Israël, Ukraine : l’heure des comptes ?

L’actualité s’est concentrée en France sur la crise des agriculteurs, mais la situation des conflits au Proche-Orient et en Ukraine ne s’est pas arrêtée pour autant.
Du côté israélien, Benyamin Nétanyahou retarde sans fin une trêve qui permettrait de sortir de ce carnage sur la bande de Gaza.
Pour l’Ukraine, c’est l’Union européenne qui se mobilise (enfin) pour lui garantir qu’elle puisse continuer à se défendre contre l’agression russe. Et pour ce faire, elle n’a pas hésité à neutraliser la duplicité de Viktor Orban, le premier ministre hongrois qui croyait pouvoir la paralyser au nom d’intérêts résolument pro-russes.
Une duplicité qui questionne à l’identique chez Netanyahou et qu’il faudra probablement neutraliser de la même manière pour sortir de l’impasse militaire dans laquelle il a entraîné Israël. 


Le double jeu de Netanyahou

Depuis 6 semaines maintenant, le premier Ministre israélien empêche l’adoption d’un cessez-le-feu tout en affirmant que son offensive militaire contre Gaza va bientôt changer pour privilégier des opérations ciblées au lieu des destructions massives qu’elle mène actuellement. 

Lire aussi : Israël contre le Hamas, un carnage y compris pour les otages ?

Un cessez-le-feu aurait signifié alors le passage à une troisième phase de cette guerre et permis de libérer quelques dizaines des otages israéliens encore en vie. Il était espéré pour la fin d’année 2023, puis promis pour se tenir d’ici fin janvier, l’entourage de Netanyahou se chargeant d’annoncer des signes précurseurs, démobilisation d’une partie des unités militaires israéliennes et promesse d’une augmentation sensible de l’aide humanitaire à une population palestinienne largement éprouvée. 

Lire aussi : Frappe US d’avertissement au Yémen pour stopper l’Iran, et ensuite ?

Mais depuis mi décembre, force est de constater que Netanyahou se joue de la société israélienne et de son puissant allié américain : il donne des signes d’inflexion mais continue inlassablement son carnage sur la bande de Gaza. Après avoir fait raser la partie Nord autour de ce qui est désormais l’ex-capitale de Gaza, il a fait détruire une large partie des constructions au centre, il achève de transformer en ruines le camp de Khan Younes et s’attaque désormais à Rafah, la partie sud du territoire palestinien à la frontière de l’Egypte où s’est réfugiée pourtant une grande partie de la population. Et tant pis pour les otages israéliens que Netanyahou n’a jamais réellement cherché à faire libérer.

Sous couvert de vouloir explorer et neutraliser les tunnels qui parcourent toute la bande de Gaza, le gouvernement Netanyahou est simplement en train de détruire l’essentiel de l’infrastructure du territoire pour le rendre inhabitable. Pendant qu’il affiche un objectif proprement inatteignable et donc sans fin de « détruire militairement le Hamas », Netanyahou poursuit en réalité un autre but, qu’il avait d’ailleurs décrit dans son livre Bibi, my story (Threshold Editions) : vider la bande de Gaza des Palestiniens. 

Netanyahou veut faire fuir définitivement les Palestiniens de la bande de Gaza en la rendant inhabitable 

Il apparaît dès lors assez vain de vouloir convaincre Netanyahou d’une trêve tant qu’il n’aura pas réalisé son objectif réel qui est de rendre la bande de Gaza invivable pour les Palestiniens et les pousser à fuir. Il n’y a pour autant aucune volonté génocidaire au sens de vouloir détruire un peuple pour ce qu’il est, Netanyahou veut simplement – contre toute règle du droit international – chasser les Palestiniens d’une terre qu’il veut pouvoir offrir ensuite aux Israéliens comme un ultime présent de fin de règne. 

Situation opérationnelle sur la bande de Gaza au 2 février, les zones investies par Tsahal sont indiquées en bleu (source ISW)

La destruction totale d’une « buffer zone » (zone tampon) le long de la frontière actuelle de la bande de Gaza (et bien évidemment à l’intérieur du Territoire palestinien), la démolition de grande ampleur de la partie nord et maintenant des parties centre et sud du territoire vont rendre invivable l’ensemble de la bande de Gaza. Lorsqu’il arrêtera son offensive, les Palestiniens seront au milieu d’un champ de ruines et n’auront comme alternative que de s’enfuir dès qu’ils en auront la possibilité. 

Les Égyptiens ne veulent pas accueillir les Palestiniens, mais comment pourront-ils s’y opposer une fois l’offensive terminée alors que ce camp de « réfugiés » aura été dévasté consciencieusement par l’armée israélienne ? Sans compter que les Palestiniens pourraient choisir d’autres destinations pour fuir cette terre dévastée. C’est probablement un exil définitif des Palestiniens que vise en réalité Netanyahou et qui le rend sourd aux injonctions du monde entier, y compris des Américains qui essayent depuis plus d’un mois maintenant de contenir une escalade régionale.

Face aux provocations de l’Iran, via les rebelles Houthis qui s’attaquent au trafic maritime en mer Rouge et via leurs milices en Syrie et en Irak, le risque d’embrasement est d’autant plus grand que certains membres du gouvernement Netanyahou se verraient bien mener aussi une offensive dans le sud du Liban pour réduire les capacités du Hezbollah, en oubliant que ce dernier dispose d’une véritable armée contrairement au Hamas. 

Une trêve sur la bande de Gaza serait une formidable nouvelle, mais elle n’est pas à portée immédiate dans la mesure où Netanyahou poursuit un objectif bien différent qui nécessite de faire perdurer cette guerre alors même que le Hamas a toujours affiché « vouloir instaurer un état de guerre permanent contre Israël ». Netanyahou et le Hamas se rejoignent ici en meilleurs ennemis, les deux veulent rester en guerre. 

L’Union européenne se mobilise enfin pour l’Ukraine

Pour l’Ukraine la situation est très différente parce que l’Union européenne a enfin neutralisé Viktor Orban, le dirigeant hongrois dont la duplicité n’est pas sans rappeler celle de Netanyahou en Israël. Orban s’opposait systématiquement à une aide massive de l’Ukraine en affichant vouloir simplement défendre les intérêts propres des Hongrois. Il oubliait bien évidemment que son pays est largement bénéficiaire de son adhésion à l’Union et surtout qu’il entretient une relation particulièrement malsaine avec Poutine : Orban soutient de fait la Russie en refusant qu’on s’oppose à ses agressions qui menacent pourtant l’ensemble des pays européens.

Lire aussi : Pourquoi nous ne nous préparons pas à la guerre, alors que nous voulons la paix ?

Viktor Orban croyait pouvoir s’opposer à l’ensemble de l’Union européenne en jouant sur ses règles d’unanimité, mais il vient de se faire rappeler à l’ordre et n’a pas insisté quand il a compris que ses partenaires européens étaient prêts à l’écarter en retirant à la Hongrie son droit de vote compte tenu de la dérive autoritaire de son régime et de son opposition destructrice. 

Grâce à cette neutralisation, l’Union européenne peut enfin afficher une unanimité de principe et décider d’un programme pluriannuel de financement de l’Ukraine (50 milliards d’euros sur 4 ans) qui garantit à celle-ci un soutien financier durable alors que son économie comme sa population sont évidemment menacées par l’agression russe. 

Plus encore, sur l’initiative du commissaire européen Thierry Breton, l’Union européenne fédère la production sensible des obus indispensables sur le front de guerre où l’artillerie joue un rôle clef. Plus d’un million d’obus serait livré d’ici le printemps à l’Ukraine, soit le tiers de sa consommation annuelle tandis que la Russie en utilise deux à trois fois plus mais avec des résultats à peine équivalents du fait de la supériorité technologique des armements utilisés par l’Ukraine. 

Poutine a convaincu l’Europe de sa dangerosité 

L’aide massive et durable décidée par l’Union européenne est un formidable obstacle à la politique de violence poursuivie par Poutine et une pièce majeure pour contribuer à notre sécurité collective bien au-delà de l’Ukraine. Les réseaux de Poutine en Europe s’en étranglent, mais la neutralisation de Viktor Orban – qui s’est piteusement retiré de la polémique qu’il entretenait – est un message très clair pour les relais du Kremlin dans les pays européens : la nécessité de se défendre contre la Russie de Poutine fait désormais consensus tellement la prise de conscience de sa menace est profonde.

L’heure des comptes en Ukraine ?

Sur les 1,000 km de front en Ukraine, la situation est globalement figée mais l’Ukraine ne peut résister aux attaques permanentes des Russes qu’avec le soutien de ses alliés. L’heure des comptes sonne aussi pour Valeri Zaloujny, le chef d’état-major ukrainien, qui doit assumer la responsabilité de l’échec de la contre-offensive de l’été 2023. Le président Zelensky lui avait laissé une large autonomie sur cette opération militaire et les comptes vont être soldés.

FILE – In this photo provided by the Ukrainian Presidential Press Office, Commander-in-Chief of Ukraine’s Armed Forces Valerii Zaluzhnyi, front, attends an event for marking Statehood Day in Mykhailivska Square in Kyiv, on July 28, 2023. Rifts within Ukraine’s top leadership have burst into the open following swirling rumors that Ukraine’s top military chief will be dismissed amid reported tensions with President Volodymyr Zelenskyy. The rumors that Zaluzhnyi was being sacked were denied by Zelenskyy’s office and the Defense Ministry this week and the immensely popular top commander still retains his post. (Ukrainian Presidential Press Office via AP, File)

Zaloujny n’avait pas suivi les conseils de ses alliés militaires, américains notamment, et avait préféré essayer d’user la défense russe plutôt que concentrer ses forces pour percer leur « digue », une erreur fatale face à une armée russe aussi résistante que peu performante. Cependant, le président ukrainien sait qu’au-delà des munitions, son armée manque aussi de bras et qu’il devra prendre une décision courageuse de mobilisation alors que le conflit va rentrer dans sa troisième année…

Lire aussi : Ukraine, comment sortir de l’enlisement ?


Neutraliser la duplicité 

L’union européenne a pris une position courageuse en neutralisant, sans modifier ses règles démocratiques, la duplicité de Viktor Orban soutien avéré de Poutine dans le camp européen. Elle pourrait se poser la question de l’importance de procéder de la même manière avec Benyamin Nétanyahou qui entraîne Israël dans un abysse de violence en poursuivant un objectif qui constitue simplement un crime contre l’humanité : faire en sorte de chasser une population de son territoire.




Pour approfondir

Double dénouement à Bruxelles, éditorial du Monde (2 fev 2024)

Guerre Israël-Hamas, jour 120. Point de situation par Le Monde (3 fev 2024)

Corruption des généraux algériens : quand la justice étrangère met à mal une mafia locale, Article de Tom Benoît dans Strategie Magazine 


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24 commentaires sur “Israël, Ukraine : l’heure des comptes ?

  1. Bonsoir, du point de vue Philosophie de l’Histoire, je suis tenté par un parallèle avec Les Rois Maudits (J. de Molay sur le bûcher) :

    Pope Vladimir !
    Cow-boy Donald !
    King Xi !

    Avant un an,
    Je vous cite
    A comparaître
    Devant le tribunal
    De la Terre
    Pour y recevoir
    Votre juste châtiment.
    Maudits ! Maudits !
    Soyez tous maudits
    Jusqu’à la treizième génération
    De vos races !

    Adapté des Rois Maudits (Maurice Druon) –
    Le 13/1/2024

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  2. Bonjour Guillaume et encore merci pour ton éclairage, mais peut-être plus encore merci de dire les choses tout simplement, de dire les choses de ta place. Ça n’a pas de prix. Si j’écris cela c’est peut-être plus encore en écho à la sortie de ton dernier livre ! Mais ça se confirme ici encore.

    Pour en revenir à ton article, tu m’as glacé le sang à la lecture d’un « ultime présent de fin de règne. » Car tout à coup tout un tas de faisceaux que j’avais repérés chacun individuellement ont pris sens globalement dans leur agencement les uns par rapport aux autres. Un moment d’insight comme on dit en psychologie.

    Parce que nous savions déjà que Netanyahou est capable de tout, qu’il n’a pas de limite morale quand il s’agit de sa survie. De plus nous savons ce vers quoi il penche dans l’idée d’une « résolution » de la situation Israël/Palestine. C’est un grand copain de ces deux fous furieux dangereux que sont Ben Gvir et Smotrich, deux de ses ministres les plus influents, malheureusement.

    Que Netanyahou « ne soit pas contre » l’idée de chasser les Palestiniens de Gaza j’en suis certain. Au fond de lui-même il y a aspire. Mais je me disais qu’il a trop le sens de la « real politic » pour se laisser aller à assumer une telle extrémité, un tel crime. À la différence de ses deux copains précédemment cités. Car je vois en lui, Netanyahou, plus de cynisme que de haine. Je dirais que Netanyahou c’est un tiers de haine pour deux tiers de cynisme. Chez ces deux compères ministres les proportions sont à mes yeux inversées, deux tiers de haine, un tiers de cynisme.

    Et alors je voyais quand même un truc insensé dans tout ça, c’est le jusqu’au-boutisme dont il fait preuve on s’acharnant de la sorte avec son armée sur Gaza.

    Il y avait encore un truc contradictoire, qui ne prenait pas totalement sens jusque-là pour moi. C’est a minima cette radicale déception, voire cette détestation généralisée, quasi unanime du peuple israélien à l’encontre de Netanyahou. Ce qu’on annonce in fine comme la fin politique inexorable pour lui, mais plus encore comme l’heure des règlements de comptes vis-à-vis de la justice.
    Et en même temps son suivisme complet (celui du peuple, hormis de nobles et lucides âmes malheureusement trop peu nombreuses,) vis-à-vis des choix de Netanyahou, c’est-à-dire la destruction dramatique mais consciencieuse de Gaza. Ce qui, entre parenthèses, me ramène inlassablement à l’esprit l’image du lapin pris dans les phares d’une voiture. Lapin qui regarde sans broncher la catastrophe lui arriver en pleine figure, sans parvenir à voir quoi que ce soit d’autre à côté (pour le peuple israélien entrevoir la possibilité d’autres solutions, d’autres sorties de crise).

    Et là tu nous dit : « Il n’y a pour autant aucune volonté génocidaire au sens de vouloir détruire un peuple pour ce qu’il est, Netanyahou veux simplement – contre toute règle du droit international – CHASSER LES PALESTINIENS D’UNE TERRE QU’IL VEUT POUVOIR OFFRIR ENSUITE AUX ISRAÉLIENS COMME UN ULTIME PRÉSENT DE FIN DE RÈGNE. » Et là tout à coup tout me semble limpide, tu as raison, malheureusement. J’espère malgré tout que par je ne sais quel miracle nous n’en arriverons finalement pas là. Mais où tu ne vas peut-être pas au bout du truc ; enfin peut-être pas suffisamment explicitement. Cet ultime présent, qui on le voit ferait bon gré mal gré consensus en Israël, doit apparaître maintenant dans l’esprit de Netanyahou comme l’unique et minuscule possibilité de survie, non pas politique, mais de survie tout court pour lui (sous-entendu conserver sa liberté et ne pas finir possiblement derrière les barreaux). Et pour ça effectivement, à hauteur de son cynisme, il serait prêt à tout.

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    1. Bonsoir. Je me permets une petite mitigation sur la fin de Gaza par la force, malgré des apparences trompeuses. Désolé pour les arguments subjectifs.

      L’expérience passée (années 80) des réfugiés Palestiniens au Liban, avec des conséquences locales à prendre en compte, ainsi que la difficulté égyptienne de contenir une région frontalière difficile, limitent fortement la passivité future des nations limitrophes. Du côté Jordanie, le royaume n’aborde pas un mouvement démographique avec enthousiasme. En Cisjordanie, ça rajouterait des problèmes au problème.

      Tout mouvement massif de population aura(it) des effets boomerangs pour le Likoud et ses alliés extrémistes:
      – remise en question des Accords d’Abraham par des nations musulmanes ne pouvant résorber les condamnations internes.
      – impossible élargissement des accords à l’Arabie Saoudite qui était ouverte à d’éventuelles discussions.
      – polarisation complète de la société israélienne, quand la moitié des citoyens reprocheront le bordel sans nom dans une zone sulfatée digne de Mad Max, au prix de l’hostilité croissante de la communauté internationale (dont le Sud).

      Certains savent ce qu’ils gagnent, ils ne savent pas ce qu’ils perdent.

      Avec des Gazaouis que les nations voisines accueilleront difficilement, pour leurs propres intérêts, et avec un nomans-land devenu poudrière, le Graal en bois présente un risque de déstabilisation politique déjà pris en compte en silence, en interne.

      Les occidentaux se battent pour un cessez-le-feu qui sauverait des otages encore vivants, aussi pour stopper une fausse victoire aux effets secondaires douteux. J’ai la faiblesse de croître que des Israéliens perçoivent le pot aux roses, même s’il leur est difficile de mitiger la colère publique après l’infamie.

      Netanyahou peut parfaitement manoeuvrer l’occident, contenir les signaux d’alerte US, refuser de temporiser vis-à-vis de l’Ouest en attendant son pote Trump au pouvoir. Bibi pourra moins vendre des frigos à des eskimos au sein même d’Israel, si aucun otage libéré et trente ans d’ambiance polar dans la région.

      Les Israéliens eux-mêmes stopperont le rêve en couleurs de ceux qui ne sont ni Salomon ni David. Personne d’autre. J’ose croire que des services d’Etat oseront siffler la fin de la récré, parce que vider Gaza ne se résume pas à des slogans ou des claquements de doigts.

      Israël perdrait une petite centaine d’otages encore vivants (même 50). Israël gagnerait quoi, en fait, par rapport à avant ? La belle Histoire ? Pas sûr. L’Egypte et la Jordanie seront-ils les dindons de la farce ?

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  3. Bonsoir Guillaume, merci pour l’analyse. Je ne commenterai pas sur le conflit au Proche-Orient parce que vous avez tout dit, en omettant l’hypothèse que Bibi eut anticipé une infamie du Hamas pour servir ensuite sa doctrine de Grand Israël. Très très faible hypothèse, donc inutile de broder pour faire plaisir à d’autres couillons pas mieux lotis en face…

    Mon commentaire concerne la communication de guerre dans l’invasion russe en Ukraine. Alors que les contexte et situation (les choix?) empêchent Kiev de reprendre ses terres volées à moyenne échéance, la com dans la guerre hybride modifie complètement nos perceptions extérieures. Je vais argumenter avec un exemple précis et récent.

    Début février, une erreur de frappe ukrainienne a tué des dizaines de victimes dans une boulangerie,en territoire occupé. Cette frappe minable arrive au moment où la mobilisation pose problème à Kiev, au moment où le turnover d’effectifs pose souci en défense, au moment où le pouvoir exécutif et la hiérarchie militaire se désolidarisent en apparence.

    Alekseï Poteleschchenko et Ivan Zhushma, parmi quelques autres barons locaux russophiles, n’étaient pas vraiment dans une boulangerie pour acheter du pain:
    https://euromaidanpress.com/2024/02/05/lysychansk-bakery-strike-how-russian-propaganda-duped-western-media/?swcfpc=1

    Je me permets cet exemple pour soutenir le décalage entre des faits et des interprétations. Alors qu’aucune vérification ici n’a été faite, après la condamnation feutrée d’une frappe ukrainienne sur des civils, des arguments contradictoires n’apparaissent nulle part en Europe mainstream. Zero !

    De la même façon, sachant que le mensonge est la seule vérité recevable dans toute guerre jamais propre depuis l’antiquité, les dernières conclusions occidentales sur l’évolution du conflit suggèrent un petit filtrage contradictoire:

    On peut tous reprocher aux militaires Ukrainiens d’avoir planté leur contre-offensive en refusant la disruption du combat mobile concentré. Après… ! Ça ne nous donne aucune garantie de disruption effective sans contre-attaque ailleurs. Ça, on ne sait pas. Plus généralement, le recul des Panzer de la WW2 s’est produit plus de quatre années après une émission radio. Ailleurs, il aura fallu des milliers de tonnes de TNT et deux bombes atomiques pour stopper trois années de guerre totale destructrice. Aujourd’hui on bloque sur la durée d’une guerre de survie.

    Nous sommes en 2024. La deuxième armée du monde est en train de faire souffrir un petit pays limitrophe depuis 2 ans ! La com de guerre bat son plein et c’est vraiment la fin des haricots…

    C’est pas grave, à demain l’Ukraine ! o/

    (Com de néophytes, sans aucune introspection…)

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    1. « Alekseï Poteleschchenko et Ivan Zhushma, parmi quelques autres barons locaux russophiles, n’étaient pas vraiment dans une boulangerie pour acheter du pain »

      Aucun des médias que je suis n’a encore quitté la version poutinienne. Désinformation réussie, malheureusement.

      Fabrice

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  4. Merci de votre analyse. Je me rends compte du vrai but de guerre de Nétanyahou : détruire Gaza et en chasser les Palestiniens.

    Je croyais naïvement que les Israéliens n’avaient pas d’objectif clair, qu’ils attaquaient pour se venger, sans but. Je n’avais pas compris le cynisme de Nétanyahou. Il sait ce qu’il fait.

    Terrible..

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  5. DES MENACES A CONTENIR
    Aucun d’entre nous ne veut normalement connaître de guerre et pourtant nous savons bien que quiconque veut la paix a intérêt à se préparer au pire, c’est-à-dire notamment avoir de quoi calmer les ardeurs de quiconque envisagerait de nous chercher noise : c’est ce sur quoi repose le concept de dissuasion. Par notre armement nucléaire et la menace d’en user, nous sommes donc, en principe, dissuasifs.

    Cependant, l’argument a ses limites dès lors que l’agresseur potentiel, qui affiche en permanence par ses actes comme par ses déclarations un bellicisme inquiétant, dispose du même argument et manie aussi bien que nous le concept d’une menace de riposte pour dissuader, tout en sachant faire preuve de la même retenue que nous qui n’envisageons d’en faire usage qu’en dernier recours, avec le secret espoir de ne jamais avoir à le faire .

    Ce qui nous ramène à des formes beaucoup plus conventionnelles de défense qui sont toutefois soumises aux mêmes critères de crédibilité pour être dissuasives. « Vos chars ne feront pas long feu devant mes missiles et mon artillerie performante dotée de munitions en quantités conséquentes fera en un rien de temps de vos fortifications un amas de décombres », faut-il pouvoir dire les yeux dans les yeux en étant sûrs de notre affaire et sans spéculer sur les succès de quelques coups de bluff !

    Se faire entendre et comprendre par l’adversaire potentiel n’est pas suffisant ; rien ne peut se faire sans le soutien de la nation tout entière, il faut pour cela également être écouté et compris par ceux au nom de qui on parle et on menace. Ce qui nous renvoie à l’absolue nécessité de rendre sensibles à tous nos compatriotes les enjeux géopolitiques et militaires du différend qui nous oppose à la Russie de Poutine aujourd’hui et à ses alliés directs, ou ceux dissimulés le cas échéant.

    Et cette…sensibilisation ne peut se faire efficacement à chaud, si un long travail d’information n’est pas fait à froid en permanence. Il y a des nations qui le font mieux que nous ne le faisons, en raison des prix qu’elles ont eu à payer pour leur sécurité à d’autres moments de leur histoire. Je pense en particulier à l’Etat hébreu, quelles que soient les appréciations que nous pouvons porter sur son action actuelle dans la bande de Gaza.

    Avec cette allusion à Tsahal, en français Force de défense d’Israël, qu’on ne se méprenne ni sur mes intentions, ni sur des arrière-pensées que certains pourraient être tentés de me prêter. Je ne fais pas son apologie, mais attire l’attention sur les liens qui unissent cette force militaire à la nation dont elle est issue. A d’autres égards, ce qui se passe aujourd’hui dans cette partie du pourtour méditerranéen est l’illustration presque parfaite des dangers encourus dès qu’une force militaire se développe et tend à être érigée en seul recours possible et que la frontière entre légitime défense et expansionnisme agressif se brouille chaque jour davantage.

    Si en toute circonstance, le pouvoir politique doit garder la main sur l’action militaire, autrement dit que c’est bien le politique qui doit appuyer sur la gâchette, il peut arriver également que la guerre soit une affaire trop sérieuse et trop grave pour être confiée à la seule responsabilité du pouvoir politique civil…

    Ni va-t-en-guerre, ni pacifiste bêlant. Je crains autant l’un que l’autre, même si le second s’affiche souvent plus rassurant et plus vertueux que le premier. Il est également celui qui risque de se réfugier le premier sous la table quand l’adversaire frappe dessus de son poing en montrant ses crocs. Il me semble que nous avons déjà donné un certain 30 septembre 1938…pour ne pas courir les mêmes risques une fois de plus.

    Ce qu’est Vladimir Poutine n’est guère différent de ce ce qu’était Adolf Hitler à une autre époque : l’affirmation d’une volonté hégémonique et de domination. Cette volonté n’est guère autre que celle manifestée simultanément par Joseph Staline, mise en œuvre dans le pacte passé entre les deux autocrates du XXème siècle et qui a abouti au dépeçage de la Pologne et ouvert la porte aux pires ignominies par la suite. Elles procédaient de la même politique expansionniste, quels qu’en aient été les prétextes et les habillages.

    Les 27 pays membres qui constituent aujourd’hui l’Union européenne ont su surmonter leurs divergences et réticences, mais surtout neutraliser les agissements souterrains de tous ceux qui servent des intérêts hostiles au droit international, sinon au droit tout court et aux idéaux démocratiques dont l’UE est porteuse. L’UE s’engage à continuer à apporter son soutien à un pays agressé et amputé qui demain sera un de ses nouveaux membres. Par cette décision, cette Europe commune a posé un nouveau jalon de son unité et de son existence en affirmant son indépendance et sa souveraineté , sans pour autant manifester un repli sur elle-même. Mais en réaffirmant sa volonté d’être et de rester une référence.

    Je suis de ceux qui s’en félicitent.

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    1. « l’absolue nécessité de rendre sensibles à tous nos compatriotes les enjeux géopolitiques et militaires du différend qui nous oppose à la Russie de Poutine aujourd’hui »
      Ce qu’a lancé Poutine dès son arrivée au pouvoir, d’une via la télévision publique, les films grand public, la vénération de la Grande Guerre Patriotique, la réforme progressive des manuels scolaires d’Histoire.

      Ce qui explique largement ce que les médias occidentaux décrivent comme l’apathie du peuple russe, là où il y a une adhésion majoritaire à se « défendre face à l’agression de l’Occident collectif ».

      Pour ce « dressage » idéologique, le Régime poutinien a pu s’appuyer sur les grandes orientations de l’URSS qui avait déjà façonné avec succès les convictions des citoyens. Un léger rafraîchissement a suffi, avec quelques mises à jour, notamment sur le traumatisme post dislocation de l’URSS.

      Ce sera plus compliqué dans notre Europe démocratique…

      Fabrice

      P.S. : Olga Konkka a décrit en détail dans sa thèse de 2016 l’alignement des cours d’Histoire avec les orientations du Régime, cf. L’Histoire russe du XXème siècle à travers les manuels scolaires. Téléchargeable sur HAL. 731 pages, les conclusions de chaque partie suffisent pour comprendre.

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  6. Vous dites: « Union européenne qui se mobilise (enfin) pour lui garantir qu’elle puisse continuer à se défendre contre l’agression russe »
    En quoi l’Union Européenne, nous, est agressée par la Russie?

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      1. Bonjour Guillaume et encore merci pour ce très bon article. Mais surtout BRAVO pour cette tribune dans Le Monde et cette pétition pour nous tous, citoyens! Signée par vous même, des généraux, des colonels, des historiens, des écrivains, des économistes, professeurs, etc, etc… Cette tribune mérite d’être publiée dans tous les médias, et son contenu devrait être élargi pour se propager en Europe, et plus loin encore! Bravo, bravo, bravo💪🙏.

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    1. Les Pays Baltes sont frontaliers de la Russie et/ou de la Biélorussie, tout en étant régulièrement menacés d’une « opération militaire spéciale » pour les châtier de leur russophobie. Par exemple par Medvedev, vice-président en exercice de Conseil de Sécurité de la Fédération de Russie. Pas tout à fait un sous-fifre.
      .
      Par ailleurs, la Finlande garde en mémoire l’extrême pacifisme que la Russie/URSS lui a témoigné en 1940. Cela lui a coûté la perte d’une grande partie de sa Carélie.

      Sans parler de la Pologne, prise à revers en 1939 par l’invasion stalinienne post accord Molotov-Ribbentrop, et que l’Histoire a enseigné de toujours craindre la Russie.

      A ce jour, ces États, Estonie, Lettonie, Lituanie, Finlande, Pologne, sont encore membres de l’Union Européenne, et ne sont plus assujettis à l’Empire Russe depuis 1917 (même si l’URSS avait repris la vocation impérialiste de la Russie)..

      Un exemple de l’actuelle agression russe contre l’UE.

      Fabrice

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    2. @Pratel,
      Si lors de la deuxième guerre mondiale chaque pays aurait attendu qu’il soit lui-même agressé avant d’agir, Hitler aurait probablement gagné la guerre.
      Les États-Unis, le Canada, l’Australie et d’autres pays qui n’ont pas été agressés directement par l’Allemagne ont pourtant fait d’énormes sacrifices pour libérer l’Europe du joug nazi, des sacrifices incomparables à ce que l’Ukraine nous demande de faire.
      De nos jours le Monde est bien plus interrelié qu’il ne l’était à ce moment-là.

      La liberté est agressée par la tyrannie, ce n’est pas principalement une guerre territoriale, l’objectif de Poutine est toujours le changement de régime en Ukraine car la liberté de sa société est trop dangereuse et met en péril le régime dictatorial mafieux en Russie. La société ukrainienne ne doit pas être plus libre, plus prospère et moins corrompue que la société russe, sinon elle risque de devenir un modèle à suivre pour les Russes.
      La tyrannie agresse la liberté par peur que la liberté ne soit contagieuse. C’est l’aspect fondamental commun entre l’Ukraine et le Taïwan par exemple.

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      1. Nous tergiversons en tant que membres de l’UE et de l’OTAN sur le fait que l’Ukraine, la Moldavie ou la Géorgie n’en sont pas encore membres pour leur refuser un autre appui que financier ou par livraison d’armement. N’est-il pas temps par de nouveaux accords de défense nationaux (comme nous l’avions fait envers tant de pays africains, mais avec de si piètres résultats !) de garantir leurs frontières, quitte à en exclure provisoirement la Crimée, le Dombass, la Transnistrie ou l’Ossétie ?

        A partir de ces entités, le régime russe étend ces métastases pas seulement militaires dans notre direction et vers l’Afrique ou l’Asie après le MO. Je sais bien que cela nous impliquerait dans une guerre mais si l’Angleterre ne s’était pas enfin impliquée elle aussi contre la remise en cause du traité de Versailles, nous serions sous la botte nazie.

        Pour revenir à l’Ukraine, nous avons rejoint le mémorandum de Budapest et si nous n’avons sans doute pas la légitimité d’attaquer le territoire de la Russie, nous avons le devoir historique de protéger l’Ukraine en y envoyant des troupes et des moyens au moins anti-aériens et de contre-frappe, éventuellement circonscrits comme je l’ai écrit.

        Que vaut notre signature et Bamako valait-il mieux que Kiev ?

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    3. « En quoi l’Union Européenne, nous, est agressée par la Russie? »
      La Russie agresse déjà l’Union Européenne en tant qu’organisation supranationale via la désinformation et son soutien « apertum et secretum » (dixit Medvedev) aux partis anti système.

      Plus spécifiquement, la Russie combat activement la France en Afrique, bien au-delà des seules rivalités économique ou politique usuelles dans le champ géopolitique.Cela a commencé en Centrafrique, pour s’étendre à Madagascar, Mali, Burkina-Fasso, Niger, en attendant plus.

      Un exemple parmi d’autres faits prouvés, le faux charnier assemblé par des mercenaires Wagner dans le camp de Gossi (Mali) évacué par l’Armée française.

      Fabrice

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  7. Que Netanyahou serait très intéressé pour rendre invivable Gaza est une certitude. Les images du quotidien peuvent en témoigner Qu’il puisse expulser 2 mllions de personnes, on peut en douter pour plusieurs raisons. Aucun pays voisins ne pourra se rendre complice vis à vis de sa propre population ( risque de déstabilisation interne , radicalisarion au long terme…). De nombreux palestiens préférons mourir sur place que de subir une seconde Nakba ne comptant plus que sur eux mêmes La destructions des infrastructures n’est pas un problème pour certains pays du golf, qui se racheteront une conscience morale par des dotations financières . Et enfin, Israël, sous les yeux de la CIJ, ne peut plus se permettre de faire ce qu’elle veut de façon disproportionnée. Son image et ses soutiens sont sérieusement touchés.
    Gaza est l’épicentre d’une crise régionale de basse intensité et le nouveau front houtis est de mauvaise augure pour les usa, Israël et certains pays occidentaux. Ce front destabilisateur se rajoute au Liban, l’Irak et la Syrie ( voir l’Iran indirectement) comme des petites boulettes de mercure au sol. Les pays occidentaux devront jouer collectif pour pourvoir gérer la situation en mutualisant leurs moyens. Car tout cela va coûter financièrement .
    Cela coûte déjà du côté de l’Ukraine. Les 50 milliards sont 50 milliards retirés des budgets nationaux ce qui se traduira par plus de mouvements sociaux et une radicalisation dans les votes. On en voit les prémisses depuis quelques années déjà avec un vote aux extrêmes voir des contestations corporatistes telles que les agriculteurs La confrontation avec la Russies semble s’inscrire sur le temps long et cette dernière devra développer son économie de guerre pour l’ouest et ses partenariats avec L’Est asiatique et le sud global. Les Brics élargis semblent pour le coup un atout incontournable d’autant que les 2 blocs historiques se sont sérieusement disloqué. De plus, La dédolarisarion se confirme de jours en jours. En définitive, nous avons quittés la guerre froid pour une paix chaude avec basculement l’année 1989

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  8. Que Netanyahou serait très intéressé pour rendre invivable Gaza est une certitude. Les images du quotidien peuvent en témoigner Qu’il puisse expulser 2 mllions de personnes, on peut en douter pour plusieurs raisons. Aucun pays voisins ne pourra se rendre complice vis à vis de sa propre population ( risque de déstabilisation interne , radicalisarion au long terme…). De nombreux palestiens préférons mourir sur place que de subir une seconde Nakba ne comptant plus que sur eux mêmes La destructions des infrastructures n’est pas un problème pour certains pays du golf, qui se racheteront une conscience morale par des dotations financières . Et enfin, Israël, sous les yeux de la CIJ, ne peut plus se permettre de faire ce qu’elle veut de façon disproportionnée. Son image et ses soutiens sont sérieusement touchés.
    Gaza est l’épicentre d’une crise régionale de basse intensité et le nouveau front houtis est de mauvaise augure pour les usa, Israël et certains pays occidentaux. Ce front destabilisateur se rajoute au Liban, l’Irak et la Syrie ( voir l’Iran indirectement) comme des petites boulettes de mercure au sol. Les pays occidentaux devront jouer collectif pour pourvoir gérer la situation en mutualisant leurs moyens. Car tout cela va coûter financièrement .
    Cela coûte déjà du côté de l’Ukraine. Les 50 milliards sont 50 milliards retirés des budgets nationaux ce qui se traduira par plus de mouvements sociaux et une radicalisation dans les votes. On en voit les prémisses depuis quelques années déjà avec un vote aux extrêmes voir des contestations corporatistes telles que les agriculteurs La confrontation avec la Russies semble s’inscrire sur le temps long et cette dernière devra développer son économie de guerre pour l’ouest et ses partenariats avec L’Est asiatique et le sud global. Les Brics élargis semblent pour le coup un atout incontournable d’autant que les 2 blocs historiques se sont sérieusement disloqué. De plus, La dédolarisarion se confirme de jours en jours. En définitive, nous avons quittés la guerre froid pour une paix chaude avec basculement l’année 1989.

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      1. La seule solution ne peut être que politique car le politique n’est qu’une extension de la guerre qui n’est qu’un moyen. Tous les militaires vous le diront. La fuite en avant de la politique israélienne ne fait que radicaliser les opinions et cela est contraire à une approche de compromis. Sauf si le gouvernement israélien souhaite la destruction totale des Palestiniens de Gaza. Ceci est autre chose. Mais ce sera s’en compté sur le problème de la Cisjordanie et de Jérusalem qui va se complexifier

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