Au quatrième mois de cette guerre d’invasion contre l’Ukraine, ce serait une erreur de penser que ce conflit s’est installé, voire enlisé. Les médias peinent à décrypter les événements actuels, car ils sont très différents de ceux qui ont animé les mois précédents.
Le soutien apporté principalement par les Etats-Unis permet désormais à l’Ukraine de se battre et de battre une armée russe qui a fait la démonstration de sa faiblesse.
Vladimir Poutine en a probablement pris conscience et il a accéléré cette guerre, qu’il avait déclenchée en février, pour ne pas la perdre
Son armée étant en difficulté, il recourt à un principe clef dans « l’art de la guerre », la concentration des efforts et donc des forces qui lui restent.
En regroupant la puissance de feu de son armée sur une petite enclave du Donbass, il parie sur une conquête rapide, même si elle doit lui coûter la plupart des autres objectifs qu’il poursuivait. Car en agissant ainsi, il renonce à étendre ses conquêtes et il devra « se contenter » de gains réduits, notamment par rapport au territoire que les milices pro-russes contrôlaient déjà dans l’Est du pays, tandis qu’il se démunit sur tous les autres fronts.
A cet endroit où se concentrent « tous les feux », les Ukrainiens ne peuvent pas résister au déluge d’obus, de roquettes, de missiles et de bombes qui précède le rouleau compresseur à la soviétique. Sauf à se faire laminer, ils doivent céder du terrain, dévasté par les Russes. Leur seule véritable capacité de riposte consisterait à attaquer sur les autres fronts que le Donbass, dégarnis par les Russes, au nord dans la région de Kharkiv et au Sud dans la région d’Odessa.

Il est probable que cette précipitation russe et cette concentration de leur offensive présagent de la volonté de Poutine d’arrêter cette guerre, en réalité juste avant que le front ne se retourne contre lui.
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C’est une course contre la montre dans laquelle le maître actuel du Kremlin s’est engagé, bien plus que dans une guerre de tranchées au fond de laquelle il ne peut que s’effondrer.
Et si dans les jours ou les semaines qui viennent, Poutine annonce vouloir stopper ici cette guerre, le conflit rentrera alors dans une autre phase, celle d’une négociation complexe et lourde de conséquences
Les Ukrainiens voudront, malgré ou à cause des pertes subies, reconquérir l’intégralité de leur territoire, tandis que les Européens voudront au contraire les arrêter pour stopper la guerre dont ils mesurent les conséquences délétères, pour leur propre sécurité comme pour leur prospérité qui sont intimement liées.
Les Américains pousseront les Ukrainiens à aller plus loin, mais ils savent aussi que si Poutine devait s’arrêter sur une prise aussi faible, et pour l’essentiel ravagée par les destructions qu’il a ordonnées comme à Marioupol, son échec en Ukraine lui coûtera son pouvoir et sans doute plus.
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Le pouvoir de Poutine repose en effet sur la terreur qu’il inspire et sur une autorité absolue qui sera dès lors remise en cause par son propre régime, puisqu’il aura objectivement échoué
Poutine aura failli à prendre le contrôle de l’Ukraine, alors qu’il avait réussi en Biélorussie.
Il aura démontré que « son armée », dans laquelle il avait pourtant surinvesti, est une faillite à l’image sans doute de l’économie et de la société russe.
Sa guerre contre l’Ukraine a mis en lumière une armée sous-développée, dont les soldats ont des comportements de soudards, essentiellement capables de tueries, de viols et de pillages qui en disent long sur la faiblesse de leur entraînement et l’absence d’encadrement.
La stratégie, ou plutôt les stratégies déployées au cours de cette guerre sont des échecs successifs. La tentative de décapitation du gouvernement Zelensky a fait perdre aux Russes des centaines de soldats de leurs rares « unités d’élite » et la seule possibilité d’imposer par surprise leur ordre au reste du Monde.
L’offensive sur Kiev fut un échec retentissant qui imposa même un « repli stratégique ».
Et la grande offensive sur le Donbass se terminerait alors sur une victoire à la Pyrrhus, un gouffre pour ce qui restait des capacités militaires russes.
L’échec politique de Vladimir Poutine est encore plus flagrant : il a « réussi » à remobiliser les Etats-Unis contre la Russie, alors que les Américains doutaient de leur propre force après les années désastreuses de Donald Trump et le retrait pitoyable de l’Afghanistan.
Poutine aura de même soudé l’Europe contre cette guerre, muselant jusqu’aux leaders d’extrême-droite qui se vantaient pourtant de leur proximité, comme Orban en Hongrie ou les candidats à l’élection française, Marion Le Pen (son vrai prénom) et Vladimir Zemmour (là, c’est une coquille).
Mais l’échec le plus terrible pour Poutine est évidemment l’élargissement de l’OTAN dont il avait prétexté pour déclencher son « opération militaire spéciale » contre l’Ukraine, bien que celle-ci n’avait aucune chance d’intégrer l’Alliance atlantique tant que le conflit avec la Russie n’était pas réglé.
Avec cette guerre, la Suède et la Finlande ont enclenché leur adhésion à l’OTAN, après des décennies de culture de neutralité, car désormais la Russie de Poutine les effraye sans condition.
La Chine, elle, observe attentivement nos réactions et notre détermination, alors qu’elle se verrait bien reprendre Taïwan par la force…
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