6 juin 2023, l’opération de libération de l’Ukraine a (enfin) commencé 

C’est une grande satisfaction de pouvoir annoncer dans ce soixantième article que l’opération de libération de l’Ukraine a enfin commencé.
J’ai une pensée spéciale pour ces hommes et ces femmes qui vont être tués ou blessés lors de ces opérations indispensables à la libération de l’Ukraine.

Si l’enjeu est crucial pour les Ukrainiens, il n’en est pas moins pour les Européens, ceux tout du moins qui veulent défendre leur conception de la société au-delà de leur seule prospérité.
L’issue de cette offensive restera incertaine jusqu’à son achèvement. Et l’objet de cet article est – plus que jamais – de contribuer à décrypter la situation militaire et politique en Ukraine dans un « brouillard de la guerre » qui n’aura jamais été aussi dense que lors de cet événement majeur.

Alors que le chef d’état-major américain, Mark Milley, était avec ses homologues français et britannique pour commémorer le débarquement des alliés en Normandie, le 6 juin 1944, les forces ukrainiennes lançaient – le même jour de 2023 et dans le plus grand silence – l’offensive majeure à laquelle elles s’étaient préparées pendant des mois avec l’aide des cinquante pays qui les soutiennent. 

Lire aussi : L’Ukraine est prête à lancer son offensive majeure 

Cette offensive devait logiquement commencer d’ici fin juin pour donner un temps suffisant aux forces ukrainiennes – 3 mois au moins – avant l’arrivée de la boue automnale. Son lancement a été difficile à détecter puisque les Ukrainiens eux-mêmes avaient annoncé… qu’ils n’en diraient rien. 

Et le 6 juin, contrairement aux jours, aux semaines et aux mois précédents, les Ukrainiens ne dirent rien de leurs opérations militaires. Ils concentraient bien au contraire les médias sur la catastrophe humaine, économique et écologique déclenchée par les armées russes, la destruction du barrage de Kakhovka.

Cette catastrophe n’avait rien d’anodin dans sa temporalité : l’inondation de la région de Kherson était une réaction désespérée (et désespérante) des troupes russes qui ont compris le danger qu’elles courraient face à cette offensive ukrainienne bien préparée et conduite, j’y reviendrai. 

La destruction du barrage de Kakhovka, manœuvre désespérée des soldats de Poutine pour contrer l’offensive ukrainienne 

Dans la nuit du 5 au 6 juin, entre deux et trois heures du matin, plusieurs explosions sont enregistrées par les détecteurs sismiques, ce sont des tonnes d’explosifs qui ont été utilisées pour détruire cet ouvrage construit comme un bunker. Il avait été conçu en effet pour résister aux pressions de l’eau bien sûr, mais aussi à des bombardements militaires dont les soviétiques voulaient se prémunir. 

Un ouvrage en béton armé et en acier difficile à détruire, dont les Russes s’étaient emparés pratiquement au début de cette guerre qu’ils ont lancée en février 2022. Le Monde publiait à ce sujet un article fort instructif en octobre dernier, alors que les forces ukrainiennes étaient en train de reconquérir une large partie de Kherson.  Les troupes de Poutine menaçaient déjà de faire exploser ce barrage, pour empêcher les ukrainiens d’avancer plus et de traverser le Dniepr…

Article du journal Le Monde du 21 octobre 2022

Les déclarations russes concernant cette destruction du barrage sont contradictoires, elles parlent d’abord d’un bombardement ukrainien mais celui-ci aurait nécessité des tirs très importants compte tenu de la solidité de l’ouvrage et aurait laissé des traces d’impacts ou de dommages collatéraux sur les bâtiments adjacents du barrage, ce qui n’est absolument pas le cas. 

Le barrage a bien été détruit par des explosions internes de grande puissance à l’intérieur même de la structure. 

Cette théorie du bombardement n’ayant aucune crédibilité, les différents porte-paroles russes ont alors développé un autre scénario, digne des « vérités alternatives » de Donald Trump : un commando ukrainien aurait attaqué le barrage… 

L’ouvrage est pourtant loin à l’intérieur du front et étroitement surveillé par les troupes russes, il aurait fallu que ce commando accède aux charges explosives internes ou transporte lui-même quelques tonnes d’explosifs, soit plus d’une centaine de soldats surchargés accédant au site.

Il est assez navrant que quelques généraux français à la retraite se soient faits les porte-paroles d’un scénario aussi peu vraisemblable, d’autant que les conséquences de la destruction confirment l’intention même de cette opération. 

Premièrement, les troupes de Poutine ont voulu empêcher les franchissements du Dniepr dans cette région de Kherson où les forces ukrainiennes harcelaient depuis plusieurs semaines la première ligne de défense de la Crimée sur la rive opposée, Crimée distante seulement d’une centaine de km. 

En inondant cette région, les armées russes l’ont rendue impraticable pour tout matériel militaire en dehors des hélicoptères. En effet, de telles inondations provoquent des torrents de débris qui sont infranchissables pour des embarcations plus lourdes que de simples zodiacs. Ces inondations laissent ensuite une épaisse couche de boue qui transformera en marécage cette zone pour plusieurs semaines. Des boues qu’aucun matériel lourd ne peut franchir, ni sur une barge, ni même sur un ponton qu’il faudrait alors étirer sur des km. 

Autrement dit, en provoquant l’inondation de la région de Kherson, comme ils avaient prévu de le faire lors de la contre-offensive ukrainienne d’octobre dernier, les Russes ont rendu impraticable cette partie de la ligne de front pour plusieurs semaines, soit environ 200 km sur les plus de 1,000 qu’elle compte. 

Ce barrage était aussi un pont, important puisque celui de Kherson avait été détruit lors de la retraite russe de novembre dernier. En le détruisant, les Russes empêchent les Ukrainiens de s’en emparer, mais ils renoncent de fait à toute ambition d’invasion plus avancée dans cette région de l’Ukraine, tout en affichant le contraire. 


Le principal objectif de la destruction du barrage de Kakhovka est de « libérer » des unités russes pour aller contrer l’offensive ukrainienne 

Les conséquences de la destruction du barrage sont importantes, probablement plusieurs dizaines de morts, des milliers de bâtiments et d’infrastructures endommagées, et des dégâts considérables sur l’environnement. Mais, contrairement à ce qui a été avancé par quelques commentateurs mal avisés, la Crimée n’en subit pas les conséquences immédiates puisque son approvisionnement en eau potable ne dépend pas du canal qui la relie au Dniepr : ce dernier ne fonctionne plus depuis des mois. 

En réalité, l’objectif principal poursuivi par les Russes en détruisant cette infrastructure cruciale dans la région Kherson est de modifier le rapport de forces militaires. En neutralisant pour plusieurs semaines cette partie du front,  les armées de Poutine ont pu ainsi dégager des unités militaires de bonne qualité qui protégeaient en particulier la Crimée. Celles-ci sont parties immédiatement renforcer le reste du front, alors que l’offensive ukrainienne lancée ce 6 juin est bien sûr la préoccupation majeure des armées russes. 

Le fait que la destruction du barrage ait inondé majoritairement la berge sud dont les Russes  s’étaient emparés, qu’elle ait détruit une partie de leur propre ligne de défense établie sur cette berge avec des pertes substantielles d’équipements et qu’elle ait des conséquences durables sur l’environnement du pays (qu’ils prétendaient libérer) n’a aucune importance par rapport à leur problème essentiel : les troupes de Poutine essayent désormais de résister à l’opération de libération de l’Ukraine.

Notons au passage, pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, le cynisme de Vladimir Poutine accusant les Ukrainiens d’avoir inondé la région tout en faisant bombarder les opérations de secours sur Kherson…



Des réactions mesurées voire retenues des capitales occidentales

Il est nécessaire de s’interroger sur l’étrange discrétion des capitales occidentales qui globalement ont été très retenues sur la condamnation de la Russie pour cette inondation catastrophique et si peu naturelle. Nul doute qu’elles disposent des informations fournies par l’OTAN dont les dispositifs de surveillance du champ de bataille ont parfaitement suivi et capté la destruction du barrage. 

La première raison de leur retenue est probablement leur volonté de ne pas attirer immédiatement l’attention sur l’offensive ukrainienne dont elles connaissent l’importance mais aussi le risque. En dévoilant leurs informations sur la destruction du barrage et en condamnant irrémédiablement la Russie, elles apparaîtraient de plus comme les acteurs essentiels de cette offensive qui doit rester le fait des Ukrainiens. 

Seule l’Union européenne par la voix de Joseph Borrel a condamné ouvertement la Russie pour cette catastrophe. Mais la destruction du barrage de Kakhovka était aussi une manœuvre de sidération, destinée à envoyer un message menaçant : « la Russie de Poutine est capable de tout, est-ce que vous voulez réellement prendre le risque de continuer à soutenir l’Ukraine ? »

La réponse retenue de la plupart des pays alliés est donc manifestement coordonnée et consiste à ne pas surréagir à cette énième provocation de la Russie de Poutine.

De plus, aux Etats-Unis, un débat relayé par les partisans de Trump cherche à remettre en cause le soutien massif à l’Ukraine : la mise en cause immédiate de la Russie par la Maison Blanche aurait alimenté une de ces controverses qu’apprécient tant les complotistes américains, ils auraient trouvé toute sorte d’arguments pour démontrer le contraire des preuves avancées par les services américains. 

Au contraire, l’émergence progressive d’éléments montrant la responsabilité russe est de nature à éviter une controverse, comme celle qui perdure sur l’origine de l’explosion des gazoducs Nordstream. 


L’événement majeur est le lancement de l’offensive ukrainienne

La destruction du barrage de Kakhovka ne doit pas masquer le fait principal en Ukraine, qui est le déclenchement de l’opération de libération, une offensive majeure par les forces ukrainiennes. 

Cette offensive était prévisible dans ce créneau de temps et d’autant plus probable que la réaction russe de détruire le barrage de Kakhovka et d’inonder la région de Kherson répondait forcément à un événement majeur. Le silence des Ukrainiens depuis le 6 juin sur leurs opérations militaires et la frénésie russe d’annoncer plusieurs fois par jour depuis cette date « qu’ils ont victorieusement contré l’offensive ukrainienne » formaient des indications concordantes. 

Lire aussi : accélération des préparatifs et fébrilité des ripostes, une offensive pour quand ??

Mais la confirmation du déclenchement de cette « grande offensive » vient de l’engagement des matériels lourds livrés par les alliés au forces ukrainiennes : pour la première fois, des chars Leopard 2 et des véhicules de combat d’infanterie américains Bradley ont été identifiés sur le front… par leur destruction.

En effet, cette offensive ukrainienne peut être comparée par certains aspects au débarquement allié de juin 1944 : comme pour le « mur de l’Atlantique », les Russes ont fortifié les 1,000 km de front augmentés de 200 dans la région de Belgorod qui est soumise à des incursions et des actions agressives de groupes de partisans d’origine russe qui se battent sur leur sol même.

On se souvient que les premiers jours du débarquement avaient été très difficiles avec des pertes importantes, notamment sur Omaha Beach. L’offensive ukrainienne est du même acabit, elle vise à percer le « mur » érigé pendant plusieurs mois par les armées de Poutine, comparable au mur de l’Atlantique : beaucoup trop long pour être durablement étanche, mais suffisamment résistant pour ne pas être percé à la première incursion…

Ces offensives des forces ukrainiennes vont donc générer des pertes importantes, contrepartie inévitable des enjeux d’une telle opération, la libération de l’Ukraine. 

Analyse de Xavier Tytelman

Une vitre blindée se détruit par répétition plutôt que par une projection…

Une vitre blindée est normalement destinée à résister à un projectile, pour la détruire nous apprenions en technique de combat qu’il fallait s’acharner dessus jusqu’à la faire céder : ce n’était pas un projectile qui pouvait en venir à bout, mais la répétition d’assauts multiples qui finit par fragiliser l’ensemble et conduit à son écroulement. 

Actuellement, les forces ukrainiennes multiplient les assauts sur des points différents du front et recommencent aussitôt qu’elles sont bloquées ou n’avancent plus assez vite : déminage et feux d’artillerie, incursion sous le blindage de véhicules lourdement armés, harcèlement des troupes de Poutine dans de multiples directions et repli dès lors que les unités ukrainiennes risquent de se retrouver sous le feu de la puissante artillerie russe. 

Il semble que ces assauts multiples se déroulent surtout dans la région de Zaporijia au milieu du front, et dans la région de Donetsk plus au Nord. Encore une fois, ces opérations ne consistent pas à jouer le « rouleau compresseur », mais à multiplier les assauts pour affaiblir les défenses, les entamer et obliger les troupes russes à se déplacer en permanence pour contrer les actions là où elles se déroulent, aussi ponctuellement que temporairement.

Ce n’est pas une attaque, ni trois, ni trente, mais une multitude d’assauts engageant des forces en pointe (blindés légers, chars lourds et véhicules de combat d’infanterie) qui vont se heurter aux lignes de défense russes jusqu’à ce que celles-ci fatiguent, se fragilisent et finissent par lâcher.

Les forces ukrainiennes engageront alors de puissantes unités gardées en réserve pour s’engouffrer et pénétrer dans le dispositif russe. Ce n’est donc pas une projection unique qui cherche à pénétrer, mais une répétition d’assauts pour faire tomber cette vitre blindée que les Russes ont cru pouvoir dresser pour protéger leurs conquêtes brutales et illégitimes. 


Parler de Bakhmut, qui n’est sans doute pas le sujet…

Les Ukrainiens observent un silence quasi-total au sujets de ces opérations, tandis que les Russes répètent inlassablement « avoir stoppé l’offensive ukrainienne » alors qu’il ne s’agit pas d’une tentative unique mais bien d’une succession d’opérations auxquelles ils seront confrontés quotidiennement.

Nous allons donc être confrontés nous-mêmes, pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, à un « feu roulant » d’informations affirmant que l’offensive ukrainienne est un échec, tandis que nous ne saurons qu’avec retard ce qu’il s’est réellement passé sur le front : pour la bataille de Kherson en octobre dernier, nous n’avions réalisé la victoire ukrainienne seulement lorsque celle-ci fut pratiquement consommée.

Lire aussi : 11 novembre 2022, libération de Kherson par les Ukrainiens

Si le président ukrainien se permet dans ce contexte de féliciter ses militaires pour leur avancée autour de Bakhmut, c’est sans doute que leur engagement est limité et ne correspond aucunement à un engagement majeur sur cette partie du front qui avait été très disputée sans qu’elle n’ait de réel intérêt militaire.

Évidemment, l’effet recherché de cette offensive majeure des Ukrainiens n’est pas de sortir immédiatement et directement toutes les armées russes qui occupent leur territoire. 

Mais, en faisant tomber cette vitre blindée laborieusement dressée par leurs envahisseurs, les forces ukrainiennes pourront les exposer suffisamment pour les déstabiliser. L’enjeu réel est que l’insécurité change de camp, que les troupes de Poutine se sentent alors en faiblesse et qu’elles préfèrent s’enfuir plutôt que de continuer la partie que le Maître du Kremlin jouera vraisemblablement jusqu’à sa propre perte, la précipitant de fait. 

Tandis que les Russes ont joué la carte de l’inondation et de l’enlisement, les Ukrainiens parient sur celle de la débâcle, un pari risqué et audacieux.
Désormais, les jeux sont faits. 




Pour approfondir, lire J comme Juin de Michel Goya dans La voie de l’épée 


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17 commentaires sur “6 juin 2023, l’opération de libération de l’Ukraine a (enfin) commencé 

  1. J’ai juste été surpris, voire « contrarié » par le fait que les Ukrainiens (dont on connait le côté opérationnel) sachant que ce barrage occupé par les Russes, était miné, n’aient pas tenté une opération commando ou autre pour récupérer ce barrage évitant ainsi cette catastrophe prévisible … Peut être était il très bien gardé ?!?

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      1. Merci pour votre pertinente réponse …! Effectivement le sabotage de ce barrage a été exécuté au bon moment !! Bonne continuation !

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  2. Bonjour,

    L’activité vers Bakhmut laisse dubitative. Il n’y a pas grand chose à espérer en terme d’enfoncement des lignes ou d’attrition (surtout à l’attaque) autour de ce champs de ruine. De plus, si les flancs cédaient là-bas, on verrait peut-être Wagner revenir assez vite…groupe autrement plus valable que les unités actuellement en place. Quant à l’attaque Sud, nous avons tous les yeux rivés sur les « coups de sonde » (qui laissent dans leurs sillages des hommes et du matériel), qui, de toutes évidences, ne peuvent être tentés indéfiniment sans prise de décision active à un moment ou un autre.
    Le front, dans sa structure, ne laisse que peu de place à une grosse surprise, (à moins que l’armée ukrainienne ne nous étonne encore). Après une semaine, la surprise semble plutôt venir du côté russe, qui donne l’impression de tenir la ligne (en tout cas qui ne se débande pas).
    L’arrivée prochaine des UK devant la première ligne fortifiée RU donnera une bonne idée du destin de cette contre-offensive.
    Selon vous Mr ANCEL, si les UK jugeaient l’affaire mal engagée, pourraient-ils arrêter les opérations afin d’attendre l’arrivée de l’aviation, et ce afin de ne pas brûler les ressources livrées (certains parlent déjà de 7 à 8 Leopards détruits ou abandonnés)?
    Bien à vous,
    JV

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  3. Bonjour Guillaume. Avec le recul sur les évènements et votre article, et sans vouloir être catastrophiste pour autant, le fait que la Russie soit capable de frapper la centrale nucléaire de Zaporijia semble devenir malgré tout de plus en plus réaliste.
    Or on peut considérer que cet acte constituerait une menace pour la sécurité des membres de l’OTAN.
    J’aime à penser qu’en coulisses l’Otan ou les USA ont déjà averti la Russie des conséquences auxquelles elle s’exposerait, en promettant une réponse sévère pour un acte encore plus inconscient que la destruction du barrage, et ce quelque soit sa responsabilité établie, partant du principe qu’elle avait la charge de la sécuriser et qu’elle serait touchée à cause de son invasion de l’Ukraine.
    Mais ne pensez-vous pas que l’Otan manque de fermeté sur ce sujet (entre autres!)?
    Il ne me semble pas inconsidéré de lancer un ultimatum à la Russie pour démilitariser sans délai la centrale et son périmètre.
    D’autant qu’au regard des derniers événements, avec son nouveau « poker menteur » au sujet du barrage, la Russie est prise à son propre jeu: même si elle n’est pas responsable comme elle le prétend, elle démontre toutefois, une fois encore, son incapacité à sécuriser les sites les plus sensibles qu’elle a conquis.
    Ce n’est donc plus la destruction de cette centrale qui constitue une menace pour notre sécurité, mais bien l’incapacité de la Russie à protéger des sites sensibles sur un territoire occupé.
    J’aimerais sincèrement avoir votre avis éclairé sur ce sujet.
    Enfin, pensez-vous que les avis divergents des conséquences de la destruction du barrage sur cette centrale ne deviennent pas préoccupants?

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    1. D’après les experts de la maintenance des centrales nucléaires, la question de Zaporijia n’est pas critique, pas de risque comparable à la catastrophe de Tchernobyl qui est dans nos mémoires, parce que les réacteurs sont dans un état de quasi-sommeil. La menace serait surtout d’endommager une infrastructure qui sera importante pour produire de l’électricité demain.
      Pour le barrage de Kakhovka, la responsabilité et l’intention de la Russie me semblent établis sauf à ce qu’ils aient laissé l’accès aux charges de destruction du barrage à un commando Ukr, ce qui serait inouï de médiocrité ou de complicité !

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  4. Merci Guillaume pour ton travail, tes convictions et ton expertise.

    Je restais jusque-là dubitatif, malgré tes apports et éclairages tous pertinents mais subtils, concernant le silence occidental au sujet de la destruction du barrage. Étrangeté de ce silence que tu soulignes, questionnes et étayes à juste titre, parce qu’il en a effectivement besoin. Ce qui est surprenant c’est l’« unanimité » à ce silence, ce que tu qualifies justement de « réponse retenue manifestement coordonnée ».

    Mais après-coup, à distance de la lecture de ton article, ta remarque concernant une possible controverse à éviter m’apparaît être la bonne conclusion.

    Par ailleurs ce parallèle que tu fais avec la célébration du 6 juin, et avec le débarquement du 6 juin 1944 lui-même m’apparaît très juste. Le poids du symbole… Et effectivement il est particulièrement fort. Ça résonne en nous. Surtout aujourd’hui avec la connaissance que nous avons du Président Zelensky, de ces jeunes gouvernants, du peuple ukrainien et de leur sensibilité aux symboles. Comme un cri de leur part pour faire entendre encore une fois à tous leur attachement à l’Occident démocratique, à l’Europe, le faire entendre tout aussi fort que leur volonté de se détacher définitivement de l’empire russe.
    Ça m’apparaît être une nouvelle occurrence de ce paradigme déjà exprimé par leur choix de célébrer Noël, eux pourtant très majoritairement orthodoxe, le 25 décembre, la date de Noël pour les catholiques et les protestants autrement dit culturellement pour les occidentaux, plutôt qu’à la date du Noël orthodoxe, comme le font les Russes (quand bien même ça n’a pas fait l’unanimité en Ukraine). Idem quant à leur volonté de célébrer la victoire de la deuxième guerre mondiale le 8 mai, comme en Occident, et non plus ne le 9 mai comme en Russie.
    Déclencher leur contre-offensive ce même jour, c’est très fort, c’est de leur part faire un parallèle très puissant ; au vu de la gravité de ce que cela enclenche comme phase de la guerre. Comme un exemple fraternel auquel les Ukrainiens choisissent de s’identifier, a minima un rapprochement avec notre point de vue occidental. En contradiction totale avec le récit historique russe qui ne fait que souligner, exclusivement souligner la résistance soviétique d’alors, Stalingrad et tout le reste. Même si en fait les deux se complètent, engagement americano-britannique d’un côté et soviétique de l’autre.

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  5. Bonjour Guillaume et merci encore pour cet excellent article. Je suis totalement d’accord avec votre analyse sur le barrage dans l’actualité trop controversée sur ce sujet.
    On ne parle quasiment jamais non plus du soutien massif et fondamental des meilleurs services de renseignements des membres de l’Otan qui collaborent avec l’Ukraine et constituent certainement un pilier de cette contre offensive.
    Enfin j’apprécie particulièrement votre introduction : pensons très fort à ces femmes et ces hommes qui se battent et engagent leur vie pour leur liberté… Et la nôtre.

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  6. Un grand merci pour cette analyse qui relève le niveau, après ce qu’on peut entendre ces derniers jours dans certaines interprétations sur des médias. La communication sur Bakhmout (zone impliquée mais pas vitale) pour séduire, la recherche de dilution adverse vers Belgorod et la réponse russe avec le barrage explosé pour interdire et redéployer, sont des arguments majeurs qu’on ne croise pas chez tout le monde.

    Le seul regret, que d’autres analystes ont cette fois clairement abordé dans des médias mainstream, est la façon de procéder en queue leu-leu sur des routes par les troupes ukrainiennes. Le retour d’expérience russe de 2022 aurait pu mettre en valeur des tactiques de raids de persécution ou franchissement moins linéaires par les ukrainiens. Bien que le franchissement d’une première ligne soit coûteux en vies et matériels, la répétition des erreurs des autres fait un peu tiquer.

    Les premiers franchissements au sud pourraient-ils suggérer la validation ukrainien d’insécurisation de la liaison entre Donbass et Crimée, par pénétrations dans la région littorale d’Azov jusqu’à Berdiansk (plus tard)? La volonté farouche de ne pas lâcher Bakhmout (ses hauteurs puis son cercle extérieur) anticipe-t-elle un objectif ultérieur de blocage de l’axe nord vers Donetsk ? Les chocs loin à l’ouest de la région de Donetsk pourraient-ils permettre un jour estival d’enfoncer vers l’est? Je m’excuse de parler de Berdiansk et Donetsk beaucoup trop tôt, avec des signaux faibles actuels qui dépassent mes compétences militaires inexistantes.

    Je rêvasse naïvement d’une coupure nette entre Crimée et Donbass, jusqu’à Berdiansk, accompagnée de la reprise d’une capitale régionale, Donetsk, pendant l’été. Tactiquement puis stratégiquement, ça aurait vraiment de la gueule en automne. Ensuite Poutine pourrait debriefer fièrement ses citoyens tous ravis à Moscou, pendant que le mafieux Prigojine fait sa campagne populaire d’operazion zpeziale de Belgorod jusqu’à St-Petersbourg.

    Vraiment désolé de rêver sur votre blog objectif et pragmatique, merci encore pour vos approches qui collent à la réalité des terrains.

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