L’offensive en Ukraine : où peut mener la percée de Robotyne ?


Comme annoncé précédemment, l’Ukraine a remporté ses premiers succès dans son offensive, notamment en s’emparant de Robotyne. Un village insignifiant par rapport aux espaces qui restent à reconquérir par les Ukrainiens, mais un point clef dans leur tentative de percer une brèche dans cette immense digue érigée par les Russes pour les empêcher de passer. 

Territoires libérés par les forces ukrainiennes dans la région de Zaporijia @PouletVolant3

Lire aussi : premiers succès ukrainiens dans leur offensive

L’offensive ukrainienne continue bien sûr, en particulier au sud de Robotyne et en direction de Verbove. Se pose maintenant la question des suites possibles de cette percée, que je vais essayer de résumer sans les caricaturer. 

Situation front Robotyne le 01 sept 2023 (ISW)




« Objectif Crimée » : scénario d’une débâcle des armées de Poutine

C’est le scénario d’un succès, celui que la coalition des plus de cinquante pays qui soutiennent concrètement la résistance ukrainienne espère : une fois la digue percée, les forces ukrainiennes auraient encore suffisamment d’énergie et de réserves pour « exploiter » cette percée et pour submerger les troupes de Poutine. 

Trois facteurs sont favorables à ce scénario : 

1.La formidable motivation des combattant(e)s ukrainiens qui ne s’accorderont aucun répit s’ils arrivent à traverser cette digue érigée par les Russes.

2.La rigidité de cette digue qui est devenue du fait de son ampleur (1,000 km de long sur environ 30 de largeur) une ligne Maginot raide et « immobilisante » pour les troupes de Poutine. Cette digue, que les armées russes sont obligées d’occuper sur toute sa longueur pour éviter d’être débordées, phagocyte l’essentiel de leurs moyens et devient maintenant d’une grande fragilité du fait de sa rigidité.
Si elle est traversée, si une brèche permet aux forces ukrainiennes de s’engouffrer de l’autre côté, les Russes ne disposeront que de moyens très limités pour organiser un nouveau système de défense derrière cette digue. Autrement dit, si la digue cède, le dispositif craque. 

3.Plus encore, les armées russes sont épuisées par cette « opération militaire spéciale » qui ne devait durer que quelques semaines. Bien sûr que les forces ukrainiennes sont fatiguées aussi par cette guerre qui dure maintenant depuis 18 mois, mais – elles – savent pourquoi elles se battent tandis que les troupes de Poutine ne l’ont jamais su : moral en berne, approvisionnement déficient, commandement lacunaire et d’une rare brutalité, les troupes de Poutine sont aussi érodées que la digue attaquée depuis 12 semaines maintenant par les Ukrainiens. 

Les militaires russes tiendront vraisemblablement tant que le mur tiendra aussi. Si une brèche est percée, il est probable qu’une partie des militaires russes parte en débâcle, comme la glace sur une rivière dès lors qu’elle s’est fendue, et que plus rien ne peut en recoller les morceaux. Comme les unités russes à Kherson en novembre dernier qui n’avaient pas de ligne derrière laquelle se retrancher et tenir. 

Lire aussi : 11 novembre 2022, libération de Kherson

C’est ce scénario qu’appellent de leurs vœux les Ukrainiens quand ils déclarent que leur « objectif est la Crimée », alors que celle-ci se trouve encore à plus de 200 km du front qu’ils peuvent espérer percer. Viser « la Crimée », c’est afficher leur optimisme et miser sur la débâcle des troupes de Poutine éreintées par ce conflit d’une violence inouïe. 

Scénario d’une percée menant à une débâcle russe


L’asphyxie : le dangereux scénario d’étranglement des forces

Mais si débâcle il n’y avait pas, la percée des forces ukrainiennes déboucherait sur une avancée où chaque km serait à reconquérir par des combats acharnés. Or, il reste seulement jusqu’à octobre pour mener des combats offensifs sans être enlisés par les pluies qui reviendront à l’automne, soit 8 semaines encore « jouables » pour cette offensive, après 12 semaines de combats beaucoup plus intenses que nous ne l’avons perçu. 

Dans cette hypothèse d’avancée limitée, il est probable que les Ukrainiens étouffent une partie du dispositif russe, en tout cas toute la moitié sud de l’invasion déclenchée par Poutine. 

C’est ce scénario que décrit très bien Cédric Pietralunga, journaliste pour Le Monde

« Le principal objectif de la contre-offensive ukrainienne est de couper le « pont terrestre » qui relie la Russie à la Crimée, et ainsi d’asphyxier les forces de Moscou présentes dans le sud du pays, dans l’oblast de Zaporijia, mais aussi dans la péninsule annexée par la Russie en 2014, que les Ukrainiens ne désespèrent pas de reconquérir. A l’heure actuelle, quelque 80 à 90 kilomètres séparent la ligne de front des rives de la mer d’Azov. Si les Ukrainiens arrivent à s’y frayer un chemin depuis Robotyne, tout le sud du champ de bataille pourrait s’en trouver bouleversé.

Depuis quelques jours, plusieurs commentaires estiment qu’il n’est pas nécessaire d’atteindre la mer d’Azov pour couper cet approvisionnement : il suffit de le maintenir sous la menace des tirs d’artillerie et de lance-roquettes multiples. » 

Ce succès partiel qui conduirait à un étranglement progressif des troupes russes devrait cependant être tempéré par deux aspects plutôt négatifs :

La portée de l’artillerie est de 20 km inférieure à celle affichée théoriquement parce que les canons ou les lance-roquettes – qu’on appelle « pièce d’artillerie » – seraient sinon trop dangereusement exposés aux tirs de contre-batterie (la batterie est un ensemble de pièces d’artillerie, la « contre-batterie » consiste à les détruire). Pour couper ce « pont terrestre » décrit précédemment, il faut que la ligne de front ne soit éloignée pas plus de 40 à 60 km de l’objectif le plus lointain. Or cette ligne est encore aujourd’hui entre 80 et 90 km, ce scénario nécessiterait donc une avancée de l’ordre de 30 km vers le sud, ce qui n’est pas évident si l’on tient compte du facteur suivant, l’enfermement.

Lire aussi : les armements utilisés dans la guerre contre l’Ukraine

L’autre moderato à ce scénario d’étranglement est en effet le risque d’être pris sous les feux d’artillerie russe qui restent beaucoup plus importants numériquement que ceux des Ukrainiens et qui, du côté nord, peuvent encore largement se faire approvisionner en munitions… 

Des unités ukrainiennes figées dans un couloir étroit entouré par les troupes de Poutine risqueraient plus de se faire écraser par l’artillerie russe que de paralyser son dispositif grâce aux coups qu’elles pourraient porter. 

C’est le problème de l’asphyxie, menée à partir d’une position qui peut être dangereuse aussi : qui étranglerait réellement l’autre ?


L’enlisement, le scénario catastrophe qui donnerait du souffle à Poutine

C’est le scénario qu’évidemment tout le monde craint du côté ukrainien et appelle de ses vœux du côté poutinien.
L’offensive n’arriverait pas à percer, ou ne déboucherait pas réellement au-delà de la digue et elle s’enliserait avec l’automne.
Le front resterait quasiment inchangé : la Russie occupe pratiquement 100,000 km2 du territoire ukrainien, alors pourquoi continuer à se battre et abîmer autant de vies pour gagner quelques villages détruits par les bombardements incessants sur la ligne de front ?

Le front se figerait et deviendrait une ligne de démarcation, un peu comme entre les deux Corées, et le conflit perdurerait au gré d’accords insatisfaisants qui installeraient un état de guerre permanent. 

A mon sens, ce serait le pire scénario, celui qui consacrerait la violence comme une normalité et Poutine comme une fatalité.
C’est aussi ce scénario « défaitiste » que défendent sans toujours en avoir conscience ceux qui prônent d’arrêter de soutenir la résistance ukrainienne en croyant ainsi ramener la paix : ils consacreraient plutôt une victoire ignoble de Poutine et condamneraient tout espoir de retour à une paix durable 

Lire aussi : Poutine est la clef de la guerre russe contre l’Ukraine, sa chute est le préalable à toute paix durable

Alors les Ukrainiens essayent de montrer des résultats visibles – quand bien même la partie n’est pas terminée – pour rassurer des alliés qui la soutiennent tout en ne cessant de douter de l’issue des combats : aux Etats-Unis bien sûr, mais en France aussi avec les propos aussi déplacés que démago de l’ex-président Sarkozy. Ce scénario est parfaitement envisageable, il conduirait simplement à une catastrophe que celui-ci n’aurait pas à assumer… Et on se souvient de sa brillante intervention en Libye.


Guerre des missiles et des drones, la revanche de l’Ukraine

Les Ukrainiens ont développé et déployé d’intenses efforts pour retourner la guerre contre la Russie et l’atteindre partout où celle-ci se croyait intouchable. 


Cela participe aussi à cet « affichage nécessaire de résultats visibles » tandis que la digue semble immuable jusqu’ici. Les forces ukrainiennes ont ainsi conduit une attaque massive de drones et de missiles contre la Russie le 31 août.

Le 31 août, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a souligné la production nationale de missiles à longue portée par l’Ukraine, probablement dans le cadre d’une campagne coordonnée promouvant l’augmentation des capacités de frappe ukrainiennes contre les zones arrière russes. Zelensky a déclaré qu’une arme à longue portée produite en Ukraine avait réussi à atteindre une cible située à 700 kilomètres de distance, mais n’a pas fourni plus de détails sur la frappe ou sur l’arme. Le secrétaire du Conseil national de sécurité, Oleksiy Danilov, avait précédemment déclaré le 26 août qu’un nouveau missile de fabrication ukrainienne, non précisé, avait frappé un système de défense aérienne russe S-400 en Crimée le 23 août. (Source ISW)

Il s’agit vraisemblablement d’un missile anti-navire transformé par les Ukrainiens, comme expliqué dans cet article de War Zone, pour frapper des cibles avec une précision acceptable jusqu’à 700 km. 

Le système S-400 détruit en Crimée n’est pas anodin car c’est une pièce essentielle du dispositif de défense sol-air russe, l’équivalent moins performant du Patriot américain, crucial pour lutter notamment contre… les missiles de croisière. 

A ces missiles made in Ukraine (avec sans doute beaucoup d’aide des alliés), il faut rajouter le développement de drones en grand nombre, comme cet étonnant modèle en carton (!) difficile à détecter. 

Mais ces moyens aériens – pas plus que les F16 qui arriveront vraisemblablement début 2024 – ne renverseront pour autant l’issue des combats. Une issue incertaine – et c’est le propre de la guerre – qui inquiète et finirait presque par faire oublier pourquoi Poutine a déclenché cette guerre et ce qu’il veut obtenir même au prix de risquer toute la Russie. 


Un sujet essentiel qui ne doit pas être perdu de vue : pourquoi Poutine a attaqué l’Ukraine ? 

Vladimir Poutine a attaqué l’Ukraine le 24 février 2022 d’abord par peur de la contagion de la démocratie, par peur que la Russie qu’il dirige n’échappe à un pouvoir mafieux et tyrannique. Un correspondant ukrainien qui vit au Canada l’écrit ainsi :

« La réalité est que Poutine a peur, peur que la liberté de la société ukrainienne (où les gens peuvent s’exprimer librement, sans crainte de prison, d’empoisonnement ou de tomber par la fenêtre) soit contagieuse et risque de provoquer la chute de la dictature en Russie. Toutes les raisons invoquées par le régime sont fausses, ne sont que des prétextes nécessaires pour cacher la vraie raison, qu’en aucun cas le peuple russe ne doit comprendre. La liberté est très contagieuse, surtout du fait qu’il s’agit d’un peuple « frère ». C’est pourquoi Poutine ne considère pas l’adhésion de la Finlande à l’OTAN comme une menace : la liberté de la société finlandaise est beaucoup moins contagieuse pour la Russie. Ça n’a donc aucun rapport avec « la sécurité de la Russie », il s’agit seulement de la sécurité de sa dictature. »


Renoncer aujourd’hui à soutenir la guerre des Ukrainiens, ce serait renoncer en réalité à une paix durable et bafouer leur résistance admirable. 




Pour approfondir, lire Michel Goya : Les opérations de coups


L’analyse de Xavier Tytelman 



Point de situation par Macette @Escortert


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25 commentaires sur “L’offensive en Ukraine : où peut mener la percée de Robotyne ?

  1. un reportage du journal « Le Monde » de ce jour
    il illustre très bien, le travail de titan pour le déminage des territoires par les ukrainiens
    les russes ont pu bien se préparer depuis des mois et les « experts » occidentaux ou certains ex-présidents qui voudraient vendre l’idée que la contre offensive est un échec devrait peut être venir avec les démineurs ukrainiens pour peut être comprendre que leurs propos sont assez abjects

    https://drive.google.com/file/d/12Qb6tJJI3VqBxgYAS2KAGnvtm1HAYe8I/view?usp=sharing

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  2. Merci Guillaume pour ton travail et tes convictions, merci pour ces paroles fortes et claires.
    Je m’autorise cette image, même si tu n’es pas amateur d’alcool, tel l’alambic tu synthétises tous les ingrédients et finis par distiller l’essence de ce qui se joue.
    En l’absence de victoire de l’Ukraine et de défaite claire de la Russie c’est le droit international tout entier qui serait ébranlé. À commencer par les plus faibles, mais l’Europe elle aussi n’en sortirait pas indemne, voire n’y survivrait pas.
    Слава Україні !

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  3. Bonsoir,
    Si je partage l’essentiel de votre analyse, permettez-moi de mettre en doute 3 points :
    1- je doute de l’écroulement de l’armée russe. Ceux qui sont physiquement au combat sont les durs à cuire de la Russie profonde, habitués à vivre dans des conditions qu’on n’imagine même pas, qui non seulement ne mettent pas en cause les motifs de la guerre mais refusent même un doute politique qui ne peut qu’apporter des ennuis. Les nombreux récits historiques sur la population russe montrent qu’un échec évident ou l’absence de perspectives ne suffisent pas à un Russe pour renoncer.
    2- A la différance des tentatives d‘offensives russes de ce printemps qui ont piétiné ou échoué ce printemps, les Ukrainiens avancent, lentement mais de façon méthodique, acharnée, audacieuse, intelligente et continue. Il est improbable que le front se fige. Le déséquilibre des forces entre les 2 armées est faible mais certain.
    3- Je ne crois pas que Poutine ait peur de la liberté. Je crois que la notion même de démocratie, en simplifiant, qu’un citoyen de base ait une opinion personnelle et puisse discuter l’ordre du chef lui ait tout simplement étrangère. Son truc à lui est de reconstruire la Russie de ses phantasmes et le reste n’est que détails. Toutes ses actions depuis 25 ans visent ce but. (Ce que nous avons refusé de comprendre malgré tous les signaux). Dans son logiciel bloqué à 1945, il lui suffit de démontrer par un raisonnement tortueux que l’Ukraine n’existe pas pour trouver normal de raser une ville qui ne partage pas cette opinion. Son comportement nous semble barbare. Pourtant, nos gouvernants quand ils décidaient de « civiliser les indigènes »,il y a un petit siècle, agissaient de la même façon.

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  4. Nos Présidents démocratiquement élus ont une tendance fâcheuse à donner une préférence aux autocraties et autres dictatures avec lesquelles ils peuvent « faire de l’argent «  !!

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  5. « Vladimir Poutine a attaqué l’Ukraine le 22 février 2022 d’abord par peur de la contagion de la démocratie, par peur que la Russie qu’il dirige n’échappe à un pouvoir mafieux et tyrannique »

    Certes. Mais cela reste à prouver que Poutine craint réellement une contagion démocratique. D’ailleurs, peu de lois coercitives n’étaient vraiment intervenues avant la mobilisation de septembre 2022, surtout des mesures d’intimidation.

    La contagion démocratique a été vivement crainte en 2011-2012, lors des élections Douma, puis Présidentielle. Dans la foulée, les mouvements d’opposition ont été habilement mis au pas.

    Je vois plus la volonté de Poutine de rester dans l’Histoire russe, non pas seulement comme restaurateur d’une Russie puissante, oppulente économiquement, et crainte militairement, ce à quoi il était parvenu dès la fin des années 2000, mais comme restaurateur de la *Russie Impériale*.

    Un dessein pour lequel le soutien du peuple russe lui est acquis (hormis une minorité occidentalisée et éclairée). En cela, la conquête de la Crimée n’était qu’un amuse-gueule insuffisant pour faire figurer Poutine au rang des Pierre le Grand, Catherine II, et… Staline.

    Ne pas négliger cet aspect psycho-historique dans les décisions de Poutine.

    Ce n’est pas seulement la guerre de Poutine, c’est la guerre revancharde de la Russie Impériale.

    Fabrice

    P.S. : accessoirement, l’opération militaire spéciale a commencé le *22* février 2022. La guerre a elle commencé en février 2014 avec la prise de contrôle de la Crimée par les petits hommes verts, puis par l’invasion du Donbass.

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    1. « Je vois plus la volonté de Poutine de rester dans l’Histoire russe ». Je suis 100% d’accord avec votre analyse.

      On cherche toujours à expliquer les décisions des dirigeants par des explications complexes alors que bien souvent elles sont bien plus simples.

      Poutine a tout : le pouvoir absolu et une fortune colossale. Que peut-il avoir de plus désormais ? Rester dans les livres d’histoire.

      Agrandir leur territoire est l’ambition de tous les chefs et rois depuis la nuit des temps..Pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui ?

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      1. Le but principal de l’agression (dont les annexions sont une partie importante) est d’empêcher l’Ukraine d’adhérer à l’UE, pour qu’elle ne devienne pas un modèle auquel le peuple russe puisse aspirer aussi. L’Ukraine ne doit pas être plus libre (ce qui est déjà depuis 2014), plus prospère et avec moins de corruption que la Russie, sinon elle devient une menace trop grande pour la dictature en Russie, à cause qu’il s’agit d’un peuple « frère », à cause des relations interpersonnelles entre les membres des deux sociétés et du passé commun.

        C’est en réalité une guerre entre la liberté et la tyrannie (dont le contexte est beaucoup plus large, mondial). Ça va se voir de plus en plus au fur et à mesure que la guerre s’étendra en Russie, entre le régime et des groupes d’opposition aidés par l’Ukraine.

        La cause du problème (incluant celle de l’agression) est la nature du régime au pouvoir en Russie (mafieux, dictatorial, répressif). Toute solution véritable implique de résoudre la cause du problème, c’est à dire provoquer un changement de régime en Russie. Ça devrait être l’objectif et je pense que c’est déjà l’objectif de certains pays, dont les États-Unis, mais peut-être pas seulement, même si ce n’est pas un objectif assumé.

        Un régime qui ne permet pas le changement du pouvoir par des moyens pacifiques s’expose inévitablement à des révoltes incontrôlables ou a des coups d’état.
        C’est un régime illégitime, formé par un groupe mafieux qui a usurpé le pouvoir, a pris le peuple russe en otage et le nourrit avec des illusions de fausse grandeur, de la même façon que le régime nazi a fait en Allemagne.
        Est-ce que quelqu’un aurait pu imaginer qu’il y avait alors une vraie solution possible qui n’impliquait pas un changement de régime en Allemagne? Pour quoi on imaginerait autre chose dans le cas de ce régime de Poutine?

        La Russie va toujours exister après la chute du régime (qui sera dans l’intérêt de la Russie), mais malheureusement on ne fait pas de distinction assez claire entre la Russie et son régime mafieux actuel, on parle comme si le régime représentait vraiment la Russie ou le peuple russe. Est-ce que le régime nazi d’Hitler (qui avait supprimé aussi les institutions démocratiques et éliminé les opposants après la prise du pouvoir) représentait vraiment le peuple allemand? Si un tel régime représente vraiment le peuple, comme il le prétend, alors pour quelle raison a-t-il besoin d’éliminer les opposants et d’interdire aux gens d’exprimer leurs opinions? Ce sont des régimes complètement basés sur le mensonge.

        Le régime de Poutine s’est déjà engagé sur un chemin sans retour possible. La seule question est combien de temps va encore durer? Combien de victimes (en Ukraine et en Russie) le régime va encore faire avant sa chute? Je pense qu’on a une obligation morale de faire ce qui est raisonnablement possible pour provoquer la chute de ce régime. Il faut la provoquer, pas l’attendre passivement, en disant que notre seul objectif est d’aider l’Ukraine à se défendre.

        L’Ukraine ne pourra plus jamais être ramenée sur l’orbite d’un régime dictatorial en Russie, elle fait déjà partie du Monde Libre. C’est le contraire qui va se produire, l’Ukraine va attirer aussi le Russie vers la liberté, c’est à dire exactement le scénario que Poutine craint le plus va se produire.

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      2. A votre avis, pourquoi Navalny a t-il salué initialement la reconquête de la Crimée ? (même si depuis il a un avis différent) Parce que, comme le peuple russe (hormis rares exceptions), il a une mentalité impérialiste qui lui a été inculquée dès la petite école, et qui est amplifiée par l’ensemble de la Société Russe. Pas seulement les médias de propagande, mais les livres, les feuilletons, les films, le culte orthodoxe…

        Tant que le peuple russe gardera cette psyché impérialiste, aucun de ses voisins (Kazakhstan inclus) ne pourra vivre tranquillement. Changer la tête du Régime, le démocratiser, ne suffira pas. Des élections démocratiques en Russie risquent fort de porter un ultranationaliste au pouvoir.

        L’affrontement entre Occident et Russie ne fait que commencer, un peu comme en 1945.

        Fabrice

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    2. Mais si la raison de l’agression serait reliée à des « ambitions impériales » alors pour quoi il n’a pas annexé des régions de l’Ukraine avant 2014?

      Au lieu de débattre sérieusement pour analyser la vraie raison de l’agression, on laisse souvent sous-entendre qu’il s’agirait d’une folie de Poutine ou de ses « ambitions impériales » alors que je suis convaincu qu’on a tort, parce que Poutine est un criminel très rusé et calculateur, il n’aurait pas réussi à se maintenir aussi longtemps au pouvoir autrement. Il comprend très bien qu’il ne peut pas refaire l’URSS, même partiellement. Mais il laisse intentionnellement courir cette idée car c’est aussi un bon moyen pour cacher la vraie raison de l’agression, en plus de toutes les fausses prétextes invoquées.
      Poutine n’a qu’un seul objectif réel, de rester au pouvoir à vie, tout le reste sont des moyens pour atteindre l’objectif plus facilement, c’est pour ça qu’il a envahi l’Ukraine aussi, par peur que la liberté de sa société ne provoque la chute de la dictature en Russie. Mais comment les Russes peuvent le comprendre si même ici, dans le Monde Libre, on ne dit pas clairement aux gens qu’il y a une relation étroite entre ce qui se passe en Russie (où les opposants sont éliminés et les gens ne peuvent pas s’exprimer) et l’agression contre l’Ukraine? On ne fait même pas la relation entre les deux aspects, alors qu’elle est essentielle.

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      1. « pour quoi il n’a pas annexé des régions de l’Ukraine avant 2014? »

        Très simple. Il préfère avoir la main sur un État satellite, plutôt que des annexions avec les complications géopolitiques que cela entraîne. Vous avez noté que le camarade chinois est tout sauf enthousiasmé par ces révisions de frontières.

        Une Ukraine entière, satellite d’une Russie dominatrice (comme c’est le cas pour la Biélorussie, et comme cela en prenait le chemin avec Yanoukovitch), c’est beaucoup plus intéressant que d’annexer des petits morceaux comme Crimée ou Donbass.

        L’annexion des 4 oblasts n’est qu’une carotte à l’attention des ultranationalistes pour faire passer la honte de ne pas avoir conquis TOUTE l’Ukraine en quelques semaines. Sans les déboires à Hostomel, le pouvoir ukrainien aurait sans doute été décapité (comme Prague 1968, Kaboul 1979), et la prise de contrôle globale devenait plausible, avec de nombreux candidats pour servir de potiches.

        Fabrice

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  6. «Où *pourrait* mener une percée à Robotyne».

    Du point de vue militaire, il s’agit pour l’instant de brèches (soit à l’est, soit au sud du village), pas d’une percée.

    Sinon, les brigades blindées seraient déjà en train de courir les routes derrière la ligne /Surovikin/.

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  7. Bonjour Guillaume. 1000 mercis encore pour cet excellent article!
    Juste une question stp: d’apres toi, quelles sont les scénarios à prévoir sur les conséquences de la mort de Prigojine et son cercle proche? Peut on s’attendre à des actes isolés de vengeance, à la formation de groupes dissidents, à ce que certains mercenaires rejoignent des milices telles que Russie Libre? Ou au contraire, à la victoire de Poutine pour avoir réussi à « neutraliser » la menace Wagner?

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    1. Pas facile d’estimer les conséquences de l’exécution de Prigojine : sur le front en Ukraine, quasiment rien car Wagner avait été lessivé par la bataille de Bakhmut (80% de pertes).
      Une action collective des mercenaires peu probable, le FSB/KGB ayant utilisé les 2 mois pour bien identifier qui pouvait être une menace pour Poutine.
      En Afrique, le cercle de Poutine fait le tour des clients de Wagner pour bien insister sur sa disparition (et proposer une alternative…)
      Par contre, la tentative d’insurrection du 25 juin a fait écarter des dizaines d’officiers très expérimentés dont le général Sourovikine qui est aux arrêts.
      De plus, plus personne dans l’entourage de Poutine ne peut se faire d’illusions sur son cynisme, personne n’empêchera qu’il soit éliminé à son tour.
      A mon avis, paradoxalement, Poutine sort plutôt affaibli de la « chute » de son ami Prigojine

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  8. Félicitations pour votre analyse ! Permettez moi d’y ajouter une chose: le manque d’implication de la part de certains pays membres de l’OTAN, y compris les USA dans cette guerre ! Tout se fait au compte-goutte, tergiversations et retards, ce que poutin’ interprète comme de la peur, du doute et de la faiblesse: cela nous rapproche d’un conflit généralisé puisqu’à partir d’un certain moment il n’y aura plus moyen de faire autrement, sinon capituler .

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  9. « …les armées russes sont épuisées par cette « opération militaire spéciale » qui ne devait durer que quelques semaines. Bien sûr que les forces ukrainiennes sont fatiguées aussi par cette guerre qui dure maintenant depuis 18 mois, mais – elles – savent pourquoi elles se battent tandis que les troupes de Poutine ne l’ont jamais su… »

    Une des clés de l’issue de cette guerre réside certainement en cela, mais cela ne suffira pas si le soutien tant militaire que politique que les pays de l’Union européenne apportent à l’Ukraine venait à s’effriter et fléchir. La fiabilité des Etats-Unis n’est pas totale tant leur tentation isolationniste est toujours forte et ce d’autant plus qu’ils entrent dans les turbulences de leur campagne pour la présidence.

    La prochaine campagne pour l’élection des députés au Parlement européen auront, de mon point de vue, pour la première fois une dimension collective réelle que l’on pourrait presque résumer par la formule:  » Il faut que l’arrière tienne » .

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  10. Selon mon opinion, la bonne tactique serait de se concentrer réellement sur un point (avec des mesures de déception le long du front), de brècher à cet endroit et d’ensuite d’exploiter vers la mer sans trop se soucier des villages et villes non libérées. Le but de la manœuvre ne serait pas de reconquérir des villes et villages mais bien de couper la partie ouest de la zone occupée (et la Crimée) des lignes russes de communication et de ravitaillement terrestres. Cela aurait comme conséquence d’asphyxier les troupes russes ainsi isolées. C’est peut-être déjà le plan ? Mais vu de loin et de l’extérieur, la tactique ukrainienne me semble parfois un peu trop dispersée et visant un peu trop la reconquête territoriale immédiate.
    Juste une réflexion d’un vieux soldat …

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