Ukraine, la guerre et maintenant…

La guerre d’Ukraine, déclenchée par la Russie de Vladimir Poutine, mérite un court récapitulatif surtout pour ceux qui – comme moi – ne sont ni des spécialistes de l’Europe centrale, ni du décryptage hasardeux des conflits armés.

Bombardement en Ukraine, © Le Monde

Une guerre d’agression dans un contexte où l’OTAN ne constitue pas une menace 

Cette guerre n’est pas la conséquence d’une politique agressive de l’Ukraine ou d’une menace exercée par l’OTAN. N’oublions pas que l’OTAN est une alliance défensive qui n’a pas vocation à attaquer mais à protéger ses pays membres, en partageant des capacités militaires et des modes de fonctionnement. 

L’OTAN a mené des interventions militaires à la demande de l’ONU pendant la guerres des Balkans (l’intervention contre la Serbie en 1999 a été validée ex post), mais elle n’a pas le « pouvoir » de déclencher des opérations militaires en dehors de l’objet défensif du traité qui la fonde. 

A ce titre, le fait que l’Ukraine ait souhaité devenir membre de l’OTAN n’était pas une provocation contre la Russie, mais la recherche d’une garantie alors que cette dernière la menaçait, effectivement… 

C’est pour cette raison d’ailleurs que l’Ukraine ne pouvait rentrer « en l’état » dans l’Alliance (autre nom de l’OTAN) parce qu’elle était déjà en conflit sur ses frontières avec la Russie, dont les milices s’étaient emparées du Donbass. L’Alliance exige que le postulant ait réglé tout « contentieux » territorial avant de pouvoir réellement se présenter, afin d’éviter aux pays membres de se retrouver automatiquement impliqués dans un conflit pré-existant. 

En effet, la spécificité de cette Alliance est que toute agression contre un de ses membres déclenche automatiquement la réaction de l’ensemble, même si en réalité certaines nations peuvent toujours « réagir »… sans engager ses propres forces. Car, et c’est là la deuxième caractéristique de l’OTAN, elle ne dispose pas d’une armée en propre, mais de forces mises à disposition par les pays membres. L’Alliance entretient seulement des état-majors permanents, capables d’organiser et de coordonner ces différentes forces, qui peuvent fonctionnent ensemble grâce à l’application d’un certain nombre de « standards », des règles communes.

Autrement dit, l’intégration de l’Ukraine au sein de l’OTAN n’était pas pour demain, et elle ne constituait en rien une menace pour la sécurité de la Russie, contrairement à un des innombrables mensonges de Vladimir Poutine, que même Donald Trump n’aurait pas pu dépasser. 

Prendre par surprise l’Ukraine

La Russie – ou plutôt Vladimir Poutine – pensait surprendre (presque) tout le monde en discutant de paix, notamment avec le président français Emmanuel Macron, tandis qu’il déclenchait de l’autre main la guerre qu’il préparait depuis plusieurs mois. 

En fait, le dictateur russe avait bien prévu une « opération militaire spéciale », mais celle-ci ne s’est pas déroulée comme prévu : le gouvernement ukrainien devait être décapité dès les premières heures du conflit par une combinaison d’opérations spéciales, menées par des équipes des services secrets infiltrées auprès du pouvoir ukrainien et par une intervention rapide d’unités parachutistes au cœur même de la capitale, Kiev…

Mais les Ukrainiens s’étaient préparés à cette première partie de l’opération, sans doute grâce à des informations tres précises fournies par des puissances alliées dont les Américains, et ils ont laissé les Russes dérouler ce plan pour mieux le contrer…

Les Ukrainiens ont ainsi pu neutraliser au moins trois tentatives d’assassinat du président Zelensky et détruire en vol une partie des troupes aéroportées qui devaient se poser sur un aéroport de Kiev. Par essence, les opérations spéciales sont basées sur la surprise. Elles sont menées par des forces « légères et rapides » qui s’avèrent fragiles lorsqu’elles sont attendues, en particulier lorsque leurs avions gros porteurs peuvent être abattus…

Mauvaise surprise donc pour les Russes, qui s’attendaient à rentrer avec leurs unités lourdes dans un second temps, pour consacrer leur prise effective du pouvoir et occuper le terrain. Cela explique les premiers jours de « combat » avec très peu d’images et de témoignages, car les opérations ne devaient pas se dérouler ainsi. 

Et maintenant une stratégie de rouleau compresseur 

Du fait de leur échec et d’une obstination totale de leur dictateur, les forces armées russes ont dû lancer ensuite une offensive plus « classique », à laquelle elles s’étaient mal préparées : pilonnage d’artillerie et frappes aériennes pour briser tout ce qui pourrait s’opposer à eux, offensive blindée pour écraser ce qui resterait encore face à leur avancée inexorable. 

C’est à cela que nous assistons depuis plusieurs jours, terrifiante brutalité qui remonte aux pires pratiques de l’armée rouge : une stratégie de « rouleau compresseur » destinée à détruire ce qu’il est pourtant venu « libérer », et qui choque jusqu’à une partie des soldats russes (et sans doute biélorusses). 

Les Russes ne s’attendaient pas à devoir écraser ce qu’ils considèrent comme une partie de la Russie et ils manquent en réalité de logistique : les tirs d’artillerie nécessitent des milliers de tonnes de munitions et les blindés autant de carburant. De plus, ils se heurtent à une résistance massive des Ukrainiens alors qu’ils pensaient initialement rentrer « en colonne » dans le pays décapité, pour occuper Kiev. Les Russes doivent désormais se battre pour chaque kilomètre. 

La Russie maîtrise l’espace aérien, mais pas le territoire 

Les Ukrainiens ont perdu dès le début l’essentiel de leurs avions et hélicoptères. Leurs missiles anti-aériens de moyenne et longue portée ont été détruits par les Russes, qui les connaissaient d’autant mieux qu’ils leur avaient vendus… Les Russes ont ainsi la maîtrise de l’espace aérien.

Par contre les Ukrainiens disposent toujours de missiles portables qui sont redoutables pour les hélicoptères et les avions qui s’aventurent à moins de 3,000 m du sol. 

Aussi, pour avancer, les Russes doivent utiliser massivement leur artillerie, obusiers, roquettes et missiles (la différence avec les précédents est qu’ils sont guidés). Les destructions sont et vont continuer à être massives et essentiellement aveugles.

Pourquoi l’OTAN ne peut pas mettre en place une zone d’exclusion aérienne pour protéger (partiellement) l’Ukraine ?

Une zone d’exclusion aérienne se met en place par la force, ce sont des chasseurs et des missiles qui seuls peuvent interdire à d’autres aéronefs de survoler un territoire. Il s’agit donc d’un acte de guerre : si l’OTAN se lançait dans une opération de « protection » d’une zone aérienne, ses forces rentreraient de fait en guerre contre la Russie puisqu’elles devraient abattre des avions et des hélicoptères russes pour les empêcher de venir bombarder l’Ukraine. 

Imposer une zone d’exclusion aérienne revient à rentrer en guerre, ce qu’aucun pays membre de l’OTAN n’a souhaité à ce stade. De plus, imposer une zone d’exclusion aérienne ne permettrait pas d’arrêter les tirs d’artillerie et de missiles, cela ne constituerait pas une solution suffisante pour stopper l’offensive russe, mais la première étape d’une escalade militaire.

Depuis le début de cette phase de guerre « à la soviétique », les dégâts infligés aux populations comme aux infrastructures de l’Ukraine sont énormes puisque c’est bien l’écrasement qui permet aux troupes russes d’avancer.

Chercher à négocier pendant cette phase est assez dérisoire, car ce rouleau compresseur est lent, les discussions lui donnent le temps d’avancer et d’assurer le crucial ravitaillement logistique nécessaire pour l’alimenter et continuer. En réalité, Vladimir Poutine ne discute pas avec nos émissaires, il donne du temps à ses armées pour détruire et progresser au rythme lent des obus et des bombes. Les couloirs humanitaires ne sont pas des concessions, tout juste du temps pour achever leur destruction.

Une marche inexorable tant que Poutine restera au pouvoir

La résistance ukrainienne ne peut que ralentir ce rouleau compresseur, impossible à vaincre tant qu’il est ravitaillé… et que l’ordre d’avancer est maintenu. Par contre, si Poutine était renversé, notamment par les oligarques qui l’entourent et dont les trafics sont mis en péril par cette guerre, l’offensive s’arrêterait aussitôt, un peu comme la destruction du « seigneur des anneaux ». 

La pression exercée par l’Union européenne et les Etats-Unis sur ces oligarques est donc cruciale, surtout si elle s’inscrit dans la durée, en passant du gel de leurs avoirs à leur confiscation pour dédommager dans le futur ce qui restera de l’Ukraine. C’est sans doute un autre mafieux qui succéderait alors à Poutine, et avec lequel il faudra compter. De nouveaux disciples de la Realpolitik lui trouveront des qualités et s’empresseront de renouer…

Mais, en attendant l’éviction de Vladimir Poutine, chaque jour qui passe sera un jour de destruction supplémentaire de l’Ukraine, auquel nous assisterons dans un mélange d’impuissance et de frustration. 

5 commentaires sur “Ukraine, la guerre et maintenant…

  1. Je crois en effet qu’il est important de dire que ce n’est pas une guerre des russes contre l’Ukraine, mais une guerre du Kremlin contre l’Ukraine.

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  2. Merci, Guillaume, pour ces explications très utiles pour comprendre l’OTAN et sa position. Pour ma part, cela m’a été très utile car je n’avais que de vagues connaissances en la matière. Passe une belle journée.

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  3. Merci pour cet éclairage sur le fonctionnement de l’OTAN.
    Si ça t’intéresse, j’ai donné mon point de vue sur cette guerre dans mon article intitulé « Billet d’humeur ». J’espèrerai plutôt un « soulèvement » du peuple russe, qui bien que sous l’influence de la propagande commence à ouvrir les yeux. Peut-être est-ce là une erreur de Poutine de penser que son peuple le soutiendrait, car de plus en plus de protestations éclatent dans le pays. Bien sûr, elles sont violemment réprimées.
    Le scénario idéal serait une désobéissance militaire et civile contre le dictateur et ses sbires milliardaires.
    Merci Guillaume pour cet article.

    Aimé par 1 personne

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