
Natacha Polony est une journaliste qui se croyait tout permis. Elle a de l’aplomb et une forme d’assurance qui sied à son métier, mais elle n’a pas saisi les limites de la décence dans les raisonnements qu’elle aurait mieux fait de ne pas tenir.
Elle intervient dans un débat sur France Inter, où le génocide contre les Tutsi au Rwanda est évoqué. Et elle renvoie dos à dos « ces salauds », en fourrant dans le même sac « les victimes et leurs bourreaux ».
Nous avons eu la nausée.
Et pour cause, le débat sur le rôle de l’Etat au Rwanda et le soutien apporté aux génocidaires ne s’est toujours pas tenu en France. Mais qui peut contester, un quart de siècle après les faits, ce génocide contre les Tutsi ?
Inverser le rôle des victimes et des bourreaux est pourtant une rhétorique fréquente, en particulier de ceux comme Hubert Védrine qui veulent éviter à tout prix d’avoir à s’expliquer.
Accuser les Tutsi d’avoir déclenché leur propre génocide… J’avais entendu cet argument ignoble des négationnistes de la Shoah qui, à l’université de Lyon dans les années 1980, expliquaient sans sourciller que les Juifs avaient déclenché leur propre destruction et que d’ailleurs tout cela était largement exagéré.
Ce n’était pas l’avis de ma marraine, qui avait perdu une grande partie de sa famille. Mais à cette époque, de tels propos pouvaient encore être tenus, avant qu’enfin la loi interdise de nier, de minorer ou de banaliser un génocide.
Et pour la première fois, cette loi est appliquée au génocide contre les Tutsi.
Rappelons que Natacha Polony est la directrice de la rédaction du magazine Marianne, dont la ligne éditoriale sur le sujet est édifiante. Après avoir publié les thèses révisionnistes de Pierre Adolphe Péan, Marianne a fait la promotion de l’écrivaine négationniste canadienne Judi Rever qui affirme, entre autres, que sur les collines de Bisesero les Tutsi avaient été exterminés par d’autres Tutsi. Des affabulations aussi monstrueuses qu’indécentes.
Pendant deux décennies et demi, les négationnistes ont pu écrire et affirmer que les Tutsi seraient les instigateurs de leurs propres malheurs, et même les initiateurs d’un deuxième génocide contre ceux qui les avaient massacrés.
Un double génocide donc, pour « renvoyer dos à dos ces salauds », une succession de massacres qui, « dans ces pays-là … »
Mais cette fois, une association de rescapés, Ibuka – en français « Souviens- toi » – n’a pas laissé faire, et un juge a effectivement décidé de renvoyer Natacha Polony devant un tribunal correctionnel.
Changement d’ère pour les négationnistes
Négation, « révision » de l’histoire et des responsabilités, destruction de la mémoire et des réalités.
Avec Natacha Polony, nous pouvions craindre de voir proliférer les vérités alternatives, il suffisait de continuer à l’écouter.
Mais désormais, la Justice s’en empare, et les négationnistes qui ont foisonné ces dernières années vont devoir « réviser » leurs théories ignobles.
Et ceux qui se sont compromis avec les génocidaires, en les soutenant et en les défendant, rentrent désormais dans une nouvelle ère.
Ils ne pourront plus, librement, assassiner une deuxième fois le million de victimes du seul génocide que nous aurions pu empêcher.
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