Soutien de l’Elysée aux génocidaires du Rwanda, Hubert Védrine n’est pas au courant « des détails »

[publié le 11 mars 2019, mis à jour le 5 décembre 2021]

Je crois que je n’aurais pas aimé rencontrer trop souvent Hubert Védrine tant j’apprécie mal les décideurs politiques qui sont incapables de reconnaître la réalité et, plus encore, leur responsabilité.

Le rôle clef de l’Elysée dans le soutien au gouvernement rwandais qui commet le génocide

Hubert Védrine était le secrétaire général de l’Elysée du président François Mitterrand lorsque celui-ci décida d’engager la France dans une guerre au Rwanda contre les Tutsi qui allait nous amener à soutenir de fait les derniers génocidaires du XXème siècle.
Cela commença par la formation et l’engagement au combat aux côtés de l’armée gouvernementale, exclusivement hutu, alors même qu’elle affichait sans scrupules ses intentions criminelles.

L’Elysée devait aussi décider de livraisons d’armes qui continuèrent quand les extrémistes hutu s’emparèrent du pouvoir le 7 avril 1994 en assassinant le président Habyarimana parce que ce dernier avait accepté de faire la paix avec leurs ennemis. Et tant pis si ce nouveau « gouvernement » faisait exploser les accords de paix d’Arusha que Paris prétendait avoir soutenus.

Les extrémistes hutu au pouvoir à Kigali déploient leur solution finale, un génocide implacable qui mobilise plus d’un million de tueurs pour exterminer ceux qu’ils qualifient de cafards. La DGSE en informe méthodiquement Paris, mais l’Elysée continue à soutenir ce gouvernement allié jusqu’à déclencher une intervention militaire, l’opération Turquoise, pour essayer de les remettre en place quand ils perdent pied face aux soldats du FPR.

Faute d’y parvenir et toujours en s’abritant derrière un paravent humanitaire, l’intervention militaire française, pilotée par l’Elysée, protège la fuite de ses alliés génocidaires vers le Zaïre, pour qu’ils puissent continuer leur « résistance » après avoir massacré un million de Tutsi (hommes, femmes, enfants, bébés, vieillards) en trois mois et dix jours.

Mais il ne s’agirait que de « détails » dans l’esprit d’Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée

C’est ce que j’ai en tête quand j’aperçois Hubert Védrine, l’homme sans qui rien ne pouvait se faire à l’Elysée, mais qui préfèrerait être oublié lorsque le sujet du rôle de la France dans le génocide des Tutsi est abordé.

J’ai relaté cette rencontre dans mon témoignage Rwanda, la fin du silence :

«  La Rochelle, Charente-Maritime (sud-ouest de la France). Samedi 30 août 2014
[…]
En quittant les lieux, nous tombons nez à nez avec Hubert Védrine, qui dédicace son dernier livre dans le hall d’entrée du centre de conférences. Accompagné de quelques participants au débat, j’essaie d’accéder à l’ancien secrétaire général de l’Élysée.
Hubert Védrine me demande pour qui il doit dédicacer son livre. Je propose plutôt de lui offrir mon roman, Vents sombres sur le lac Kivu, avec une dédicace adaptée au rôle central qu’il a joué dans cette crise…
Je ne m’attendais pas à ce qu’il appelle la sécurité, mais je suis tout de même étonné par sa réaction : souriant, sûr de lui, c’est un sémillant ancien ministre des Affaires étrangères qui me répond, nullement décontenancé de se retrouver face à l’un de ceux qui affirment que sa version officielle de l’opération Turquoise est une fable.

Hubert Védrine me remercie même de ce livre qu’il lira avec intérêt… et m’explique « qu’ils ont tout fait à l’époque pour amener les deux parties à négocier ».
Son analyse, raccourcie mais pleine de conviction, m’interpelle. La volonté d’amener les deux parties à négocier expliquerait-elle les actions auxquelles j’ai participé et qu’il s’évertue pourtant à nier ?
Je lui demande si cela justifiait d’aller se battre contre le FPR, comme j’en ai reçu l’ordre le 30 juin, en pleine crise de Bisesero, au 83e jour du génocide.
Mon interlocuteur est un peu moins à l’aise. Il me répond « qu’il n’est pas au courant des détails ».
Est-ce un détail d’avoir fait livrer des armes en pleine mission humanitaire à des forces qui venaient de commettre un génocide, comme j’en ai été témoin en juillet 1994 ?
La conversation se brise. Il penche la tête de côté pour rechercher d’éventuels lecteurs en attente d’une dédicace mais il ne trouve qu’une militante socialiste pour lui demander s’il accepterait une commission d’enquête sur le sujet.
Alors Hubert Védrine se fige,
– Je refuse de répondre à cette question, et il met fin aussitôt à notre discussion. »

(Extrait de Rwanda, la fin silence, les Belles Lettres, collection Mémoires de guerre, Paris, 2018)

Ce qui me frappe, aujourd’hui plus que jamais, c’est l’arrogance de son comportement quand il est prouvé qu’il avait été parfaitement informé de la réalité de l’engagement de l’Elysée et qu’il essaye encore d’inverser les responsabilités dans le génocide des Tutsi.

Mais ce sont ses mots qui m’ont le plus choqué, lorsqu’il a utilisé cette notion de « détails » pour parler de ces faits qui touchent pourtant au crime des crimes : « Je ne suis pas au courant des détails ».
Comme s’il y avait des détails dans un génocide, comme s’il s’agissait d’un détail d’avoir soutenu des génocidaires.

6 commentaires sur “Soutien de l’Elysée aux génocidaires du Rwanda, Hubert Védrine n’est pas au courant « des détails »

  1. La réplique d’Hubert Védrine: « Je ne suis pas au courant des détails… », s’inscrit en droite ligne de la déclaration de F. Mitterrand durant le génocide des Tutsi au Rwanda: « Vous savez, chez ces gens-là un génocide, ce n’est pas très important ». Quand on a été à une belle école, on n’en oublie pas les fondamentaux.

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  2. La valeur d un homme se mésure par sa façon de faire face à la réalité de la vérité. Chez nous au Rwanda un proverbe dit que la verité passe par le feu et ne se brule pas. Courage Ancel ,

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