Après Gaza, Trump veut imposer la fin de la guerre en Ukraine, mais à quel prix ?

Après avoir obtenu la fin de la guerre à Gaza, en imposant au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou d’arrêter enfin son opération de dévastation, le Président américain Donald Trump a décidé qu’il devait maintenant stopper la guerre en Ukraine. Il ne s’agit pas seulement pour lui d’obtenir le prix Nobel de la paix l’année prochaine, mais de démontrer avec une détermination farouche qu’il est le « Président le plus puissant de l’histoire des États-Unis », l’homme qui peut stopper les guerres.

Pour ce faire, Trump a fait monter les enchères. Ayant rencontré Poutine à Anchorage en Alaska cet été, il a dû constater que le maître du Kremlin n’était prêt à aucune concession et qu’il jouait volontiers la montre pour que tout lui soit finalement accordé.

Aussi, en aidant les Ukrainiens à frapper en profondeur les installations pétrolières russes, en exerçant des pressions sur ses acheteurs de pétrole (l’Inde en particulier) et en menaçant de livrer de nouvelles armes comme les missiles de croisière Tomahawk, le Président américain a fini par obliger Poutine à l’appeler ce 16 octobre et à négocier.

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Ensuite, Trump a reçu le Président ukrainien Volodymyr Zelensky le 17 octobre à Washington pour le préparer à son projet d’accord, et il prévoit maintenant de tenir un sommet (probablement séparé), dans les deux semaines à venir, à Budapest en Hongrie.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban est en effet très proche du dictateur russe – comme la plupart des dirigeants d’extrême droite en Europe – et dirige un des rares pays d’Europe où Poutine peut se rendre sans crainte d’être remis à la Cour pénale internationale, qui le poursuit pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité (tout comme Netanyahou).

Dans le projet de Trump, la guerre s’arrêterait sur la ligne de front qui deviendrait alors une frontière

Si cette conférence débouchait, ce qui est loin d’être une ineptie, un accord de fin de guerre pourrait être trouvé sur la base du gel des positions actuelles, ce que Trump appelle « s’arrêter immédiatement à la ligne de front ». Cette ligne de front deviendrait alors une frontière au tracé particulièrement tortueux, elle ne serait lissée qu’à la marge pour permettre de mieux l’identifier et serait probablement élargie d’une zone démilitarisée, évitant tout contact rapproché entre Ukrainiens et Russes.

Si un tel accord était trouvé, la guerre s’arrêterait, pour un temps au moins. Ainsi, nous nous retrouverions dans cette situation très particulière où les deux protagonistes seraient autant des vainqueurs que des perdants. Trump veut imposer à tout prix la fin de cette guerre en Ukraine, mais quelles en seraient alors les conséquences ?

L’Ukraine serait vainqueur pour sa résistance, mais amputée d’une jambe

Si la guerre s’arrêtait sur le front actuel, l’Ukraine serait vainqueur pour avoir résisté à un « ours » cinq fois plus fort qu’elle. En premier lieu, elle n’aura pas cédé à la peur de se battre et elle aura démontré qu’elle disposait de cette volonté de résister, la seule arme cruciale dans un arsenal. En trois années et demi de combats impitoyables et de pertes effrayantes, l’Ukraine aura tenu aussi face à la multiplication vertigineuse des tombes.

Elle aura résisté également à l’absence de l’implication militaires directe de ses alliés qui voulaient l’aider sans s’engager. Elle aura résisté au découragement lorsque Trump a trahi ses combattants en les obligeant à abandonner leur seule conquête en Russie dans la région de Koursk, et en réduisant drastiquement son soutien militaire quand la Russie croyait l’emporter.

Mais pour autant, l’Ukraine ne pourra pas s’octroyer d’avoir gagné cette guerre. En effet, elle n’a pas réussi à chasser l’armée d’invasion russe qui continuait à avancer – certes à une vitesse très réduite – et qui aura conquis 12% de son territoire depuis 2022, 20% au total depuis 2014, notamment avec l’annexion de la Crimée.

La société ukrainienne serait évidemment soulagée d’un arrêt des combats après avoir autant enduré. Mais elle garderait aussi une forme d’amertume d’avoir autant perdu (un cinquième de son territoire) et de devoir vivre avec ce risque permanent qui camperait à sa frontière, une frontière qui n’en serait plus vraiment une.

L’Ukraine serait néanmoins assurée du soutien financier et politique des pays européens, du Canada et de l’Australie pour procéder à sa reconstruction, après autant de destructions, et pour récupérer une partie de sa population partie en exil.

Un arrêt de la guerre sans victoire qui fragiliserait Poutine

Le maître du Kremlin l’avait clairement annoncé lors du somment d’Anchorage : pour arrêter la guerre il exigeait la cession des 6 000 km2 qui lui manquaient pour achever la conquête du Donbass, soit plus de deux années de guerre supplémentaires pour son armée (éreintée), qui avance désormais à une vitesse largement inférieure à 1% de territoire conquis par an.

Une concession aux lourdes implications que refusaient l’Ukraine et ses alliés de la « coalition des volontaires » mais qui aurait permis à Poutine d’afficher une victoire dans cette guerre sans fin.

En renonçant à cette partie du Donbass, la situation de Poutine serait compliquée, sans « victoire », alors qu’il a fait rattacher ce territoire à la fédération de Russie. Il serait fragilisé – quoiqu’il en dise – par sa propre société qui subit le passage imposé d’économie de guerre et les conséquences sur leur vie quotidienne. Sans oublier les centaines de milliers de familles qui ont perdu un proche ou l’ont vu revenir meurtri par cette guerre, qu’à défaut de pouvoir critiquer, les Russes ne comprennent pas.

« Un arrêt de la guerre dans ces conditions risquerait de n’être qu’un cessez-le-feu temporaire »

Un arrêt de la guerre dans ces conditions risquerait de n’être qu’un cessez-le-feu temporaire pour le dictateur russe qui craindrait alors autant pour son pouvoir que pour sa vie.
Comme Netanyahou face à la société israélienne, Poutine sera en difficulté s’il sort de la guerre sans pouvoir afficher une victoire même limitée au Donbass, tandis qu’il croyait soumettre l’Ukraine en quelques semaines.

Trump pourrait mettre fin à la guerre en Ukraine, dans un accord sans vainqueur et une paix sans avenir

Malgré les apparences, si Poutine concède réellement de s’arrêter au front actuel, ce qui semble avoir été l’objet de la longue conversation qu’il a tenue avec Trump, la situation de cette guerre contre l’Ukraine peut rapidement changer. Le Président américain obtiendrait certes un arrêt de la guerre en Ukraine mais sans pour autant qu’une paix durable puisse s’établir…, sauf si Poutine perdait enfin le pouvoir après de cette absence de victoire militaire.

S’il obtient un accord sur l’Ukraine, Donald Trump nous plongera dans une situation troublante : une guerre sans vainqueur et une paix sans avenir. Dans ce contexte, l’Europe de la défense ne serait plus une option, mais une assurance-vie.


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11 commentaires sur “Après Gaza, Trump veut imposer la fin de la guerre en Ukraine, mais à quel prix ?

  1. Trump n’a rien obtenu du tout à Gaza. Il a juste obtenu le retour des 20 otages vivants et de quelques dépouilles. Maigre consolation. Car le Hamas ne désarmera JAMAIS. Le premier article de la charte du Hamas, stipule « le disparition de l’Etat Juif ».

    Le Hamas ne désarmera JAMAIS, car il est dans le viseur des autres groupuscules et autres « familles » Palestiniennes ( Le clan Doghmush et les forces Populaires de Yasser Abou Chabab). La preuve ? Les exécutions en public des « traitres ».

    Pour l’Ukraine, Trump va une fois de plus plier devant les exigences de Poutine. Faut-il rappeler les nombreux soutiens financiers dont Trump a bénéficié depuis plus de trente ans ?

    Donc Zelensky ne pourra compter que sur l’aide de l’Europe. A ce sujet là, c’est un « front fracturé » car tout en se méfiant de Poutine, AUCUN pays européen n’est prêt à provoquer la colère du maître du Kremlin.

    Zelensky va se retrouver tout seul…face à l’Ours russe. Et dans le balcon de l’Opéra les dirigeants européens regardent le spectacle

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    1. « fontaine, je ne boirait pas de ton eau… »

      Le désarmement du hezbola au liban ne signifie en aucun cas qu’ils ne sont plus en possession d’armes, mais que pour les autorités libannaises ils n’y sont pas autorisé, le désarmement du hamas serait sans doute du même ordre, assoçié à une dissolutions administrative ne lui permettant pas de se présenté au élection en Palestine par exemple, ils continuraient sans doute à exister dans la clandestinité mais ceci est une autre histoire!

      Pour ce qui est des Européens, ce n’est pas les gouvernements près à faire face à son couroux mais plutôt les quelques vieux amis qui sont près à encore prétendre qu’ils s’en inquiétent qu’il devient de plus en plus diffiçiles à trouver, à priorie ils tiennent sur les doigts d’une main, la Biellorussie, la Hongris, La Slovaquie, peut être la Georgie et la République Tchéque… Pour le reste ils sont au mieux indifférents, au pire pour lui près à rentrer en guerre si l’occasion se présente, ou l’exige… S’embourber en Ukraine pendant plus de trois ans n’a pas vraiment aider la Russie à faire plier le monde sous ça terreur…

      Salutation, Ludovic Melin.

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  2. Peu importe si Trump est officiellement immatriculé comme agent d’influence russe ou pas : jugeons-le sur ses actes ! Et ceux-ci nous portent à le croire …

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  3. Donald Trump à peu être la volonté d’imposer la paix pour paraitre fort mais sa methode est loin du rouleau compresseur, plutôt un marteau piqueur tapant d’un coté ou de l’autre au grès de ses humeurs, relançant sans cesse l’espoir pour les Russes qu’il finisse avec son gouvernement par lacher les ukrainniens et offrir par la même la victoire à la Russie…

    Ce faisant il se place en médiateur priviligier par Vladimir Poutine, mais affaiblie sa capaçité à imposer la paix à celui-çi… Heureusement il n’est pas le seul acteur dans se conflit, et d’autre notament les Européens moins versatile exerce une pressions soutenu sur la menace Russe et un soutient préçieux à l’Ukraine. Ainsi qui sait peut être parviendra-t-il à faire s’effondrer l’ours de papier d’un coup bien plaçer au hazard de ses gesticulations profitant du déséquilibre provoquer par ses alliers. Salutation, Ludovic Melin.

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  4. A mon avis, ce n’est pas être « va-t-en-guerre » que refuser toute réédition de Munich, et considérer comme seule issue rationnelle, équitable et sécurisante le retour en Russie du soldat russe
    Avec restitution à l’Ukraine de tous ses territoires reconnus par la légalité internationale, Crimée incluse.
    Avec pression sur la Russie pour qu’elle livre le dictateur Poutine au TPI, ainsi que son adjointe responsable et coupable du vol et de la déportation de milliers d’enfants ukrainiens (dont Trump ni les ultradroites européennes ne parlent jamais). Même si cette pression tarde longuement à porter ses fruits, elle aura son utilité.

    Le dictateur froid et cruel du Kremlin conservant impunément ses conquêtes, quel encouragement à d’autres tyrans surarmés qui sévissent sur la planète ! Quelles menaces futures sur la Paix !

    Mais pour éviter cela, il faudrait que les opinions publique française, espagnole, italienne et allemande aient enfin la lucidité de s’inspirer des peuples scandinaves (y compris la Suède naguère si neutraliste ! ), finlandais, polonais et baltes, qui affichent clairement leur courage d’accepter de combattre s’il le faut.

    Christian GUILLAUME (génération service militaire).

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  5. pas si vite en besogne, hélas, si Trump veut la fin de la guerre à Gaza ( c est pour s enorgueillir, de mon point de vue) et tenter d arracher le Prix Nobel de la Paix.

    pourtant son acolyte Netanyaou ne s embarrasse pas pour prolonger ce conflit prétendant deterrer ces malheureux sous des décombres

    meme si on peut lui accorder un peu de vérité au nom des familles des défunts, ce moyen machiavelique et sordide demeure une monnaie d echange tres commode et mafieuse

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    1. On oublie souvent que Trump a aussi une autre raison de vouloir mettre fin à cette guerre : les affaires, pour sa famille et lui. Il veut faire de la « business » en Russie, dans une économie qui ne soit pas menacée par la guerre.

      Er puis, j’aimerais bien qu’un jour, toute la lumière soit faite sur l’allégation selon laquelle Trump serait l’homme de la Russie aux États-Unis. C’est la thèse, à ma connaissance, d’au moins deux livres, un en France et l’autre aux États-Unis.

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