
Deux tribunes récentes proclament le malaise que ressentiraient les militaires et que soutiendrait une partie de la population.
Mais est-ce un malaise qui s’exprime, ou la volonté de l’extrême-droite française d’attirer la lumière dans un contexte pré électoral ?
Le media utilisé, Valeurs Actuelles, porte en soi une partie de la réponse. Ses valeurs extrêmes, qui rappellent que le fanatisme ne se rencontre pas que dans la sphère de l’Islam, poussent un message assez classique de tension et, in fine, de haine : se méfier des autres, se méfier de tout ce qui ne nous ressemble pas (sans savoir d’ailleurs qui est ce « nous »), s’insurger contre cet ordre oppresseur qui ne permet plus à des hobereaux de régner en maître absolu sur des territoires qu’ils revendiquent comme étant le leur, tout en cherchant à voler celui de leurs voisins et néanmoins cousins.
C’est un discours classique qui se déroule aujourd’hui selon une séquence bien organisée.
Appel à l’insurrection du seigneur de Villiers
Il y a deux semaines, Philippe de Villiers, héraut d’une monarchie totalement rétrograde, appelait à l’insurrection dans les colonnes de VA. il s’insurgeait de la « dé-francisation », sans regretter toutefois que « tout ce qui ne lui ressemble pas » vienne assister à son spectacle du Puy du Fou.
Son nom résonne dans les Armées, c’est son frère Pierre de Villers qui avait démissionné avec fracas de son poste de chef d’état-major (et pas de chef des armées puisque c’est le rôle du président de la République), tandis qu’un Jupiter encore juvénile arrivait au pouvoir.
Je n’ai jamais entendu les opinions politiques du général de Villiers, pour la raison que celui-ci appliquait cette culture du silence qui consiste à la fermer pour progresser. Je note simplement qu’il a démissionné seulement après avoir dépassé l’âge de la retraite et avalé pendant tout le quinquennat de François Hollande des coupes sombres dans le budget des armées, sans moufter.
Les aristosaures, l’armée, l’insurrection, l’appel au bon peuple (pourtant méprisé), pour qu’il se révolte et rende enfin son pouvoir absolu à ceux qui feignaient de le protéger…
Des généraux désœuvrés qui s’émeuvent un peu tard
Deuxième séquence, une tribune, toujours dans VA, de militaires dont vingt généraux désœuvrés, qui appellent à lutter contre l’islamo-gauchisme avant que l’armée ne soit obligée d’intervenir.
Scandale, volontiers alimenté dans les media.
Il est vrai qu’il est assez effarant que des officiers généraux évoquent un putsch, à la date anniversaire d’une tentative ratée en Algérie quelques soixante années auparavant.
Ces généraux semblent avoir oublié, mais l’âge est cruel, qu’ils ont fait une brillante carrière en la fermant…
Il est donc assez malvenu d’avoir entretenu et profité cette culture du silence pour la dénoncer sur le tard.
Certes, j’aurais aimé qu’ils l’ouvrent lorsque l’armée française était compromise dans des interventions complètement déplacées comme l’opération Turquoise au Rwanda, qui a fait en réalité dix fois plus de morts qu’elle n’a sauvé de vies.
Mais en la fermant ils sauvaient leur carrière à défaut de protéger l’armée, à qui on peut ainsi tout demander sans qu’elle ne puisse rien dire, même a posteriori
Cette tribune avait été organisée par un proche du Front National, une organisation qui prospère en attisant les haines.
Un malaise qui en réalité ne s’exprime pas
Pour la troisième semaine, et toujours dans VA, nous voilà gratifiés d’une nouvelle tribune pour répondre à la condamnation (symbolique) de la prise de parole publique de ces quelques généraux.
Avec un compteur de vues digne d’une campagne de propagande de Vladimir Poutine, – peut-être un parrainage de Russia Today sa chaîne préférée –, ce nouvel avatar veut récupérer des soutiens par millions. Traduit-elle pour autant un malaise des armées ?
En réalité, il est difficile de le savoir du fait de cette nocive culture du silence qui est entretenue dans l’armée française et qui dépasse largement l’obligation de réserve et le secret des opérations.
Paradoxalement, l’armée vient de connaître des années fastes en terme de budget, pour la première fois depuis des décennies. Mais la défense est un puit sans fond, qui peut dépenser des milliards supplémentaires sans aucune satisfaction exprimée, au même titre que les militaires sont tenus de taire leur frustrations.
Les soldats français ont été objectivement choyés par le président Macron, mais aucun progrès n’a été réalisé dans leur possibilité de s’exprimer, je le raconterai dans un article prochain.
Et leur malaise tient plus à cette impossibilité de s’exprimer qu’à une frustration qui serait à son faîte.
Pour ce qui est de la tribune de VA, laissons Marine Le Pen en faire ses choux gras, elle ne traduit que son empressement à faire feu de tout bois.
Je crois que le « ou » du titre n’est pas du tout exclusif. Il y a bel et bien malaise dans l’armée ET manipulation de l’extrême-droite. Il y a aussi malaise dans la police, où la culture du silence est heureusement moins prégnante. Ne flinguons pas le messager (Valeurs Actuelles) mais (essayons de ) comprendre le message…
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bien dit !
faire _flèche_ de tout bois ?
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La discipline est la force principale des armees; l’obéissance aux ordres est le premier devoir du subordonné . Le règlement militaire peut-il viser les tribunes signées ou non dans Valeurs Actuelles? Je m’interroge. Y-a-t-il un lien entre cette publication et l’audience du FN/RN chez les militaires? ( plus de 40% d’entre eux votent à l’extrême droite aux élections, affirment des études electorales).
C’est un militaire de carrière qui m’a parlé pour la première fois de sa revue préférée, Valeurs Actuelles, dans les annees 1960. A ce moment-la, je faisais mes études secondaires à l’école militaire préparatoire d’Autun. Ces tribunes paraissant dans cette revue ne doivent donc pas nous étonner. Au moment du putsch d’Algérie, mon père était sous-officier .il m’avait évoquer son refus d’obéissance à l’ordre de son capitaine de monter dans les camions rejoindre les généraux d’Alger( refus suivi par ses cadres). » les généraux d’Alger nous font le coup de Giraud contre de Gaulle », pensait-il.Il avait deserte l’ex- armee d’ armistice pour rejoindre les FFL en Triponitaine ). Lorsque la commission d’enquete passe ensuite dans son sous- quartier à la recherche de ceux qui ont donne des ordres illégaux, le capitaine n’est pas dénoncé. La culture du silence aussi. Je l’explique par la fraternité dans le combat, celle-ci l’emportant sur la loyauté envers une unité supérieure.
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