Netanyahou, « meilleur ennemi » du Hamas ?

Nota bene : je ne suis pas un expert du Proche-Orient, mais j’écris sur ce sujet pour apporter une culture militaire dans le décryptage de ce conflit. Elle manque à l’essentiel de nos sociétés, y compris aux brillants géopoliticiens qui – seuls – ne peuvent analyser cette guerre, même si parfois certains l’oublient… Pour ceux qui voudraient voir dans mes propos une once d’antisémitisme, je rappelle simplement que j’ai été élevé dans la culture de la Shoah et que j’ai une profonde amitié pour la communauté juive. Pour ceux qui affirment sans l’ombre d’un argument que je suis un « agent d’Israël », je rappelle que j’entretiens aussi une profonde relation d’amitié avec la communauté musulmane, une religion de partage et de paix qui, par ailleurs, est le seul rempart contre l’islamisme.


Accélération de l’offensive israélienne après une trêve bienvenue mais brève 

Nous rentrons malheureusement dans la 10e semaine de cette guerre que mène Israël contre le Hamas, et dont souffre « au premier chef » le peuple palestinien.

Après une semaine de trêve, qui fut un répit aussi inattendu que bienvenu dans cette guerre sanglante, l’armée israélienne a repris son offensive contre la bande de Gaza avec une intensité redoublée. 

Palestinian firefighters work to extinguish a fire in a house after an Israeli strike, amid the ongoing conflict between Israel and Palestinian Islamist group Hamas, in Khan Younis in the southern Gaza Strip, December 9, 2023. REUTERS/Ibraheem Abu Mustafa TPX IMAGES OF THE DAY

Décidée par le gouvernement Netanyahou, cette accélération des opérations militaires contre la bande de Gaza, qui fait essentiellement des victimes civiles, répond à une double contrainte : La société israélienne ne pourra pas supporter longtemps une telle mobilisation d’une armée disproportionnée par sa taille (400 000 militaires pour moins de 10 millions d’habitants). De même, le puissant et indispensable allié américain ne soutiendra pas longtemps cette guerre, dans la mesure où son opinion publique est de plus en plus hostile à ses conséquences, tandis que les élections présidentielles pointent déjà leur nez.

Contrairement à ce que répète trop régulièrement Benyamin Netanyahou, Israël n’a pas les moyens de conduire une opération de ce type pendant des mois, encore moins pendant des années : c’est donc une forme de « fuite en avant », en tout cas d’accélération redoutable de cette offensive israélienne à laquelle nous assistons depuis une semaine.

Une accélération parallèle de la colonisation

En parallèle, et dans le même esprit, le gouvernement Netanyahou n’a aucun scrupule à accélérer la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem Est. Pourtant condamné unanimement par la communauté internationale, ce mouvement soutenu par les partisans les plus extrémistes de Netanyahou ne suscite – dans ce contexte de guerre – aucune réelle opposition de la société israélienne.

Avec plus de 250 palestiniens tués par balle depuis le 7 octobre dans la seule Cisjordanie et une distribution massive d’armes aux colons ordonnée par le gouvernement Netanyahou, le scandale de la colonisation est poussé à l’extrême, fuite en avant désespérée ou futur levier de négociation avec les Palestiniens ?


Des bombardements destinés à détruire bien plus qu’à « cibler »

J’aime beaucoup les subtiles explications données par les uns ou les autres sur les bombardements menés par l’armée israélienne contre la bande de Gaza, alors que la plupart n’ont manifestement aucune expérience de ce sujet, ni compréhension de ce que représente concrètement d’être bombardé… Loin de constituer des frappes ciblées ou « chirurgicales», ces bombardements israéliens sont menés avec une puissance dévastatrice dans un milieu surpeuplé.

En artillerie, dont je suis un ancien officier, lorsqu’on veut supprimer une cible particulière, on utilise un missile avec une charge adaptée. Typiquement, Israël dispose de missiles Hellfire embarqués notamment sur ses hélicoptères et ses drones qui permettent, avec une charge militaire de l’ordre de 8 kg, de détruire un objectif spécifique en commettant certes des dégâts collatéraux, mais relativement limités. Pour donner un ordre d’idée, un pick-up visé par un tel missile sera bien sûr intégralement détruit et les véhicules autour seront endommagés dans un rayon de 30 m. Il faut compter alors 2 à 4 morts supplémentaire dans l’entourage immédiat de la cible, en espérant que certains étaient ses complices, et trois à quatre fois plus de blessés.

Un drone MQ-9 Reaper américain tire un missile AGM-114 Hellfire. Photo: U.S. Air Force

Mais en l’occurrence, l’armée israélienne utilise dans cette offensive principalement des bombes guidées de 250 kg qui sont DIX FOIS plus puissantes ou son équivalent en artillerie, soit une volée de cinq obus de 45 kg. Chacune de ces frappes a le pouvoir de détruire l’équivalent d’un immeuble de trois étages. Ce n’est pas la peine d’avoir fait Saint-Cyr et la très renommée école d’artillerie française pour comprendre qu’avec de telles capacités de destruction, ce n’est pas une personne qui est visée, mais tout son environnement qui est dévasté.

« Le ratio de victimes collatérales est supérieur à dix pour une visée »

Le ratio de victimes collatérales admis n’est alors plus de trois ou quatre pour une visée, mais bien une proportion supérieure à dix, ce qui correspond au bilan actuel des frappes menées par Israël, sur ordre du gouvernement Netanyahou, contre les Palestiniens. Et si le Hamas se dilue volontairement au sein de la population civile pour se camoufler, il n’est pas assimilable pour autant au peuple palestinien : cela ne donne aucune autorisation à Israël vis-à-vis du droit international humanitaire de s’attaquer massivement aux civils palestiniens pour « détruire » le Hamas.

Dans l’exemple ci-dessous, emblématique de la doctrine « de riposte disproportionnée » appliquée en l’occurrence par Tsahal, ce sont même plusieurs immeubles qui ont été détruits à Gaza pour viser un seul cadre du Hamas…

Destruction d’un quartier d’habitation dans Gaza :


Un bilan catastrophique, entre quinze et vingt fois supérieur aux pertes israéliennes 

Avec 400 frappes quotidiennes menées par l’armée israélienne sur un territoire surpeuplé, ce sont « au bas mot » 400 à 500 tués par jour qu’il faut compter, répétés sur huit semaines de combat (la neuvième semaine écoulée ayant été une trêve). Avec une marge d’incertitude raisonnable, le bilan global de cette offensive décidée par le gouvernement Netanyahou contre la bande de Gaza s’élève par conséquent à 56 jours x 450 tués en moyenne basse, soit au minimum entre 20 et 30 000 tués, auxquels il convient de rajouter 3 à 4 fois plus de blessés, soit plus de 100 000 victimes, tuées et blessées. Un carnage. 

Ce bilan est supérieur aux chiffres avancés par le Hamas qui « administre » la bande de Gaza et qui annonce 18 000 victimes à ce stade. En effet, il convient de compter aussi les nombreuses victimes ensevelies sous les immeubles détruits ou dans les tunnels attaqués, ce qui augmente au moins d’un quart le bilan « visible ». C’est le propre de ce type de « théâtre d’opération », surpeuplé et fortement urbanisé, lorsqu’il connaît des destructions massives sans possibilité de fuite.

Avec un tel bilan – entre 20 et 30 000 morts au minimum – l’offensive israélienne a déjà fait entre 15 et 20 fois plus de victimes que l’État hébreu n’en a souffert dans sa propre population (environ 1 500 morts à ce stade, en intégrant les soldats israéliens tués dans l’offensive).

Quant aux « objectifs de guerre » – les miliciens du Hamas –, il est probable que « seulement » 2 à 3 000 ont été tués dans ces frappes, ce qui confirme bien le ratio de 10 victimes collatérales pour 1 cible visée. Sans compter qu’un milicien est par nature un civil qui prend une arme à un moment et qui la dépose à un autre, le rendant particulièrement difficile à distinguer de la population.

Le bilan de cette offensive israélienne est d’autant plus catastrophique qu’il ne permet pas d’apporter le moindre résultat tangible quant à « l’écrasement » recherché du Hamas. Ce dernier le rappelle, d’ailleurs, en tirant quasiment au quotidien une ou plusieurs roquettes contre le territoire d’Israël, comme pour bien montrer à Tsahal qu’elle peut toujours bombarder la bande de Gaza, mais sans jamais l’éliminer complètement.

Une photo prise dans le sud d’Israël, le 6 décembre 2023, montre une roquette tirée de l’intérieur de la bande de Gaza dont le panache de fumée (blanche) monte, au milieu des bombardements israéliens qui s’abattent sur la même zone (fumée grise épaisse). Photo by JACK GUEZ / AFP


138 otages qui sont désormais en majorité des « disparus »

La situation des otages « détenus sur la bande de Gaza » est à l’image du bilan de cette offensive militaire : ce n’est malheureusement plus la peine de croire qu’il reste 138 otages après des bombardements d’une telle violence. Le gouvernement Netanyahou serait bien avisé de parler de 138 « disparus » plutôt que d’otages, car s’il en reste encore entre 60 et 80 en vie, ce serait formidable…

L’armée israélienne a d’ailleurs tenté un raid militaire pour récupérer au moins un soldat de Tsahal détenu en otage et qui vraisemblablement a été tué dans cette opération, toujours très délicate à mener surtout pendant une offensive de grande ampleur. Au bilan, aucun otage n’a été sauvé par cette offensive militaire, seule la trêve a permis d’en ramener. Et celle-ci n’a pas été délibérée mais imposée par la société israélienne et la pression américaine…

Lire aussi : Israël contre le Hamas, trêve et libération d’otages… une lueur dans la nuit ?


L’aide de l’IA et des Etats-Unis

Les bombardements israéliens sont tellement denses et violents qu’il faudrait un état-major gigantesque pour planifier autant de cibles au quotidien, pour établir ce que l’on appelle dans le langage militaire le targeting.

Pour permettre plus de 400 bombardements par jour, l’armée israélienne utilise notamment un module d’intelligence artificielle (IA) qui l’aide à préparer ce ciblage. Il faut cependant rappeler que celui-ci ne décide pas des cibles mais les propose à un état-major. Ce sont toujours des officiers israéliens qui donnent leur autorisation de tir pour chacun des bombardements afin d’éviter justement des « solutions inappropriées » générées par l’IA.

 « Israël ne dispose pas de stocks de bombes guidées et de munitions d’artillerie. Cette offensive est intégralement dépendante des livraisons américaines »

Rappelons aussi qu’Israël ne dispose pas de stocks de bombes guidées et de munitions d’artillerie. Elle est intégralement dépendante des livraisons américaines qui, d’une part manquent désormais à l’Ukraine, et d’autre part sont tellement tendues que si les États-Unis décidaient de mettre fin de cette offensive, celle-ci se terminerait en quelques jours, quelle que soit la position de Benyamin Netanyahou…

Avec le début des élections présidentielles aux États-Unis, l’administration du président Biden est fort embarrassée de devoir débattre de ces fournitures d’armes à Israël, comme à l’Ukraine d’ailleurs. Mais lorsque les États-Unis affectent d’être désespérés par les conséquences de cette offensive, ils oublient de dire qu’ils en détiennent le robinet.


Pas un génocide, mais une violation permanente du droit international

Avec 90 % de victimes civiles, ces bombardements constituent probablement des crimes de guerre, dans la mesure où ce taux de perte est assumé, jusque dans les modules d’intelligence artificielle à la disposition des état-major israéliens.

Cependant, je rappelle aussi – y compris à mes nombreux détracteurs sur ce point – qu’ayant eu la malchance de traverser trois génocides, cette offensive israélienne ne constitue pas un génocide de plus. Le gouvernement Netanyahou n’a en effet jamais cherché concrètement à détruire le peuple palestinien – définition du crime de génocide – alors qu’il en a les moyens. 

En revanche, le bilan de ces opérations militaires montre que le gouvernement Netanyahou entretient volontairement une confusion totale entre les membres du Hamas et le peuple palestinien. Confusion aussi entre civils et appareil militaire, même si en réalité le Hamas ne dispose pas d’une véritable armée, contrairement au Hezbollah libanais.

La conception même de cette opération militaire, qui répond manifestement plus à la provocation odieuse du Hamas qu’à une réflexion politique sur la poursuite de ce conflit, constitue d’ores et déjà un drame historique que la société israélienne sera obligée d’assumer par la suite. En provoquant au moins 15 fois plus de morts qu’elle n’en a subi, Israël se fait une puissance dévastatrice. Est-ce le but recherché ?


Quand le gouvernement Netanyahou estimera-t-il ses buts de guerre atteints ?

Compte tenu de son autonomie opérationnelle limitée, quand peut-on espérer que le gouvernement Netanyahou estimera enfin que ses buts de guerre sont atteints ?

De fait, Tsahal n’a pas obtenu jusqu’ici de résultats tangibles qui démontreraient qu’elle a porté un coup fatal à l’organisation terroriste du Hamas. Bien au contraire, elle semble lui garantir son recrutement pour les 15 prochaines années.

Residents of the Qatari-funded Hamad Town residential complex in Khan Yunis in the southern Gaza Strip, are seen as they flee their homes after an Israeli strike, on December 2, 2023. A temporary truce between Israel and Hamas expired on December 1, with the Israeli army saying combat operations had resumed, accusing Hamas of violating the operational pause. (Photo by MAHMUD HAMS / AFP)

Dans le nord, l’armée israélienne achève sa prise de contrôle de cette partie du territoire qui représente à peu près un tiers de la bande de Gaza. On peut constater sur la carte suivante que Tsahal a investi environ 60 % de cette zone. Il lui faudra sans doute encore quelques semaines pour terminer ce « nettoyage », mais il est déjà avéré qu’elle n’a rien trouvé de « quartier général stratégique » et autres infrastructures militaires significatives du Hamas officiellement poursuivis.

Situation dans la partie Nord de la bande de Gaza (source ISW, 08 décembre 2023), les zones occupées par l’armée israélienne sont indiquées en bleu

La reprise de l’offensive israélienne depuis une semaine a aussi vu le lancement d’opérations terrestres contre le Sud de la bande de Gaza, bien que l’armée avait « invité » la population à s’y réfugier. Comme on peut le constater sur la carte suivante, l’intervention de Tsahal reste limitée en termes de superficie, mais elle est d’une violence comparable à celle menée dans le Nord de la bande de Gaza, et consiste essentiellement à détruire tout ce qui est sur son passage.

Situation dans la partie Sud de la bande de Gaza (source ISW, 08 décembre 2023), les zones occupées par l’armée israélienne sont indiquées en bleu et en bleu-vert

Quant aux responsables locaux du Hamas, comme Yahya Sinouar chef politique sur la bande de Gaza (considéré par l’Etat hébreu comme l’architecte de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » du 7 octobre), ils n’ont toujours pas été neutralisés. L’armée israélienne peut déclarer qu’elle encercle désormais leur maison, mais il serait bien curieux que ces chefs soient restés chez eux, tandis que les patrons du Hamas sont installés (confortablement semble-t-il) au Qatar.

Ces opérations menées au Sud sont d’autant plus dévastatrices que la population y est encore plus dense après son évacuation globale de la partie Nord. Et la situation humanitaire est devenue catastrophique : nous sommes désormais arrivés au point où le manque d’eau, de vivres et de soins fait plus de victimes que les bombardements israéliens. Des victimes qui ne sont d’ailleurs pas comptées dans le bilan de l’offensive présenté plus haut…



Quand pointe la lassitude de l’opinion publique et que tombent les réseaux internet

Il est toujours effrayant de constater qu’après deux mois de combat, la guerre menée par Israël contre le Hamas et les Palestiniens commence à susciter une forme de lassitude dans nos opinions publiques… Finalement, chaque jour de combat supplémentaire ressemble étrangement au jour précédent. Et puis les fêtes de fin d’année approchent et le quotidien reprend le dessus d’une actualité qui doit sans cesse se renouveler pour intéresser. 

Cette forme d’indifférence est alimentée aussi par la diminution très nette d’informations et de photos en provenance de la bande de Gaza. Internet est en effet en berne la plupart du temps ainsi que les réseaux de communication. Compte tenu de la dangerosité des lieux, les journalistes ne peuvent pratiquement plus faire leur travail pourtant indispensable d’information. La bande de Gaza devient une boite noire et, faute d’image, l’intérêt du public diminue d’autant plus vite. 


Une suite rapide et chaotique ?

Espérons cependant, ne serait-ce que du fait du manque d’autonomie opérationnelle du gouvernement israélien et de la très forte pression de son allié américain pour sortir de ce tunnel de la guerre, que cette offensive dévastatrice finira par s’arrêter dans les semaines à venir.

Avec un bilan qui sera probablement supérieur à 150 000 morts et blessé, cette guerre restera un exemple de déchaînement de violence provoqué par un acteur radical, le Hamas. Il apparaîtra aussi que le gouvernement Netanyahou aura été le « meilleur ennemi » du Hamas, ce dernier n’ayant jamais caché son intention stratégique d’entretenir un état de guerre avec l’État d’Israël.

De fait, aucune solution de paix n’est envisageable tant que ne seront pas écartés les acteurs les plus radicaux de cette guerre. Du côté américain, il est probable qu’aucune décision importante ne soit prise avant que ne soit connu le résultat des élections présidentielles. Monsieur Netanyahou doit prier pour qu’un Donald Trump revienne au pouvoir et conforte sa stratégie de brutalité, qui s’est pourtant concrétisée par cet échec aussi cinglant que sanglant du 7 octobre.

Du côté israélien, on peut espérer qu’à la fin de l’offensive militaire proprement dite, la société civile israélienne s’emparera enfin de son avenir et qu’elle écartera tout aussi violemment Monsieur Netanyahou pour ne plus jamais y revenir. Il sera alors à la portée d’Israel de dessiner aussi un avenir pour le peuple palestinien, qui est en réalité la seule puissance en mesure de faire disparaître le Hamas.

La solution alternative à cette guerre dévastatrice se trouvait probablement dans le relais que pouvaient exercer les Palestiniens, si Israël s’était plutôt tournée vers eux que contre eux pour en finir avec cette organisation terroriste. Exactement le contraire de la politique du gouvernement Netanyahou qui a privilégié l’émergence et la puissance de cet acteur radical comme un miroir à sa propre radicalité. 

Il est effrayant enfin de constater que les ressources colossales englouties par ce conflit auraient été fort utiles pour amener les Palestiniens de la bande de Gaza à une certaine prospérité, et pour les emmener à neutraliser eux-mêmes le pouvoir de nuisance du Hamas. Benyamin Netanyahou s’était empressé d’écarter ce scénario, de peur d’être viré avec ?

Lire aussi : Israël contre le Hamas, reprise de la guerre… et après ?


Manifestation de communautés juives en Grande-Bretagne contre la guerre dans la bande de Gaza, en solidarité avec les Palestiniens. Londres, December 9, 2023. REUTERS/Hollie Adams

PS : À la question qui m’est régulièrement posée, « sommes-nous en danger ? », j’ai le sentiment étrange que le conflit en Israël est beaucoup moins menaçant aujourd’hui pour nos sociétés que le risque d’une défaite de l’Ukraine face à la Russie.
Le fait que l’attaque bestiale du Hamas contre Israël ait été déclenchée le 7 octobre, au moment où le front aurait pu basculer en Ukraine, laisse penser que Vladimir Poutine est le principal bénéficiaire de cette crise sanglante au Proche-Orient. Je publierai sur ce sujet dans les jours qui viennent…




Pour approfondir :

Vincent Lemire, historien : « Depuis l’attaque du Hamas contre Israël, nous sommes entrés dans une période obscure qu’il est encore impossible de nommer »


« Vladimir Poutine et Benyamin Nétanyahou comptent sur la victoire de leur poulain : Donald Trump », par Alain Frachon dans Le Monde

23 commentaires sur “Netanyahou, « meilleur ennemi » du Hamas ?

  1. Je vous découvre, ainsi que votre analyse fouillée très intéressante (pour nous autres simples civils), et plutôt courageuse étant donné la pression médiatique.

    Cette pression empêche de nommer (et dénoncer) ce que tout le monde voit : un crime contre l’humanité. Les déclarations des Israéliens sont absolument limpides. Quand on évoque la possibilité de larguer une bombe nucléaire, quand on parle d' »animaux humains », il y a bien un langage génocidaire du pouvoir. Les kilotonnes de bombes, visant les civils, sont parfaitement cohérentes avec ce langage. Et ce d’autant plus que la « trêve » n’apparait maintenant que comme une pause opérative cynique, un piège qui se referme.

    Si on ajoute à ça le fait que Gaza est considérée par certains sionistes comme une terre à prendre, (et ce bien qu’elle ne fisse pas partie de la Judée historique), il fait peu de doute qu’ils ne se priveront pas, si c’est possible, de « raser Gaza de la carte ».
    Preuve en est, la proposition d’un think-tank, « Misgav », et de deux députés israéliens dans le Wall Street Journal (dont un de l’opposition « de gauche ») de disperser les 2 millions d’autochtones en Occident par lots de 10 000. Si ce n’est pas via l’Égypte alors ce serait en ouvrant l’accès maritime aux bateaux (Nétanyahou il y a quelques jours).
    Combien de fois depuis 50 ans n’a-t-on pas lu cette accusation dans le sens inverse (« ils veulent jeter les juifs dans la mer »), et qui n’était au final qu’une énième projection…

    Si cette hypothèse se confirmait – celle de la purification ethnique planifiée – alors les conséquences seront immenses et bien plus terribles encore que l’Ukraine.

    La guerre en Ukraine est une gigantesque tragédie pour les 200 millions d’habitants de l’ancienne Rous’. Mais elle est relativement limitée à un périmètre, en l’occurrence la zone post-soviétique. Il n’y a pas de conséquence immédiate ici-même. Je veux dire par là… qu’il n’y a pas de diaspora ukrainienne ou russe influente.

    En revanche nous avons d’un côté une diaspora juive puissante, la 2e du monde, et de l’autre côté une jeunesse à 20% et 30% musulmane. Tableau semblable ailleurs en Occident. Bien sûr, les soucis matériels et les questions sociales passent bien avant la Palestine. Mais elle restera toujours un « souci spirituel ».
    Ainsi il faut envisager la possibilité d’un scénario-catastrophe, celui que nous susurrent fortement les Israéliens et leurs relais, à savoir… refiler à l’Occident bonne pomme, 2 millions de jeunes Gazaouis, marqués dans leur chair, et qu’on imagine mal ne pas rêver de vengeance. Sommes-nous assez stupides pour nous laisser dicter notre suicide ? Et y a-t-il des gens à Paris qui perçoivent cet enjeu ?

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  2. Bonjour,
    La semaine dernière Biden a demandé en urgence la possibilité de financer l’envoi de 14 000 obus de 122 mm pour les chars Merkava israéliens qui opèrent dans la bande de Gaza. Un contraste flagrant avec ses déclarations critiques à l’encontre de Netanyahou. et donc une certaine duplicité qui se retrouve dans les votes à l’ONU.
    Je suppose que ces 14 000 obus peuvent faire des dégâts considérables tant en destructions qu’en vies humaines.
    Est-il possible d’estimer ces dégâts?

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  3.  » le doute est officiellement proscrit. »
    Je m’éloigne un court instant du sujet direct.
    Proscrit, c’est à dire interdit d’expression et de traduction dans les faits. Terrible dilemne imposé à des soldats et à des officiers qui gardent leur liberté de conscience et leur libre arbitre. Une raison de plus pour nous intéresser toujours davantage aux questions de politique étrangère et militaire en qualité de citoyens au nom de qui une opération militaire est entrepris

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    1. Ce qui me conduit à proposer à la lecture ce que m’a inspiré la série « Sentinelles » dont les sept épisodes n’ont malheureusement qu’être vu sur OCS.

       » Sentinelles » (série sortie en 2022 ), qui aurait dû être vue par tous les citoyens français, aurait dû, pour ce faire, être programmée en prime-time sur une une chaîne de télévision publique. Au lieu de cela, elle est restée cantonnée sur une chaîne cryptée, donc payante. N’était-il pas nécessaire de sensibiliser le plus grand nombre aux réalités de nos engagements en « opérations extérieures » ? N’est-il pas utile de faire comprendre les enjeux de la politique extérieure afin d’éviter les malentendus et laisser ainsi la porte ouverte à la désinformation ?

      Le public pour les films de guerre ou sur la guerre est-il plus masculin que féminin? Tout dépend des intentions du réalisateur. S’il mise sur les poussées d’adrénaline ou, prosaïquement, sur les identifications viriles et héroïques en réveillant nos instincts de chasseurs et de guerriers, il est probable que les hommes trouveront davantage leur compte devant l’écran que nos compagnes.

      « Sentinelles » ne se fixe pas comme but ultime de réveiller les guerriers qui sommeilleraient en nous, pas davantage que les plus jeunes d’entre nous se précipitent toute affaires cessantes dans le premier bureau de recrutement de militaire trouvé sur leur route. Son objectif est à la fois plus modeste et beaucoup plus ambitieux : il veut montrer l’armée telle qu’elle est et choisit pour cela de suivre une compagnie de l’armée de terre engagée au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane.

      Les hommes et les femmes qui composent l’effectif de la compagnie sont faits de chair et d’os, de peurs et de courage, à n’en point douter. Engagée dans une double mission de combat contre les infiltrations de djihadistes de diverses obédiences qui mènent un combat de guérilla permanente et de terreur sur les populations civiles d’une part, de protection d’une population d’éleveurs et de cultivateurs d’autre part, l’activité militaire n’est pas trépidante, donc peu spectaculaire, tout en retenant notre attention et en nous gardant en haleine.

      Un soldat n’est pas toujours au combat, il est également au repos ; un soldat ne fait pas corps en permanence avec ses camarades, parfois il insupporte les autres ou même les subit ; un soldat n’est pas courageux et professionnel 24 heures sur 24, quelquefois il a peur et à d’autres moments il est assailli par le doute.

      Le soldat sous les drapeaux, au repos ou en opérations, est aussi un citoyen, un homme ou une femme, avec une vie privée en métropole, avec un conjoint et des parents, parfois des enfants. Cela également Sentinelles a voulu nous le montrer comme il a voulu nous faire voir que somme toute une compagnie ou un bataillon militaire compte dans ses rangs des hommes, et désormais également des femmes, issus de toutes les composantes de la société.

      La lieutenant Anaïs Collet est une officier précise et rigoureuse dans son commandement, elle est respectée par ses hommes pour la sûreté de son jugement, le sous-officier Martial Mendy d’ascendance africaine est sorti du rang et serait du bois dont on fait les officiers, le soldat Samy Seghir fait ses armes et il est la fierté de sa mère, femme de ménage originaire d’Oran.

      Le format que les deux réalisateurs Thibaud Valetoux et Frédéric Krivine ont retenu pour « Sentinelles » est une série en sept épisodes. Il a l’avantage de leur donner le temps qu’il faut pour nous présenter les protagonistes, les installer et nous les rendre familiers en parfait équilibre avec l’action militaire qu’ils veulent nous faire connaître.

      Sentinelles peut être rapproché du téléfilm britannique Warriors-l’impossible mission de Peter Kosminsky, qui relate l’engagement d’un groupe de jeunes militaires anglais comme casques bleus en Bosnie-Herzégovine. C’était en 1992 et l’ONU cherchait comment s’interposer pour que le pire ne se produise pas, sans réussir à l’empêcher et en plaçant ses soldats en permanence entre le marteau et l’enclume.

      Les citoyens que nous sommes ne doivent-ils pas se représenter le plus concrètement possible les réalités que vivent ceux que nous envoyons en notre nom dans des engagements militaires aux coûts élevés et aux risques énormes ?

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  4. ‌Bonjour guillaume D’accord avec tes analyses. Il faudrait souligner le véto catastrophique des États-Unis au conseil de sécurité.Ils n’ont toujours pas saisi l’importance de ce conflit pour beaucoup de pays du sud qui ne peuvent accepter le biais de l’occident en faveur d’un état qui bafoue le droit international depuis tant d’années.(résolution 2334 de 2016) Quant aux européens ils sont divisés et pusillanimes.La position française sur la cisjordanie est louable (condamnation des exactions des colons qui comprometterait la solution des deux états)mais naïve  et tardive(il y a aujourd’hui 700 000 colons en cisjordanie +jerusalem est)et sans sanctions sauf d’hypothétiques sanctions contre les colons difficiles à mettre en place Il faut imposer à Israël son existence légale  dans les frontières de 1967 sinon on en sera toujours réduit à voir des monstres surgir comme le 07 octobre. Saluons le travail des ong israeliennes (comme breaking the silence ,et d’autres) ou de journaux  comme le Haaretz qui continuent à faire un travail remarquable.Ce n’est pas Israel en soi qui est condamnable mais le gouvernement actuel et ceux qui l’ont précédé et leur refus d’accepter le fait palestinien et son droit à un état souverain.

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  5. Poutine est probablement le seul grand bénéficiaire de ce carnage. Peut-on y voir une complicité de Netanyahou ? Sa manière de tourner le dos aux renseignements militaire sur la préparation du 7 octobre comme s’il attendait ce prétexte pour un passage à l’acte violent me le laisse supposer

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  6. Je vous lis depuis longtemps et j’apprécie vos analyses. Un aspect que vous ne me semblez jamais abordé est celui de l’état psychique des soldats de Tsahal – dont je pense que bcp sont jeunes – après été acteurs et témoins des horreurs qu’ils ont provoquées pendant des semaines, par exemples les femmes et enfants blessés ou tués. Après cela on retourne en famille et au boulot comme d’hab?

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  7. C’est tellement épouvantable tout ça mais je ne peux pas m’empêcher de penser à l’Ukraine ! J’ai l’impression que le monde les laissent tomber et même le peuple semble laisser tomber son Président. C’est navrant tout ça ! Le monde ne réalise pas l’impact si la Russie gagne cette guerre, tout va changer pour l’Occident ! Il sera trop tard pour reculer! On dirait que l’on est endormi dans notre petite vie choyée sans réaliser ce qui est en train de changer!!!

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    1. Oh oui, Madame, je souffre vraiment de voir l’Ukraine abandonnée ! De voir Poutine être en position de gagner, de voir le monde noirci par ces despotes vampires, de voir le pétrole et le charbon continuer à empoisonner la pauvre Terre, la fin du monde se rapproche à grande vitesse !

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  8. …mon Guillaume ,cette fois-ci ta lettre ouverte me touche ,car elle
    est tres … »ciblee « :difficile de faire la paix avec des extremistes de
    tous bords  ; pour l Ukhraine , c est plus facile : il suffit d un ordre
    de W. Poutine  … bonne journee felicitations ,amities Patrick.-

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  9. Savez-vous s’il existe des tensions au sein de l’armée israélienne quant à la stratégie choisie pour mener cette guerre? J’aimerais bien comprendre le raisonnement qui y règne. Vous êtes bien placés pour décrypter les hauts-gradés israéliens.

    Tous les généraux et colonels de gauche que j’ai entendus jusqu’ici appuient cette guerre sans réserve. Je ne les reconnais plus du tout. Ils répètent constamment qu’il n’y a pas d’autre solution et qu’il faut liquider le Hamas le plus rapidement possible afin que les civils palestiniens ne souffrent pas plus longtemps. Pourtant, des alternatives ont été proposées pour asphyxier le Hamas lentement et sans bain de sang.

    https://thirdnarrative.org/ways-to-help-israelis-and-gazans/?fbclid=IwAR1Sv05PXHwYr7nEp5oo_1l6-YPKWRC0OVhbC4sX8WU_FwR3bdUxO5vAjv0

    On m’a répondu que tant que le Hamas ne sera pas liquidé sur le plan militaire, il pourra recommencer ce qu’il a fait le 7 octobre.

    Ces généraux et colonels de gauche ne sont pas des supporters de Netanyahu. Ils parlent même d’apartheid en Cisjordanie et réclament que l’on impose un plan de paix à Israël.

    Je me demande si vouloir liquider le Hamas à tout prix plutôt que de mener une guerre d’usure contre le Hamas ne répond pas à un besoin psychologique plus que militaire. On a vu le même jusqu’au-boutisme aux États-Unis de 2001 à 2004 (et cette fois, le choc est immensément plus grand qu’après le 11 septembre 2001).

    On assiste tout de même un début de contestation de l’intensité de cette guerre. Mais elle arrive bien tard : https://www.haaretz.com/israel-news/2023-12-09/ty-article-magazine/.highlight/the-israeli-army-has-dropped-the-restraint-in-gaza-and-data-shows-unprecedented-killing/0000018c-4cca-db23-ad9f-6cdae8ad0000

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    1. Des débats sévères à l’intérieur de Tsahal, mais qui ne sont pas exportés car ils paraissent déplacés tant que l’offensive se poursuit, le doute est officiellement proscrit.
      Mais c’est au bilan de cette opération que le radicalisme de beaucoup sera mis en cause, du fait de l’absence de résultats tangibles en rapport avec les dévastations menées

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