de missiles dits portables, c’est-à-dire manipulables à la main.
Ce sont principalement des missiles portables anti-aériens (des MANPADS pour MAN Portable Air Defence System) dont les plus connus sont les Stinger et les SAM16, et des missiles portables dits « anti-chars ».

MANPADS, les missiles portables anti-aériens
J’ai commencé ma carrière militaire par l’expérimentation de ces systèmes et je les connais bien pour les avoir utilisés et aussi pour avoir chassé ceux qui en utilisaient contre nos avions.

Ces missiles MANPADS sont légers en comparaison de leur « grands frères » qui peuvent peser plusieurs tonnes, mais ils font en général entre 15 et 20 kg avec le système de tir. Il ne s’agit donc pas, comme dans les James Bond, d’ouvrir un sac à dos pour en sortir un tube, mais plutôt d’équiper avec précaution un engin sophistiqué dont l’utilisation est loin d’être intuitive.

Ces MANPADS sont le plus souvent guidés par un détecteur infrarouge placé dans le nez du missile et refroidi par un gaz comprimé pour le rendre sensible à des sources de chaleur très faibles, telles que la sortie des gaz des turbines d’avion ou d’hélicoptères à plusieurs km, à condition que ces aéronefs se déplacent sur un fond neutre en termes de « signature infrarouge », c’est-à-dire sans autres sources de chaleur à proximité, comme le soleil, des incendies,

Utiliser un MANPADS revient à mettre en action un système sophistiqué et fragile, avec de multiples sécurités. C’est aussi différent de l’usage d’un fusil, que la moto d’un vélo…
Autrement dit ça s’apprend, et surtout cela requiert une maîtrise encore plus longue à acquérir de bien savoir l’utiliser.
Théoriquement quelques jours de formation suffisent pour arriver à tirer un MANPADS, mais en pratique des semaines, voire des mois d’entraînement sont nécessaires pour les utiliser au mieux de leur capacité et être capable d’intercepter en vol un hélicoptère ou un avion de combat.

L’utilisation d’un MANPADS est complexe
Le MANPADS est alimenté par une pile batterie dont l’autonomie ne dépasse pas la minute et il faut donc la déclencher exactement au bon moment. Seulement alors, le système de guidage (« l’auto directeur ») est capable de repérer une source de chaleur correspondant à un avion ou un hélicoptère. Il prévient par un signal sonore et lumineux qu’il a accroché une cible, il faut aller vérifier que ce soit la bonne cible – et pas un reflet du soleil contre un immeuble lorsqu’on vise un hélicoptère – avant de pouvoir déclencher le tir.

La portée du missile étant réduite à quelques km, il faut s’assurer dans le même temps que le lancement s’effectue bien dans cette « fenêtre de tir », sinon le missile retombera inexorablement faute d’avoir rattrapé sa cible. La portée de tir dépend en fait de la trajectoire de la cible, plus longue si l’aéronef est en approche, plus réduite s’il s’en va…

Globalement, un tireur de MANPADS dispose d’une minute de « fenêtre de tir » (ce qui correspond d’ailleurs à l’autonomie de sa batterie), il n’est donc pas question de tirer « au jugé », il faut bien au contraire un dispositif d’alerte et de repérage pour déterminer quand la cible est réellement à portée. Ce sont soient des radars sophistiqués montés sur des camions, soit un réseau d’observateurs placés à des endroits clefs, capables de repérer l’entrée des avions dans le périmètre de tir.

Une fois toutes ces conditions remplies, il faut encore surélever la ligne de mire pour éviter que le missile ne tombe au sol, faute d’avoir acquis une vitesse suffisante lorsqu’il est sorti du tube, grâce à un éjecteur dont le rôle est d’éviter de brûler le tireur. Un long panache de fumée suit alors le propulseur du missile, indiquant dangereusement d’où vient le tir, et il vaut mieux avoir prévu un dispositif de couverture mutuelle pour que le tireur de MANPADS ne soit pas immédiatement pourchassé pour un autre hélicoptère ou avion.

Disposer efficacement les tireurs dans une surface de plusieurs km2 relève ainsi d’une solide expérience, à laquelle il faut rajouter un dispositif de coordination pour éviter que tous ne tirent sur la même cible… La question délicate de la distinction entre aéronefs ennemis ou amis est limitée en Ukraine, par le fait que pratiquement tout ce qui vole désormais est russe.

On comprend la longue route qui sépare la livraison de missiles aux Ukrainiens de la capacité de les utiliser efficacement. Néanmoins les militaires ukrainiens disposaient déjà d’équipes entraînées au maniement des SAM16, la version russe du Stinger, avec 80% des compétences nécessaires pour utiliser leur équivalent américains, français (le Mistral) ou britannique (Starstreak).

Missile SAM16 prêt au tir

A quoi servent les missiles portables anti-aérien ?
S’ils sont bien utilisés (« servis » dans la langage militaire), les MANPADS peuvent causer de gros dégâts contre les hélicoptères et les avions qui volent à basse altitude, en dessous de 10,000 ft (soit 3 km au dessus du sol).

Les hélicoptères militaires russes sont principalement utilisés en Ukraine pour le transport (une équipe de combat, du ravitaillement léger, évacuer des blessés) ou pour l’attaque (hélicoptères armés). Ces derniers sont redoutables car ils peuvent rester un certain temps sur la zone de combat (1 à 2 heures contre quelques dizaines de minutes pour un chasseur), ils volent bas et sont difficiles à repérer de loin. Ils constituent une forme de char volant (ils sont un peu blindés mais restent en réalité fragiles) qui peut s’acharner contre une cible contrairement à un avion qui se déplace beaucoup plus vite et doit revenir sur elle pour faire une nouvelle « passe de tir ».
A contrario, ces hélicoptères sont très vulnérables aux MANPADS parce qu’ils ne savent pas quand ils ont été détectés et disposent de quelques secondes à peine pour réagir lorsqu’ils sont tirés par ce type de missile, tandis qu’un avion de chasse, compte tenu de sa vitesse et de son altitude, peut espérer manœuvrer et lancer des leurres pour contrer ce même missile.

Le MANPADS est donc une arme redoutable contre un hélicoptère, à condition de pouvoir le tirer sans avoir été repéré, car ces derniers agissent toujours à plusieurs, deux à dix selon les circonstances. Un « jeu du chat et de la souris » aux conséquences mortelles, mais la présence de MANPADS rend dangereuse l’intervention des hélicoptères, qu’aucune autre arme (en dehors des hélicos…) n’est capable de contrer avec la même efficacité.

Pour les avions, la distinction est la même, mais les effets sont différents. Les MANPADS peuvent servir à descendre des avions de transport en particulier lorsque ceux-ci sont dans la phase sensible (et basse en altitude) d’atterrissage ou de décollage. Au tout début de l’agression russe, au moins deux avions de transport de parachutistes ont été abattus ainsi, vraisemblablement par des MANPADS, faisant 2 à 300 morts dans les troupes d’élite de l’armée russe.

Contre les avions de combat, outre le fait que ces missiles ne peuvent engager que ceux qui volent à basse altitude, leur efficacité est réduite pour les raisons expliquées plus haut, vitesse de l’avion, capacité de manœuvre et de leurrage, fenêtre de tir limitée…
De plus, la plupart des armes utilisées par les avions leur permettent de rester au-dessus des 3,000 m, plafond d’altitude atteignable par ces missiles. Les MANPADS ne peuvent exercer qu’une pression relative sur les aéronefs qui interviendraient dans une zone, ils ne sont pas capables de leur interdire d’agir, de les exclure.

De plus, les MANPADS ne peuvent pas intercepter de missiles ou de roquettes, ils ne forment pas une protection contre ce qui arrive par les airs, des obus aux missiles, mais mettent en danger les avions et les hélicoptères russes.


MISSILES PORTABLES ANTI-CHARS

Les missiles portables anti-chars sont des armes destinées à détruire une cible au sol, initialement un char, mais en fait n’importe quel type de véhicule ou d’emplacement, avec un guidage qui permet de frapper à moins d’un mètre près.
Sa portée est de l’ordre de 2 km, le missile nécessite en général d’être guidé en permanence par le tireur qui doit conserver sa visée jusqu’à l’impact. Ces missiles sont moins lourds et longs que les MANPADS, ils pèsent moins de 10 kg, mais ils ne sont pas pour autant anodins à transporter…

Plus sophistiqué, le missile Javelin américain, largement fourni aux Ukrainiens, a un fonctionnement proche d’un MANPADS en s’auto-guidant sur une source de chaleur qu’il peut même attaquer par-dessus avec une trajectoire courbe. Il est deux fois plus lourd que les missiles guidés en permanence décrits précédemment, il pèse plus de 20 kg avec une forte contrainte liée à la batterie. Il est cependant plus simple à utiliser, une fois déterminé que la cible est bien en portée.

Ces missiles anti-chars sont difficiles à leurrer et leur charge d’explosif est prévue pour percer et détruire l’engin visé derrière sa protection.

Utilisation de ces missiles anti-char

Ces armes sont redoutées parce qu’elles peuvent détruire avec précision des engins sophistiqués et lourdement protégés comme les chars lourds de combat. En fait, ces missiles peuvent détruire à peu près n’importe quel type de véhicule jusqu’à deux km, c’est-à-dire en limite même de portée visuelle.

Ces armes sont plutôt « défensives » dans la mesure où elles permettent de détruire un assaillant blindé à condition que les équipes ne se fassent pas détruire elles-mêmes par des tirs de canons, d’artillerie ou d’hélicoptère, le lancement du missile dévoilant la position approximative du tireur.

Tir d’un missile anti-char

Avec une telle portée, la zone à protéger pour empêcher que des missiles anti-chars ne s’approchent suffisamment de leurs cibles est considérable.

Ces missiles anti-chars sont coûteux mais beaucoup moins que leurs cibles, ils sont d’une efficacité sans comparaison avec les « roquettes anti-chars » dont la portée est dix fois moindre, tout comme leur précision. Mais là encore leur utilisation efficace nécessite des équipes aguerries et bien coordonnées.

Les livraisons massives de ces missiles ont joué un rôle direct pour stopper l’offensive des colonnes militaires russes : leurs chars russes ne rencontraient pas d’autres chars, mais le risque d’être détruits à distance…



ZONE D’EXCLUSION AÉRIENNE

Pour empêcher le survol d’une zone, il faut disposer de moyens considérables : pour surveiller cette zone (radars et satellites), et pour détruire les aéronefs qui s’y risqueraient (missiles de longue portée et chasseurs dits « intercepteurs »).

La mise en œuvre d’une telle zone ne pourrait être que le fait de l’OTAN, à partir de pays membres voisins, comme la Pologne ou la Roumanie.

L’utilisation de missiles ou de chasseurs à partir de ces territoires en ferait immédiatement des cibles pour une attaque russe, par des missiles ou des chasseurs.
La guerre impliquerait alors tous les membres de l’OTAN, tandis que cette zone d’exclusion aérienne ne garantirait même pas aux Ukrainiens d’être protégés des projectiles non interceptables (obus, roquettes et missiles) et moins encore des attaques terrestres.


Mais toutes ces armes ne sont rien en réalité par rapport à ceux qui vont les utiliser. La détermination et le courage des Ukrainiens, hommes et femmes, rentrent en collision avec le pouvoir destructeur que s’est arrogé un homme, Vladimir Poutine, dont nous n’avons pas compris assez tôt la dangerosité.

23 commentaires sur “Comprendre en quelques mots les armements utilisés dans la guerre de Poutine contre l’Ukraine

  1. C’était vraiment très intéressant. J’ai beaucoup appris.
    Cependant, j’ai une question. Les ukrainiens utilisent un drone Bayraktar, prêté, je crois, par la Turquie.
    Pas mal de vidéo circulent où l’on peut le voir en action. Mais comment fonctionne ce drone ? Un drone est-il facilement détectable par des troupes aux sol ? Comment est-il détectable ? D’où partent les missiles, du drone je suppose mais on peut voir plusieurs missiles partir à la fois, de tout calibre semble-t-il… Combien de soldat faut-il pour le faire fonctionner ? Et pourquoi n’est-il pas plus utilisé par les ukrainiens, avec les informations apportées par les américains, le drone a fait d’énormes dégâts surtout sur les longues lignes de blindés russes. Est-ce à cause du coût ?
    Merci pour cet article.

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