
J’ai longtemps défendu le fait que les opérations israéliennes qui ravagent Gaza depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023 ne relevaient pas du crime de génocide parce que la destruction du peuple palestinien n’en était pas l’objet. L’été 2025 a fait basculer, chavirer cette analyse : l’apparition d’une famine organisée, conséquence du siège impitoyable menée par l’armée israélienne contre ce territoire de 360 km2, et maintenant cette vaste opération contre la ville de Gaza qui n’est pas une offensive militaire, mais un mouvement de déportation qui ne se cache même plus derrière des objectifs militaires ou de libération des otages.
Lire aussi : Gaza, déportation en cours, pour s’y opposer il faut commencer par le dire
Ces « événements » ne laissent plus aucun doute sur la volonté de s’attaquer (et de chasser) l’ensemble de la population de Gaza, un « peuple » de deux millions de Palestiniens qui ne peuvent pas être confondus avec le Hamas. Dans la course à la violence et à la haine, Benyamin Netanyahou concurrence Vladimir Poutine, bénéficiant de plus du soutien inébranlable à ce stade du président américain Donald Trump, apôtre – je ne sais pas si le terme est approprié – de « la loi du plus fort ».
La première question que pose ce drame est le déni d’une large partie de la société israélienne et du soutien d’une proportion inconnue de la communauté juive qui en France comme en Belgique s’exprime le moins possible sur le sujet. Ces communautés juives sont encore tétanisées par l’hyper violence de l’attaque terroriste du 7 octobre et par la pression qu’elles subissent d’une frange extrémiste qui la somme de ne pas mettre en cause la politique d’un dirigeant devenu fou, Benyamin Netanyahou.
Un silence de la communauté juive qui n’est pas pour autant un soutien à la politique de dévastation de Netanyahou
Des nombreuses discussions que j’ai pu avoir, le silence de la communauté juive n’est clairement pas représentatif d’un soutien à la politique de dévastation de Netanyahou, mais il révèle plutôt la peur d’être pris à partie. La peur d’être menacé notamment par la communauté musulmane qui ne comprend pas comment nos sociétés européennes peuvent se mobiliser ainsi pour défendre l’Ukraine et faire si peu pour arrêter ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui un génocide à Gaza.
Du fait de ces événements terrifiants au Moyen-Orient, car la guerre menée par Netanyahou embrase toute la région de la Syrie au Liban, le risque grandit que la violence et la haine n’enflamment nos sociétés quand nous devrions bien au contraire nous méfier plus que jamais des ravages que ces phénomènes peuvent provoquer. L’exemple des Etats-Unis, en particulier depuis que Donald Trump est revenu au pouvoir, est saisissant de la dérive inquiétante d’une démocratie qui se met à idolâtrer des porteurs de haine et de brutalité crasse.

Gardons-nous des extrémistes, leur seule « solution » est de mettre le feu
Qu’importe leurs arguments, les extrémistes cherchent toujours à imposer leurs changements radicaux en mettant le feu, tandis que nos sociétés développent leur prospérité grâce à de subtils équilibres et une réelle capacité à vivre ensemble. Les déstabiliser peut se faire en un rien de temps, reconstruire ces équilibres prend des décennies. La question cruciale à laquelle nous sommes confrontés est de dire collectivement que nous voulons arrêter ce crime contre l’humanité, en protégeant plus que jamais nos communautés.
Les provocations, les chaînes malsaines de médias qui essayent de nous emmener vers un affrontement contre le « monde musulman » ou dénoncer le pouvoir de la communauté juive, nous mettent en grand danger, car elles ne savent qu’allumer des incendies sans rien régler de ces conflits. Pour l’Ukraine comme pour Israël, ces guerres sont d’abord alimentées par des extrémistes arrivés malheureusement au pouvoir et qui exercent celui-ci pour imposer leur « loi du plus fort », exactement l’inverse du respect des autres qui fonde l’harmonie d’une société.
« La guerre est un fléau en soi qui peut nous faire basculer dans l’inhumanité »
Pour défendre la paix, il ne faut certes pas avoir peur de se battre, mais la guerre est un fléau en soi qui peut nous faire basculer dans l’inhumanité dès lors que nous ne savons plus raison garder. En Ukraine, la Russie de Poutine est devenue ivre d’une violence que personne n’ose arrêter. A Gaza, l’Etat hébreu a perdu pieds du fait du Hamas, et Netanyahou fait désormais sombrer Israël dans le pire cauchemar de son histoire.

Pour approfondir,
Dans la ville de Gaza méthodiquement détruite par Israël, les habitants redoutent une fuite sans retour, par Marie Jo Sader (Le Monde)
« La reconnaissance d’un Etat de Palestine est un levier vers un règlement pacifique », tribune de Michel Duclos, ancien diplomate
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Arte reportage samedi 4 octobre 2025 : famine à Gaza.
Des Palestiniens meurent de faim à Gaza surtout des enfants et meurent aussi parce qu’ils tentent d’obtenir un peu d’aide alimentaire.
Mr Netanyahou nie cette réalité avec des photos truquées.
Honte à lui de prétendre que tous ces enfants sont atteints de maladies génétiques.
Les enfants Netanyahou vont bien, sont en excellente santé et bien nourris. Ils ont eu la chance de naître du bon côté de la frontière.
Les Palestiniens sont les otages du Hamas et de l’état d’Israël.
Qui veut la paix ? Trump pour avoir le prix Nobel.
S Cazeneuve
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bonjour M. Ancel, je vous avais interpellé à au moins 2 reprises pour savoir la raison pour laquelle vous vous refusiez à employer le mot de génocide.
Si pour certains cette terminologie appartient à un domaine réservé, comment qualifie-t-on ce que subit le peuple palestinien ( sans guillemets à peuple) ? Comment nommer justement ce que l’on voit devant nous étant donné que le massacre de civils et l’épuration ethnique sont avérés à Gaza avec, en miroir, l’apartheid systémique, la colonisation et l’expropriation programmée des Palestiniens en Cisjordanie. Comment qualifiez-vous ces agissements du gouvernement d’Israël ?
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La réponse est dans mon article
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oui j’ai bien lu votre article. Je lis attentivement tous vos articles d’ailleurs ! C’ est triste de le dire ainsi mais c’est à la fois énorme et bienvenu qu’un expert comme vous reconnaisse qu’il s’agit ni plus ni moins d’un génocide d’un côté et d’un apartheid de l’autre. Je pense avoir compris le cheminement qui vous a amené à cette conclusion. Que dites vous à celles et ceux qui ont compris l’intention génocidaire dès le 8 octobre 2023? Et enfin comment se fait-il que l’armée israélienne, la société israélienne dans leur majorité soient ainsi aussi déconnectées et insensibles à ce qu’il passe?
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Un génocide à Gaza ? J’ignorais que vous étiez devenu le porte-parole de Rima Hassan et Greta Thunberg !
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Si c’est cela votre seul argument, il ne va pas masquer longtemps la réalité…
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En outre, contrairement aux russes à Marioupol, Tsahal prévient la population avant les frappes !
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bonjour Maurice. Si ces deux personnes vous gênent tant, allez voir ce que disent d’autres experts, historiens qu’on ne peut taxer d’être des « gauchistes ». A un moment donné, on choisit de voir les choses ou pas.
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Il ne faut pas croire Arno Klarsfeld qui comparait les bombardements alliés contre les nazis avec ceux de Gaza et tant d’autres pour lesquels toutes les guerres seraient inhumaines et donc inévitables envers les civils. Même si on peut légitimement critiquer ces alliés dans leurs bombardements massifs en France, même partiellement libérée et pas seulement en Allemagne, et surtout l’emploi des premières bombes atomiques contre le Japon, il me parait évident qu’affamer une population se rapproche du ghetto ou du camp de concentration, si ce n’est du camp d’extermination.
J’écoutais avec intérêt ce matin Ofer Bronchtein le chargé de mission d’EM qui disait qu’une majorité d’israéliens souhaitent une paix avec les palestiniens pour autant que leur soient restitués les otages pas encore affamés ou exterminés par Tsahal et que seule une minorité politico-religieuse radicale prétend s’approprier le territoire que leur accorderait la Torah. Les plus de 65 000 morts gazaouis ne ressusciteront pas les 1 200 tués du 7 octobre, ni ceux morts depuis, y compris les 900 de Tsahal. Cette politique du talion ou de représailles ne s’arrêtera pas par toujours plus de victimes et je crains que loin de voir un pays pacifié, même nos enfants n’y verront plus les attentats cesser.
Avec la contagion de ce conflit dans notre pays, n’en subiront-ils pas eux-même les conséquences sous des prétextes plus ou moins divers et par opportunisme religieux, y compris de certains de nos politiques ? C’est pourquoi il faut condamner tous ces régimes pour qui la force prime le droit, que ce soit à Gaza ou en Ukraine, et la reconnaissance d’un nouvel état comme l’absence de reconnaissance d’une annexion sont les seules armes politiques et pacifiques qui vaillent si l’on répugne à intervenir sous l’égide de l’ONU à Gaza aussi.
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Surtout poursuivez votre travail d’analyse et merci de le partager. Amicales salutations.
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Surtout , poursuivez votre travail d’analyse et merci de nous en faire part.
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Je ne comprends pas pourquoi à chaque génocide la communauté internationale semble sidérée et incapable de réagir.
Quand on relit le discours de Jean Jaurès à l’assemblé nationale en 1896, on constate, 19 ans avant 1915, qu’il connaissait tous les mécanismes du génocide de 1915, dans des faits déjà à l’œuvre, qui ressemblent parfois cruellement aux descriptions du génocide des Tutsi un siècle plus tard, quant aux actes contre les victimes ciblées. Il faut lire la version intégrale, et non le résumé pour s’en rendre compte.
https://www.jaures.eu/category/ressources/de_jaures/
Il semble selon des historiens que certains décideurs pendant la deuxième guerre mondiale ont su très tôt l’existence des camps de concentration. D’ailleurs des Juifs avaient déjà quitté l’Allemagne avant 1939.
Pour le génocide des Tutsi c’est tout aussi consternant. Le Monde avait titré, de mémoire, le 4 février 1964, 30 ans avant 1994, « L’extermination des Tutsis, les massacres du Ruanda sont la manifestation d’une haine raciale soigneusement entretenue. A ma connaissance toute l’élite française lisait Le Monde à l’époque.
Récemment Le Monde a fini par titrer le 17 septembre 2025 en pleine première page « Offensive à Gaza-ville, Israël accusé de génocide« . Enfin ! serait-on tenté de dire.
Dans le cas de Gaza les précédents signes sont particulièrement nombreux et documentés.
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En 1944-45 les horribles bombardements des Alliés sur les villes allemandes ont été accueillis en France et dans d’autres pays d’Europe par des cris de joie. Alors que nettement moins de la moitié des électeurs allemands avaient voté pour Hitler en 1933. Les bombardements alliés ont donc massacré sans faire le détail une partie de ces opposants allemands au nazisme.
De même les horreurs atomiques de 1945 sur Hiroshima et Nagasaki ont été joyeusement fêtées.
Pourquoi ? Parce que les gens qui se réjouissaient du phosphore brûlant des civils allemands et de l’atome explosé sur des civils japonais, avaient souffert du nazisme dont par ailleurs le Japon était l’allié le plus fort.
Ce rappel permet, me semble-t-il, de nuancer les critiques venues de divers horizons à l’adresse de la majorité (pas massive) d’Israéliens favorables ou muets face au traitement abominable infligé par leur gouvernement aux Gazaouis dont tout indique qu’ils ne sont pas unanimement soutiens du Hamas.
Les atrocités terroristes commises le 7 octobre par le Hamas contre des civils israéliens continuent inévitablement de peser lourd dans la mémoire israélienne.
Ce poids est-il pour autant un obstacle ou un frein insurmontables à la solution à deux Etats sans le Hamas ? De mon point de vue, le meilleur moyen de rendre une difficulté insurmontable est de proclamer a priori qu’elle l’est.
Quelle preuve y a-t-il que l’opinion publique israélienne empêcherait définitivement la solution à deux Etats sans le Hamas, si de vraies garanties de sécurité lui sont apportées face aux fanatiques politico-religieux qui ont pour objectif déclaré d’anéantir Israël ?
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Vous soulignez à juste titre que les Européens se mobilisent fortement pour l’Ukraine, mais très peu pour la Palestine. Cela peut s’expliquer, en partie, par une proximité culturelle ou religieuse : les Européens sont plus enclins à soutenir des chrétiens que des musulmans.
En revanche, ce qui interroge davantage, c’est l’attitude des pays arabes et musulmans. Comment expliquer que la quasi-totalité d’entre eux (49 pays à majorité musulmane) n’apporte pas une aide concrète aux Palestiniens, alors qu’ils partagent pourtant une religion et une culture communes ? Est-ce, au fond, la preuve que cette « religion commune » n’existe pas réellement dans les faits, puisqu’ils ne se soutiennent pas ? Ont-ils en réalité des racines religieuses différentes ? Ou bien faut-il chercher ailleurs l’explication de ce paradoxe ?
Par exemple, le président Erdogan affirme avoir fermé l’espace aérien turc aux avions israéliens. Pourtant, un député de l’opposition a montré, preuves à l’appui, que des avions israéliens continuent à le traverser chaque jour depuis des mois.
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Je tant à penser que les extrémistes cherche des bouques émissaires essentiellement pour ne pas avoir à se regarder dans un miroir tout en proposant des solutions radicals, souvent perçu comme idéal et quasiment miraculeuse dont ils n’évoluent l’effet qu’à l’aube d’une position très personnel, et surtout sans appréhender les conséquences autre que celle qui les arranges…
Ainsi par exemple on m’a certifié qu’ils ne fallait plus que l’école soit gratuite, car ils n’y avait pas de raison qu’elle soit supporter par les individus n’ayant pas d’enfants oubliant à essain qu’ils avaient étés eux même des enfants… Ou encore qu’ils faller suprimer tout les postes inutile de la fonction publique sauf celui qui était exercer par celle qui soutenait ses propos jugant son travail comme « essentiel » puisqu’elle l’exercer. Tout ceci coupler à des solutions de façilité et de fuite du réel qui constitue un mélange pour le moins détonnant…
Mais cette egoïsme et cette violence comme solutions miracle ne sont ni une fin ni une fatalité et tout comme Benjamin doit être arreter par notre humanité, nos soçiété ne sont pas vouer à sombrer dans cette idéologie, d’autre courants de penser existent qui au cours des siecles on abolies l’esclavage, mis fin à la peine de mort, établie le droit à l’avortement, au congé payé etc! Salutation, Ludovic Melin.
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Excellente analyse, une fois de plus. Merci, cher Guillaume !
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