Trump, promoteur de la paix ou du chaos ?

A quoi joue Donald Trump sur la scène internationale marquée par les guerres et les tensions, dans lesquelles les Etats-Unis ont un rôle clef ? Promoteur de lui-même en plus de l’immobilier, voilà que le président américain s’est convaincu de mériter le prix Nobel de la paix ! Cette ambition démesurée – ce n’est pas encore lui qui peut en décider… – a au moins le mérite de le pousser à intervenir dans des conflits dont il pourrait tout aussi bien se retirer en nous laissant nous (Européens) dans l’ennui.

L’Ukraine préoccupe d’autant plus Trump qu’il annonce pouvoir mettre un terme à cette guerre (de plus de trois ans et demi) depuis sa campagne électorale de 2024 mais sans y arriver. Il semble découvrir seulement maintenant la duplicité du président russe Vladimir Poutine, avec qui il se vante d’avoir « d’excellentes conversations » sans pour autant le faire changer d’un iota dans sa guerre impitoyable de soumission de l’Ukraine.

Lire aussi : « Poutine m’a vraiment laissé tomber », Trump au bord du désespoir ?

Sa négociation avec Poutine n’avance pas vraiment, même si elle continue. Pour preuve, son secrétaire d’Etat (ministre des Affaires étrangères) Marco Rubio a rencontré son homologue russe Sergueï Lavrov le 24 sept à New-York.

Poutine veut qu’on lui cède en Ukraine, sans autre forme de procès, ce qu’il n’a pas encore conquis par les armes, soit 6 000 km2 du Donbass, tandis que le président ukrainien, soutenu par les pays européens (mais aussi canadien et australien) de la coalition des volontaires, voudrait l’arrêter complètement, à défaut de le faire reculer.

C’est dans ce contexte de négociations qu’il faut comprendre les déclarations contradictoires et assez provocatrices de Trump sur l’intérêt d’abattre les avions russes qui violent les espaces aériens des membres de l’OTAN (dont il semble avoir oublié par ailleurs qu’il en était le membre le plus important), bien que son secrétaire d’Etat Marco Rubio affirmait le contraire quelques heures heures auparavant.


La Russie, « un tigre de papier » ?

De même, lorsque Trump déclare que l’Ukraine pourrait reconquérir son territoire face à une Russie qu’il qualifie de « tigre de papier », sa communication est d’abord destinée au maître du Kremlin qui se garde bien de réagir directement. En effet, la réalité est que l’armée russe n’a jamais été aussi faible suite à ces années de guerre aux pertes effrayantes et aux conquêtes marginales. L’armée de Poutine, dans son état actuel, n’a pas les moyens de s’attaquer à d’autres pays européens.

La Russie emploie donc contre les pays européens – sans jamais s’en prendre aux Etats-Unis – son arme principale, qui n’est ni un missile ni un avion mais la peur, qu’elle sait instiller dans nos démocraties encore convaincues qu’elles n’auraient plus à se battre. Cette peur de se battre, de combattre, n’arrête pas de tourmenter les pays européens tandis que les Etats-Unis, quant à eux, n’ont jamais cessé de le faire dans le monde entier depuis la Seconde Guerre mondiale, acculturant leur société à la nécessité de défendre, y compris par les armes, leurs intérêts à défaut de la paix.

« l’arme principale de Poutine contre les pays européens est la peur »

Même après trois ans et demi de guerre à leurs portes, les nations européennes peinent à se mobiliser pour se défendre ensemble. Remettant ici en cause la fabrication d’un avion de guerre européen du simple fait de la prétention d’un avionneur français (Dassault pour ne pas le nommer) et brillant là par leur absence de mobilisation pour simplement se protéger des drones, dont l’emploi a pourtant « explosé » dans cette guerre russe contre l’Ukraine.

Guerre des drones et drones de guerre

Les drones posent des questions inédites pour des institutions militaires européennes qui ne brillent pas par leur capacité d’innovation et encore moins d’adaptation à un contexte qui évolue très, très rapidement. Difficiles à détecter (leurs signatures visuelles, radars et thermiques sont très faibles), compliqués à identifier et plus encore à intercepter, les drones surgissent au-dessus de nos territoires comme pour nous rappeler que nous sommes exposés à cet empire menaçant qu’est devenue la Russie de Poutine.

Quelques initiatives seulement ont été prises par des industriels éclairés et des institutions de défense un peu moins en retard que les autres pour s’associer aux Ukrainiens et co-construire des solutions adaptées à cette guerre des drones.

La première capacité à acquérir consiste à pouvoir repérer ces drones et à les identifier (toujours dommage de traquer un drone « ami » !). Les Ukrainiens ont développé pour cela un vaste dispositif de détecteurs acoustiques pour compléter les surveillances radar ou thermique.

Neutraliser un drone… par un drone ?

La deuxième capacité clef dans cette guerre des drones réside bien sûr dans le fait de pouvoir les neutraliser sans générer des coûts prohibitifs (un drone coûte des dizaines de milliers d’euros, un missile des centaines) le tout sans provoquer des dégâts collatéraux qui seraient inacceptables. Les solutions de brouillage, par exemple, sont très difficiles à utiliser près d’un aéroport sans risquer de perturber les liaisons indispensables à la circulation aérienne.

Des solutions de laser de grande puissance sont aussi développées, mais elles sont pour l’instant difficiles à déployer sur le terrain. De plus, elles restent sensibles aux conditions météorologiques (nuages, pluie), au brouillard, à la fumée…

Pour leur neutralisation physique – leur destruction –, les Ukrainiens développent actuellement une génération de drones intercepteurs en estimant que ce sont finalement les vecteurs les plus à même d’aller chasser leurs congénères, à l’identique de l’histoire des avions de chasse développés du fait de l’essor des avions pour observer et bombarder durant la Première Guerre mondiale… c’est l’ère des « drones de guerre », qui volent en essaim plutôt qu’en escadrille.


Dissuader l’utilisation des drones par des opérations en miroir

Prenons maintenant un peu de distance avec l’aspect technique des drones qui nous enfermerait sinon dans une forme d’impasse, où l’emballement technologique rend obsolète toute solution arrêtée en quelques semaines. Regardons ainsi la manière dont ces drones sont utilisés : pour contrer les drones russes, les Ukrainiens ont aussi développé une symétrie dans l’utilisation de ces armes. Ils frappent désormais quasiment au quotidien le territoire russe en visant tout spécialement les installations pétrolières et gazières.

Cette question de symétrie invite les Européens à développer une capacité équivalente aux provocations des Russes. Si ces derniers utilisent des drones pour survoler et perturber le trafic aérien de grands aéroports européens ou des sites sensibles, un message dissuasif pourrait leur être envoyé en faisant de même, à savoir perturber la circulation aérienne de grands aéroports russes par exemple ou les logiciels de gestion des bagages comme les Russes l’ont fait récemment en Europe.

les pays de l’OTAN pourraient s’aguerrir à la lutte anti drones en allant détruire ceux qui volent dans l’espace aérien ukrainien à moins de 100 km de ses frontières

De même, les pays de l’OTAN pourraient s’aguerrir à la lutte anti drones en allant détruire ceux qui volent dans l’espace aérien ukrainien à moins de 100 km de ses frontières et menacent la Pologne ou la Roumanie par exemple. Outre l’aide apportée à la résistance de l’Ukraine, la chasse aux drones russes sur une partie du territoire ukrainien constituerait un champ d’expérimentation de nouvelles technologies et un message fort envoyé à Poutine qui se croit tout permis.

En effet, la capacité de dissuasion ne s’applique pas seulement au domaine nucléaire, mais à tout l’arsenal des armes classiques et permet de renvoyer aussi un message essentiel, celui qui manque le plus dans les arsenaux européens : la démonstration de notre capacité à nous battre.

En avons-nous seulement la possibilité tandis que les Ukrainiens l’ont développée depuis longtemps ?

Le projet de « mur antidrones » a pour première vocation de rassembler les Européens, en évitant de construire une ligne Maginot

Dans ce domaine des drones comme pour beaucoup d’autres, il est plus que jamais nécessaire que les Européens s’organisent ensemble plutôt que de faire du bricolage dans leur jardin, sous prétexte d’une souveraineté depuis longtemps dépassée. Le fait que l’Union européenne s’empare d’un projet industriel commun, appelé « mur antidrones » est intéressant, au regard de l’aspect mobilisation des ressources et mise en commun des intelligences en la matière. Une condition de son succès est qu’il ne se transforme pas en ligne Maginot, dans une technologie particulièrement volatile qui rend tout programme lourd obsolète avant même son déploiement.

Le Monde

Je rappelle au passage qu’un drone, compte tenu de ses faibles dimensions, peut être déposé dans n’importe quelle région en Europe, pour être utilisé ensuite à proximité de la cible visée avec un guidage programmé ou effectué à distance (ou quelques opérateurs de proximité). Ils peuvent aussi s’envoler à partir d’un bateau. Une barrière figée géographiquement serait donc facilement contournée…

Trump, promoteur du chaos ?

Après ce détour par les drones, revenons à Donald Trump dont les propos sur la guerre en Ukraine pourraient laisser penser à une implication plus importante des États-Unis. C’est ce que sous-entend le président Zelensky quand il affirme que les États-Unis vont lui fournir des armes de longue distance très puissantes qui lui permettraient de frapper avec une efficacité accrue sur le territoire russe…

Le Monde


Un soutien militaire imposant des États-Unis s’inscrirait dans les coups de pied « sous la table » nécessaires dans une négociation, des coups (bas) à la hauteur des cartes qui sont posées sur la même table. Des mesures militaires complèteraient assurément les sanctions financières et douanières dont on voit bien que, si elles sont importantes, elles restent insuffisantes pour empêcher un apprenti tsar de mener la guerre qui lui permet de rester au pouvoir.

Se maintenir au pouvoir par la guerre est aussi la caractéristique de la politique du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, qui poursuit depuis deux ans ses opérations de dévastation tout azimut, frappant Gaza dans des dimensions tragiques, mais aussi la Cisjordanie, la Syrie, le Liban et le Yémen. Difficile pour Trump de postuler au prix Nobel de la paix s’il laisse son ami Netanyahou continuer à ravager toute cette partie du Moyen-Orient.

Trump a les moyens d’arrêter certaines guerres, mais en a-t-il réellement la volonté ?

Après avoir rencontré plusieurs dirigeants arabes, Trump prétend vouloir arrêter la guerre à Gaza et empêcher l’annexion de la Cisjordanie… Ce qui est assez étonnant dans cette volonté soudaine mais sans effet immédiat est que l’armée israélienne est totalement dépendante des approvisionnements américains en munitions et en renseignement. Autrement dit, si les États-Unis voulaient réellement faire cesser ces guerres de dévastation menées par Netanyahou, quelques jours seulement leurs suffiraient. Notons au passage que Trump n’a pas annoncé qu’il s’opposerait à une annexion de Gaza par Netanyahou ou un tiers de son invention…

Trump voudrait se parer des habits d’un « promoteur de la paix », mais il est aujourd’hui principalement le promoteur du chaos en acceptant que la loi du plus fort puisse être appliquée par ses amis, Poutine comme Netanyahou, dans une manière d’agir qui déstabilise l’intégralité des relations internationales.

Si Trump monopolise l’espace médiatique avec ses déclarations imprévisibles et souvent incohérentes, le Président américain n’en reste pas moins un facteur crucial du chaos actuel. Et les pays européens ont tout à gagner, dans ce désordre, à s’organiser ensemble dans une véritable Union qui dépasserait enfin le « simple » club de commerçants et de banquiers pour s’occuper de leur propre sécurité.





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17 commentaires sur “Trump, promoteur de la paix ou du chaos ?

  1. Proposition de paix théatrales mais qui semble bien loins de pouvoir ramener la paix à Gaza, sauf si des accords plus sérieux ont été conclu en amont.

    Point d’amélioration, fin de la déportation des palestinniens. Mais nombreux sont les points risquant de coinçés :

    Présidence Américaine de Gaza, même si la proposition de Donald Trump comme président peut être perçu comme une provocation ( rappellont qu’il n’ y a encore pas si longtemps il soutenait la déportation des Gazaouis…) et suggére que les palestinnien propose d’autre candidats, cela reste une façon assez conflictuel de proposer les choses. Cependant envisager l’après Hamas reste un progrès significatifs.

    La non inclusion de l’autorité palestinnienne dont on semble douter de la légitimiter, étrange quand on voit la capaçité de gouvernance de Donald trump et de ses soutients et qui pourtant ne remettent pas en doute leur capaçité à exerçer le pouvoir…

    Pas de pressions et de calendrier pour les Israëliens en cas de non respect de leur part de l’accord, Benjamin,d’ailleurs, sembles avoir accepter l’accord jusqu’au franchissement du seuil de la maison blanche (ou du lieux ou il a rencontrer Donald Trump…) et surtout avoir hates de continuer sa destructions de Gaza!

    Continuer à soutenir que les exactions perpettrer à Gaza sont du à l’enlévement par des criminels d’Israëliens sembles toujours très problèmatiques et ouvre la voie au ravages de tel Aviv ou de Jérusaleme pour lutter contre le traffic de drogue ou des voleurs à l’étalage… Une justice faisant subir à la soçiété plus de tord qu’au criminels qu’elle condanne ne semble guère viable et surtout mener à la disparition de la soçiété qu’elle prétends servir…

    Bref, bien qu’il y ait des progrès le chemin est encore long avant la fin de la guerre, et Donald Trump ne semble pas plus volontaire que Benjamin Nétanyou pour mettre fin à cette tragédie… Salutation, Ludovic melin.

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  2. Cher Guillaume Ancel

    Deux questions?

    1) Que pensez-vous de cette analyse du conflit Russo – Ukrainien par Jacques Baud?

    2) Vous semblez dire que vous n’êtes plus bienvenu sur les médias français? Je m’en inquiète .. à moins d’avoir mal compris.

    Cordialement

    Thierry Boisdon

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    1. Jacques Baud est rentré dans la catégorie complotiste que je garde éloigné, mes amis suisses le confirment…
      Ce ne sont pas les médias français qui m’évitent mais mon entreprise qui m’interdit d’intervenir sur le Moyen Orient (en fait sur Gaza) après l’intervention de réseaux pro Netanyahou…
      C’est d’autant plus regrettable que même la chaîne i24 me demandait pour débattre et montrer que la societe israélienne ne pouvait se résumer à ce sinistre personnage et sa bande d’extrémistes

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  3. Bonjour Guillaume,

    Les USA serait bien inspiré à ce hâter un peu plus avant qu’un troisième front ne s’ouvre en Mer de Chine.

    Enfin, une solution semble se dessiner au Proche Orient qui arrêtera au moins ces bombardements scandaleux sur Gaza.

    À bientôt,

    Philippe

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    1. Apparement pour Donald Trump la guerre civile est déjà en marche au USA, vue que d’après lui la ville de portland est en guerr! Peut être que ses conseillés seraient avisée de lui rappeller que même si cette situations serait sans doute l’une des plus favorable à son maintient au pouvoir au dela de son mandat, en déclencher une contre lui ne résulterait qu’à son évictions et demanderai plusieur decennies pour que les USA sans remette que se soit politiquement ou économiquement… Le plus grand danger pour les USA actuellement n’est pas ce qui se passe à Taiwan mais bien l’intabilité provoqué par la gouvernance Chaotique de Donald Trump et de ses soutients… Salutation, Ludovic Melin.

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  4. Face au condanations internationales de ses exactions à Gaza et aux soutiens au peuple palestinien par la reconnaissance d’un état dont il serait membre,Benjamin Netanyou se défend et évoque une inversion de la notion du bien et du mal! Au vue du bien qu’il apportent au habitants de Gaza, souhaitont que les Israëliens le remettent aux cotés des responsables de se désastre à la CPI (cours pénal international) avant qu’ils n’en face bénéfiçiaient Israël et le reste du monde…

    Pour Donald Trump qui prétends mettre l’intéréts des Américains en premier, on peine à comprendre ce que lui apporte son soutient aveugle à Israël et son accompagnement dans l’abime. Pourtant à n’en pas douté les USA ont été parmis les rares présents pour applaudir le discours du premier ministre Israëliens à l’ONU, et continue à mettre leur véto à toutes déçisions visant à mettre fin à la guerre d’Israël, quitte à soutenir le Hamas par la même, puisque ses résolutions condannes notament les actes térroriste du 7 octobre, mais qu’importe, tant qu’on garantie l’impunité à Benjamin…

    Alors que Vladimir Poutine l’a « laisser tombé », quand réalisera-t-il que son ami Israëlien le conduit tout droit à soutenir des crimes de guerre, contre l’humanité, voir comme reconnue réçemment â l’ONU des génoçides? Le plus vite sera le mieux, pour les habitants de Gaza, du Moyennes Orient et le reste du monde! Salutation, Ludovic Melin.

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  5. Cessons d’accorder crédit et de commenter les props de Trump( comme de nombreuses chaines d’information en continu ) : c’est l’occasion unique pour l’Europe de prendre son destin en main .

    Lutte contre les drones : une ligne » Maginot » anti-drones est inutile ( général Nicolas RICHOUX ) . Développons une aviation de drones intelligents capables de les intercepter !

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  6. Oui, dans leur majorité les Européens n’ont pas encore compris que pour préserver la paix et la sécurité, il faut montrer que l’on n’a pas peur de combattre en cas de nécessité. Et le dictateur conquérant Poutine, froid et calculateur, mise ouvertement sur cette peur européenne.
    Quant au spéculateur immobilier agité qui règne sur les USA, son pouvoir planétaire de nuisance devrait inciter plus fortement 500 millions d’Européens à s’émanciper politiquement, économiquement, et militairement, de 300 millions d’Américains.
    Christian GUILLAUME, génération service militaire (service armé).

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