L’offensive en Ukraine est « on course », Prigojine en Russie est « descendu » par son ami Poutine

Commençons par l’information majeure pour l’Ukraine, leur offensive est « on course ».

« On course » – littéralement « sur le chemin » – est l’expression consacrée lors du guidage d’une frappe aérienne pour indiquer au pilote qu’il est « sur la bonne voie »…

Cela ne veut pas dire que c’est déjà une victoire puisqu’il faut attendre l’achèvement de la mission pour s’en assurer, mais cela signifie que l’opération est bien partie, comme c’est le cas pour l’offensive lancée par l’Ukraine le 6 juin dernier.

Independence Day de L’Ukraine le 24 août

Un optimisme que beaucoup ne partageaient pas jusqu’ici – et c’est bien leur droit –, et qui s’appuie sur la combinaison de plusieurs facteurs :

Les forces ukrainiennes disposent de réserves au moins jusqu’à octobre prochain, même si elles sont contraintes par un agenda qui nécessite de percer d’ici début octobre pour avoir le temps d’ « exploiter »  avant les pluies automnales.

Lire aussi : premiers succès ukrainiens dans leur offensive

L’Ukraine bénéficie toujours d’un soutien fort et renouvelé d’une large coalition de pays alliés (plus de 50) : l’annonce de la livraison de chasseurs F16 marque en particulier la durabilité de cet effort quand certains pouvaient craindre que ce soutien s’essouffle, par lassitude ou par manque de résultats. J’en reparlerai plus loin…

Enfin, les forces ukrainiennes à l’offensive sont arrivées au cœur de la digue érigée par les armées de Poutine en deux endroits, Robotyne et Urozhaine dans la région de Zaporijia, elles ont maintenant la possibilité de créer cette brèche et c’est exactement ce qu’elles sont en train de faire. 



Une offensive qui se concentre sur Robotyne tandis que le reste du front russe se fragilise 

D’après l’Institut for the Study of War (ISW), qui compile et compare de très importantes sources ouvertes sur le net, la situation des forces ukrainiennes progresse sur cette partie du front, en particulier autour de Robotyne.

« Les forces ukrainiennes ont poursuivi leurs opérations de contre-offensive près de Robotyne, dans l’ouest de l’oblast de Zaporizhia, le 25 août et auraient avancé alors que les blogueurs russes exprimaient leur inquiétude face au manque de renforts et de rotations de troupes dans la région. L’état-major ukrainien a rapporté que les forces ukrainiennes ont remporté des succès […]’ Un éminent blogueur militaire russe a exprimé son inquiétude quant à la capacité des forces russes, fatiguées du combat, à se défendre contre d’éventuelles futures attaques ukrainiennes renouvelées près de Robotyne, alors que les combats se sont déplacés vers le sud de Robotyne. Le blogueur militaire affirme que de nombreux militaires russes combattant près de Robotyne sont en première ligne depuis le début de la contre-offensive ukrainienne et que ces unités souffrent d’un manque de renforts sur la ligne de front.»


Comme il est toujours difficile de représenter de manière lisible la manière dont les unités militaires progressent sur le front, je reprends ici la présentation de l’avancée des forces autour de Robotyne par Stevius2 qui présente l’avantage d’être très visuelle.

L’effort de percée des unités ukrainiennes sur cet axe crucial est bien visible sur cette carte, il correspond à l’engagement de brigades supplémentaires qui avaient été gardées en réserve jusqu’ici et qui vont sans doute être renforcées au fur et à mesure de leur avancée. 

Ce que confirme OSINT defender sur la base de sources russes.

Mais ce front d’environ 1,000 km ne se résume pas à cette tentative de percée autour de Robotyne. Les Ukrainiens sont très actifs à l’ouest dans la région voisine de Kherson avec des incursions régulières par franchissement du Dniepr. Et plus à l’est en limite de la région de Zaporijia où ils exercent une pression très forte dans le secteur d’Urozhaine. Et plus au nord autour de Bakhmut, les forces ukrainiennes fixent d’importantes unités russes, après une longue bataille qui fut fatale à Wagner et à ses chefs « descendus » par Poutine, j’y reviendrai aussi. 


Une armée russe sous une pression intenable dans la durée 

Alors que les armées russes ne disposent plus de réserves opérationnelles, la digue qu’elles ont érigée en Ukraine apparaît plus fragile que jamais : en absorbant l’essentiel des unités disponibles sur ce dispositif figé, cette digue ne permet pas de manœuvre efficace dès lors qu’elle sera franchie. La digue russe en Ukraine est devenue une ligne Maginot pour la Russie, une immobilisation fatale de trop de moyens sur une distance trop importante. 

Le commandement russe a bien lancé une contre-offensive le plus au nord possible (région de Koupiansk) pour alléger le marteau-pilon qui frappe sa digue dans la région de Zaporijia. Mais faute de moyens suffisants, elle ne menace pas assez les Ukrainiens pour qu’ils soient efficacement détournés du front principal sur lequel ces derniers restent très concentrés.


A contrario, les Russes ne peuvent se mobiliser plus sur Robotyne sans risquer un effondrement de la digue fragilisée sur sa longueur et dans sa profondeur par les attaques incessantes des Ukrainiens qui les harcèlent de tous côtés.

Lire aussi : le front en Ukraine ressemble à une immense digue menée progressivement au bord de l’implosion 


Des alliés qui se sont inquiétés du manque de résultats visibles de l’offensive ukrainienne 

Après 10 semaines de combats sans avancée spectaculaire, beaucoup ont exprimé du côté des alliés une impatience mal assumée. Une forme de pessimisme souvent liée à l’absence de culture militaire de notre société actuelle mais pas seulement.

Car beaucoup s’attendaient à une offensive massive et très concentrée des forces destinées à cette opération, alors que les Ukrainiens ont fait le choix de prendre plus de temps pour avancer méthodiquement, affirmant aussi vouloir limiter leurs pertes, même si le résultat final sera sans doute le même que celui d’un débarquement massif…

Lire aussi : L’Ukraine à l’offensive : une impatience à l’égal de notre méconnaissance ?


Aux Etats-Unis notamment, le scénario de l’enlisement s’est développé sur une forme de scepticisme par rapport à une stratégie offensive ukrainienne qui apparaissait difficile à comprendre. Pourtant, ce pessimisme se nourrit plus de nos inquiétudes quasi-culturelles face à l’incertitude que de la réalité, comme l’ont rappelé David Petraeus (ancien général US) et Fred Kagan (chercheur) dans une tribune publiée par le Washington Post, sans doute pour contrebalancer un article publié la semaine dernière qui estimait à peu près le contraire. 

L’information la plus importante de cette 11° semaine d’offensive est que les forces ukrainiennes sont probablement « en train de » percer une brèche au milieu de la digue russe, et que les troupes de Poutine n’ont pas les moyens de la colmater longtemps, tandis que le temps ne joue plus seulement à leur avantage.


La livraison future de chasseurs F16

Soyons clair, cette annonce d’une future livraison d’avions de combat F16 aux Ukrainiens n’a aucune conséquence directe sur l’opération offensive en cours, car leur temporalité est trop décalée. 

Formation des techniciens et des pilotes, préparation des avions à un standard à peu près commun (il existe de multiples versions du F16 qui a commencé sa vie opérationnelle en même temps que le Mirage F1 français) et mise en place des équipements nécessaires pour entretenir ces avions sophistiqués sur des bases ukrainiennes : l’agenda opérationnel d’un tel déploiement en Ukraine ne commencera pas réellement avant la fin de l’année 2023, plus vraisemblablement en 2024. 

Autrement dit, l’impact de cette annonce se situe dans le temps, elle confirme le soutien durable des alliés (une quinzaine de pays sont impliqués, la France y compris sur les sujets de préparation) qui affichent ainsi que la Russie ne pourra pas l’emporter, même en faisant durer… Cependant, l’offensive en cours ne bénéficiera pas de ces F16. 

Le F16 est le Leopard2 des avions de combat

Polyvalent, performant et disponible en nombre, le F16 est un peu l’équivalent du char Leopard2 pour les avions de combat. Il apportera aux forces ukrainiennes une des dernières composantes qui leur manquaient encore, celle d’une flotte aérienne moderne…

Les ukrainiens disposent en effet d’une importante capacité de drones et plus marginalement de missiles, mais les aéronefs sans pilotes  – les drones en langage courant – restent (encore) limités dans certains domaines, en particulier dans la capacité à intercepter d’autres avions et à mener des frappes massives dans la profondeur du champ de bataille ou au-delà. 

Et comme pour le Leopard2, l’arrivée des F16 ne changera pas pour autant le rapport de forces dans cette guerre, mais elle sera bien utile aux Ukrainiens. 

Les F16 sont capables de tirer une très large panoplie d’armements, alors que la flotte ukrainienne vieillissante, héritée de l’ère soviétique, ne peut le faire qu’avec des bricolages qui font perdre en efficacité et en portée, comme pour tirer les redoutables missiles air-sol Scalp / Storm Shadow livrés par les Français et les Britanniques. 

Les Pays-Bas, le Danemark et probablement la Norvège sont les premiers de ces pays alliés à officialiser la livraison de F16. Celle-ci embarque en réalité un consortium beaucoup plus large dans lequel les Etats-Unis jouent un rôle clef, notamment pour les équipements et les armements qui seront fournis aux Ukrainiens. 

Au risque de me répéter, la France gagnerait, pour le principe et ne pas être toujours décalée, à annoncer la livraison de Mirage 2000 – même si la solution est compliquée à réaliser – plutôt que de laisser déblatérer l’ancien président Sarkozy sur les bienfaits de la Russie poutinienne…


Bombardement sanglant de Tchernihiv le 19 août 

L’actualité va si vite et les drames se succédant à une telle cadence dans cette guerre déclenchée par la Russie de Poutine qu’il est parfois nécessaire de faire un « arrêt sur image ». 

Samedi dernier, le 19 août, Les armées russes ont lancé une frappe de missiles au milieu de la journée sur le centre-ville de Tchernihiv, après avoir effectué une série de frappes de drones Shahed pendant la nuit. Les troupes de Poutine ont frappé le théâtre Taras Shevchenko au cœur de la ville, tuant 7 personnes et en blessant 117, un massacre. Des sources russes ont affirmé qu’un missile balistique Iskander-M avait été utilisé. 

Le théâtre accueillait une exposition de drones appelée « Lyuti Ptashky » (Angry Birds), qui s’était déjà produite dans d’autres villes ukrainiennes. De nombreux milbloggers russes ont d’abord affirmé que les armées russes avaient ciblé un bâtiment du service de sécurité ukrainien (SBU), avant que la plupart n’indiquent que les forces russes avaient frappé l’exposition de drones.

La Russie, avec cette frappe, visait bien l’exposition de drones et son public. En utilisant une arme surpuissante avec une charge militaire de l’ordre de 500 kg (l’équivalent de 10 obus d’artillerie explosant au même endroit et en même temps), les troupes de Poutine savaient qu’elles allaient commettre des dégâts considérables. 

Poutine venait de tenir une réunion avec Choïgou, le ministre de la défense et plusieurs généraux en charge du front en Ukraine. Il a donc probablement donné son aval à cette frappe qui aurait eu pour équivalent un bombardement ukrainien sur le parc des expositions des matériels capturés par les Russes à Moscou, ce que les Ukrainiens ont toujours refusé de faire. 

En frappant en pleine journée, Poutine validait le principe de faire essentiellement des victimes civiles. Quant aux influenceurs russes, ils ont d’abord essayé de justifier ce bombardement en affirmant qu’il visait une réunion militaire, avant d’expliquer face à de telles évidences que l’exposition de drones était une cible légitime. Certains regrettaient même qu’un deuxième missile n’ait pas été lancé en décalage pour faire plus de victimes, ce qui donne une idée du niveau de violence dans leur état d’esprit. 


L’échec de la mission russe sur la Lune

Sans m’y attarder, je voudrais signaler néanmoins l’échec de la mission Luna, une sonde envoyée « en grande pompe » vers la lune par la Russie pour démontrer sa maîtrise de l’espace…




La chute de Prigojine, « descendu » par son ami Poutine


J’aborde en dernier l’événement le plus spectaculaire de la semaine mais moins important en termes opérationnels que cette percée en cours sur le front en Ukraine : la « chute » de Prigojine, le chef mafieux de la société Wagner. 

Prigojine a été abattu en plein vol dans le ciel russe le 23 août entre Moscou et Saint-Petersbourg, deux mois après sa tentative d’insurrection armée contre son maître, Vladimir Poutine. 

Cet ancien bandit était devenu, pour le compte de « l’Etat russe », le chef d’une tentaculaire société incluant une milice privée, Wagner, aussi violente que mafieuse. Une partie de son « état-major » wagnérien a d’ailleurs été éliminée avec lui. 


L’avion qui volait à 8,000 m d’altitude s’est disloqué en vol suite à une, voire deux explosions (la deuxième pouvant être une conséquence de la première). L’hypothèse la plus probable est que l’avion de Prigojine ait été abattu par un missile tiré par l’armée russe. 

Lire aussi l’article Air&Cosmos par Xavier Tytelman 

Cependant, l’explosion pourrait être aussi le fait d’une bombe disposée à l’intérieur de l’avion. Mais au fond, cela n’a pas tellement d’importance dans la mesure où il est établi que l’avion de Prigojine s’est disloqué suite à une explosion provoquée intentionnellement, ce qui relève bien d’une exécution. 

Il est peu vraisemblable que l’enquête menée par les autorités russes ne conclut autre chose qu’à un « accident », d’un type finalement assez courant en Russie pour toute personne constituant une menace pour Poutine. 

Police officers block a road near the site of crash of a private jet linked to Wagner mercenary chief Yevgeny Prigozhin in the Tver region, Russia, August 23, 2023. REUTERS/Alexander Paramoshin

Il est probable aussi que l’exécution ait eu lieu seulement deux mois après les « faits reprochés » – la tentative d’insurrection armée – pour laisser le temps au KGB/FSB (dont Poutine est issu) de s’assurer que des proches de Prigojine ne puissent pas déclencher une nouvelle action contre le Kremlin. Le temps nécessaire pour savoir qui il fallait neutraliser dans la direction de Wagner et dans ce cercle, flou mais sans doute étendu, des soutiens à l’insurrection du 24 juin dernier. 

Lire aussi : Prigojine chute, Poutine vacille, ses lignes militaires aussi

La société Wagner a d’ores et déjà été confiée à un autre « parrain » proche de Poutine, et ses différents secteurs seront repris par d’autres « sociétés amies » ou disloquées, comme l’avion de Prigojine. 

Lire la réponse synthétique de Benoit Vitkine sur l’avenir de Wagner


Quant aux mercenaires eux-mêmes, ceux qui ne s’étaient pas encore « recyclés » dans d’autres activités ou dans d’autres milices privées, ils n’auront plus qu’à le faire, le message porté par l’exécution de leurs chefs est très clair. 

Le jour de l’exécution de Prigojine et de quelques-uns de ses lieutenants, le général Sourovikine qui était probablement son plus proche allié dans l’armée russe, a été démis officiellement de ses fonctions, il est d’ailleurs « aux arrêts »…

Comme l’a rappelé le président américain Joe Biden, à propos du crash de l’avion de Prigojine, « Peu de choses ne se passent en Russie sans que Poutine n’y soit pour quelque chose ».

Un Poutine qui sature d’ailleurs l’espace médiatique russe ces dernières semaines pour démentir tout soupçon de faiblesse ou de peur…


Et avec un cynisme aussi effarant qu’effrayant, dans une scène digne de Scarface, Vladimir Poutine commente la disparition de son ami Prigojine comme si de rien n’était, alors qu’il vient tout juste de le (faire) descendre. 

Cela fait aussi penser à Agamemnon, cette pièce antique dans laquelle Eschyle observe combien celui qui règne par la brutalité est destiné à finir par l’épée…

La chute de Prigojine n’est-elle pas à l’image de l’avenir de Poutine, ce mafieux qui s’est pris pour un Tsar ? Sa guerre contre l’Ukraine est perdue et sa survie au pouvoir entraîne la chute de ceux qui se croyaient ses amis. 




Pour approfondir sur la guerre des drones, lire l’analyse très pertinente de Cedric Pietralunga (Le Monde)

L’article en pdf pour ceux qui n’ont pas la chance d’être abonnés au Monde


Pour approfondir sur l’offensive actuelle, lire l’interview de Michel Goya dans L’Express


Suivre la situation sur le front avec Macette Escortert

20 commentaires sur “L’offensive en Ukraine est « on course », Prigojine en Russie est « descendu » par son ami Poutine

  1. En me relisant , je sursaute ! J’aurais dû écrire  » l’ancien officier qu’il est  » ou me contenter d’écrire  » l’officier qu’il était »…Me voilà contrarié par moi-même…on ne devrait jamais… se relire !

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  2. Bonjour. La nouvelle du jour : Robotyne est aux mains des ukrainiens. La question est donc la suivante, quelle est la direction maintenant. Melitopol ou un autre accès à la mer d’Azov? Ou tout simplement les lignes d’approvisionnement russes?
    J’en profite pour célébrer la magnifique medaille d’or ukrainienne au saut en hauteur, hier soir à Budapest, au championnats du monde d’athlétisme.

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  3. Bonjour,

    J’ai vu que vous aviez l’air de reprocher sa sortie au président Sarkozy, aussi j’espère que je ne me ferai pas rabrouer en vous posant cette question, naïvement et de bonne foi, mais pourquoi la neutralité de l’Ukraine ne serait pas une solution ?
    Les Russes disent, en gros que c’est leur zone d’influence, et les Européens la même chose, en disant que « l’Ukraine c’est l’Europe ».
    Les Ukrainiens, et on les comprend, ne voudront certainement plus de ce statut qu’ils ont eu longtemps, et ils sont évidemment libres de cela, je ne le remets pas en question. Mais, à moins q’il y ait des changements majeurs en Russie (et sans doute assez dangereux pour la sécurité de l’Europe, avec le problème du nucléaire en sus), on est amené à penser que la Russie ne changera pas de position non plus. Avoir à sa porte un pays si proche culturellement et qui offrirait un contre-exemple démocratique à la dictature russe est certainement vu comme une menace côté Russe, probablement à raison.
    De ce point de vue, la solution d’une neutralité ne semble pas illogique politiquement, même si elle est moralement terrible. On nous dit que ça serait « faire le jeu de Moscou », ce que j’ignore, mais je ne crois pas qu’une analyse de la situation devrait se préoccuper du fait que la Russie apprécie ou pas, mais devrait se faire dans l’absolu : froidement et indépendamment de telle ou telle réaction.
    Et c’est à peu près la même chose au sujet de l’OTAN. On nous dit « la seule garantie pour l »Ukraine c’est l’article 5 », tout en ne se rendant pas compte que le corollaire de cette affirmation, c’est donc que tous « les pays qui sont dans l’OTAN ne risquent rien », soit « la Russie n’est pas une menace crédible », et donc, pourquoi accepterions-nous dans l’OTAN un pays qui est en conflit avec son voisin (nucléaire) si l’on admet cela ? Qu’est ce que cela ajoute à notre sécurité ? J’ai du mal à saisir…ce qui est grosso modo la thèse d’un Kissinger ou d’un Mearshimer de l’université de Chicago (tenant de la tradition du réalisme offensif des relations internationales)
    Je sais que vous n’êtes pas d’accord avec cela, mais encore une fois, c’est de bonne foi que je pose ces questions et sans provocation. J’apprécie la lecture de vos articles, même sans partager toutes vos opinions.

    Bien cordialement,

    Inès

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    1. Bonsoir Inès,
      Votre question sur la neutralisation de l’Ukraine est souvent posée, mais je ne crois pas qu’elle soit à l’origine de cette guerre. Contrairement à ce que Poutine essaye de raconter – ou plutôt de faire raconter –, l’Ukraine n’a jamais été une menace pour la Russie et il n’était pas question qu’elle rentre dans l’OTAN tant qu’elle était en conflit avec la Russie.
      Ce qui change tout, c’est que Poutine ait déclenché l’invasion de l’Ukraine en croyant probablement plier le sujet en quelques jours ou quelques semaines.
      Désormais nous sommes face à un dilemme : soit nous « neutralisons » l’Ukraine et cela revient de fait à une victoire de la Russie de Poutine, soit nous empêchons Poutine de gagner au prix d’une guerre sanglante pour l’Ukraine mais qui détermine sans doute notre propre avenir.
      En fait, nous n’avons pas vraiment le choix…

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    2. Il me semble que le « raisonnement » sur la neutralité ne trouvera pas sa place dans le vécu des Ukrainiens. De même que par raisonnement on n’éliminera pas la paranoïa russe de se sentir menacé par l’Occident.
      Cela me fait penser aux errements de la géopolitique française au Rwanda qui envisageait de créer un Hutuland et un Tutsiland. Cela ne correspondait à rien pour les Tutsi, ni d’ailleurs pour les Hutu qui eux ne voulaient plus de Tutsi du tout. C’était un raisonnement platonique, désincarné, de l’extérieur. Le problème est semblable en Israël/Palestine avec le raisonnement occidental de deux états … ça ne marche pas du tout. Les Israéliens ont fait la démonstration qu’ils appliquaient un seul Etat, israélien, et les Palestiniens qu’ils n’en voulaient pas. Des Israéliens et des Palestiniens, très peu nombreux, commencent à suggérer un seul état, mais laïc. Peut-être auront-ils plus de chance ?
      Il faut se méfier des raisonnements désengagés.
      Pour moi la suggestion de Monsieur Sarkozy a du faire sourire de contentement le Kremlin. Il s’agit en fait d’imposer à l’Ukraine l’état de fait obtenu par les armes. Est-il concevable que la mer d’Azov et la mer Noire deviennent des lacs russes ? D’autres pays ne l’accepteront pas non plus. Monsieur Sarkozy est-il libre vis-à-vis de Monsieur Poutine ? D’autres hommes politiques français ont des raisonnements analogues. Comment Poutine a-t-il pu ainsi faire tourner ces têtes en sa faveur, comme celle de Trump ? C’est inquiétant.

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      1. > Les Russes disent, en gros que c’est leur zone d’influence

        Oui.

        > et les Européens la même chose, en disant que « l’Ukraine c’est l’Europe ».

        Non.
        Les européens n’ont jamais rien «dit» de tel.

        Ceux sont les ukrainiens qui regardent vers l’ouest et c’est l’agression russe qui a fait tourner le regard des européens vers l’Ukraine.
        Le choix appartient aux ukrainiens, pas aux russes.

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    3. Chère Inès,
      Si il y a une chose incontestable qu’on peut constater, c’est que l’histoire se répète. Les exemples dans ce conflit en sont tristement légion. Et je suis bien navré d’admettre qu’un des derniers en date est la réaction de Mr Sarkozy, comparé à juste titre par le Général Richoux à notre Daladier ou Chamberlain moderne…
      Or, l’Histoire nous a toujours montré la meilleure attitude à adopter avec la Russie: une main tendue, une batte dans dos, prête à frapper. Dommage qu’on n’ait pas retenu la leçon sur ce point, et depuis plusieurs années…

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  4. essayant de me faire un avis sur la situation en Ukraine
    je « picore » les infos entre les blog de Michel Goya, les tweets de Cédric Mas et votre Blog
    comme d’habitude, j’apprécie vos analyses qui peut être aussi vont dans le sens de mon optimisme
    même si je n’oublie pas que la situation sur le terrain est aussi la réalité du nombre de morts, de mutilés, etc…
    et une fois de plus avec la sortie de l’ex président à talonnettes, on mesure combien la guerre informationnelle menée par poutine depuis des décennies contre l’occident, à permis de répandre l’idée que si on avait écouté les demandes de poutine, et bien, la guerre en Ukraine ne serai pas arrivé
    on mesure l’esprit de Munich version 2023

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  5. Bonjour, le Monde de ce samedi laisse entendre que les Russes pourraient lancer une grande contre offensive dans la région de Lyman (d’après les services anglais)
    Qu’en pensez-vous ?

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  6. Un grand merci pour vos analyses tellement éclairantes et qui permettent de démêler un flux d’informations souvent contradictoires, et de suppléer les faiblesses, ou les partis pris pro russes de la presse française et d’une partie de notre intelligentsia.
    Bien cordialement..
    Serge Lamielle

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  7. « La chute de Prigojine, « descendu » par son ami Poutine »…

    Je reconnais que c’est l’interprétation la plus satisfaisante. Mais j’observe que Prigojine avait quatre ennemis majeurs :
    1 Vladimir Poutine qu’il a trahit
    2 Shoîgou, haine psychotique
    3 Les américains à cause de la manipulation de l’élection de Trump par sa ferme à trolls qui risquait de menacer aussi les prochaines élections
    4 La France à cause de l’Afrique.

    Je remarque que les américains affirment péremptoirement, selon LCI, que l’avion fut explosé par une bombe placée dans l’avion, sans avoir enquêté et donc sur la base de leurs renseignements. Ils sont peut-être aussi bien renseigné que peut l’être un auteur de l’attentat. Et le fait de l’affirmer d’emblée veut peut-être signifier aux Russes qu’ils sont les auteurs, pour mieux déstabiliser le régime. Une fragilité de plus ! Une insécurité de plus pour Poutine.
    Le comportement de Poutine ne semble pas « habituel » en de telles circonstances. Il en parle dès le lendemain d’une façon mitigée, mais sans chercher à démentir qu’il en serait l’auteur. Alors que quand c’est certainement lui, il dément farouchement. Il semble un peu dépassé par l’événement.

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  8. Encore un post très attendu, étayé et très clair. Il fourmille de pleins d’informations diverses et donne un peu d’espoir pour une bonne issue pour l’Ukraine.
    Merci beaucoup Guillaume pour tout ce travail.
    J’attends le suivant avec impatience.

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  9. Je lis avec intérêt vos analyses et vous écoute toujours avec attention lors de vos interventions dan s des émissions de télévision.
    J’apprécie parfaitement le travail de sensibilisation et d’information sur les questions militaires que vous avec entrepris quelques temps déjà.
    Il est grand temps que tous nos concitoyens s’intéressent davantage aux questions géopolitiques d’une part, aux questions de défense nationale d’autre part.
    Pour ce qui me concerne vous faites oeuvre utile.

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  10. Bonjour,
    Je lis régulièrement vos posts qui sont quand même contredit régulièrement par d’autres sources….
    On sent quand même un avis très orienté…
    Qui vivra verra…le résultat
    Après tout, il suffit d’y croire, n’est ce pas ?

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    1. Personne n’a de boule de cristal et les prévisions en politique comme dans un conflit militaire ne relèvent pas d’une science exacte.
      Je pense que Guillaume Ancel émet parfois des hypothèses qui lui paraissent les plus plausibles et il n’a jamais garanti leurs réalisations. C’est cela également qui me parait utile dans sa démarche, car il nous contraint a cherché nous-mêmes d’autres sources et à confronter toutes les informations disponibles.
      Personnellement cela me convient pour réussir à me faire une opinion personnelle sur ce qui se passe sans pour autant la prendre pour une vérité à mon tour. Par ailleurs, il n’a jamais prétendu détenir la vérité et exprime généralement un sentiment, une opinion donc, qu’il appuie sur les informations dont il dispose et qu’il met en perspective avec les qualités d’analyse de l’ancien officier qu’il est.

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