Ukraine, la pression monte en vue des négociations


J’essaie souvent de traiter en un seul article les questions du conflit à Gaza et de la guerre contre l’Ukraine menée par la Russie de Poutine. Ce n’est pas toujours une évidence, sauf pour le rôle central que joue le président américain Donald Trump dans ses tentatives de résolution de ces conflits. S’il a manifestement rencontré un certain succès pour stopper la guerre menée par Netanyahou contre Gaza, Trump rencontre plus de difficultés pour obtenir un accord de son autre ami, Vladimir Poutine, qui ne se laisse pas aussi facilement tordre le bras.

Lire aussi : À Gaza, Trump obtient la fin de la guerre, mais la paix est une autre affaire

Outre la crise gouvernementale française qui n’en finit pas, notre attention est focalisée sur le cessez-le-feu du 10 octobre à Gaza, marquant probablement la fin de cette guerre qui aura duré deux ans. Malgré ce succès au Moyen-Orient, Trump n’a manifestement pas renoncé à trouver un accord pour stopper la guerre russe de Poutine contre l’Ukraine, avant qu’elle ne termine sa quatrième année. La tension monte tandis que les échanges se multiplient, moins à la table de négociation que sous cette même table, sous la forme de coups de pied divers et variés.


Poutine veut être craint mais son armée est éreintée

L’objectif pour la Russie est de démontrer son pouvoir de nuisance et l’obligation de lui faire le maximum de concessions pour stopper cette guerre. La réalité est assez différente – la guerre étant aussi un théâtre des illusions –, l’armée russe est épuisée, tout comme l’économie du pays, et Poutine a intérêt à stopper temporairement ce conflit en le faisant passer pour une grande victoire. Le maître du Kremlin multiplie à cet effet les provocations contre les Européens, notamment avec ces intrusions de drones sur de nombreux pays, la France comprise.

Lire aussi : mise sous pression de Poutine en Ukraine

Poutine s’attaque aussi aux capacités de distribution de gaz de l’Ukraine, installations plus fragiles que les sites électriques, parmi les cibles civiles qu’il fait bombarder chaque nuit. Rien de bien nouveau du côté russe, si ce n’est l’utilisation intense de son arme principale qui est la peur que cet empire menaçant souhaite inspirer.

Mais en regard, les Ukrainiens résistent avec efficacité et les Européens réagissent plutôt bien, en s’organisant collectivement, lentement mais méthodiquement. Ils ont largement dépassé la crainte de ne plus être protégés par les États-Unis et la peur paralysante de devoir affronter une armée russe aux capacités notablement diminuées.

Le Monde


Quand Trump arme mieux encore les Ukrainiens pour frapper en Russie

Donald Trump menace – lui – avec un sourire, de livrer aux ukrainiens des armes beaucoup plus puissantes que celles dont ces derniers disposent actuellement, afin de bombarder le territoire russe en retour des attaques qu’ils subissent au quotidien… En pratique, les Américains fournissent depuis plusieurs semaines les renseignements indispensables permettant aux drones et missiles ukrainiens, relativement peu sophistiqués, d’aller attaquer efficacement les infrastructures pétrolières russes les moins bien protégées et de contourner leur défense.

Le Monde

Trump évoque ainsi la livraison de missiles de croisière Tomahawk, qui n’ont rien de révolutionnaire, mais qui sont très puissants et relativement difficiles à intercepter compte tenu de l’étendue du territoire russe. Les discussions autour des Tomahawks sont emblématiques d’une volonté de faire monter la pression, qui pourrait très bien venir aussi d’autres armements américains plus modernes mais moins connus.

Le Monde

En fait, ce sujet est beaucoup plus politique que technique. Ce ne sont pas les Tomahawks en tant que tels qui sont importants, mais l’implication politique que représenteraient de telles livraisons : les Etats-Unis armeraient l’Ukraine pour frapper plus durement encore le sol russe, y compris des cibles durcies comme des soutes à munitions sur des bases militaires ou l’intérieur d’immeubles pas forcément militaires. Là où un drone explose en façade, un Tomahawk détruit l’intégralité de l’étage… jusqu’à 2 000 km de portée.

Le Monde

Poutine l’a bien compris et qualifie ces livraisons de bluff… alors qu’il s’abstient en général de commenter en direct ce genre de sujets ou qu’il menace au contraire des pires mesures de rétorsion quand il ne peut faire autrement.

« Poutine souhaite préserver sa relation avec Donald Trump »

Manifestement, en affirmant envisager seulement le renforcement de sa défense aérienne (dont tous les moyens sont déjà utilisés), Poutine souhaite préserver sa relation avec Donald Trump, sa seule voie de sortie pour réintégrer le concert des nations occidentales dont il s’est isolé avec cette guerre qu’il n’arrive même pas à gagner.

La négociation sur l’Ukraine continue et va monter en pression

Dès que Trump aura fini de s’auto-congratuler pour Gaza, il reviendra à la charge sur la sortie de la guerre en Ukraine avec sa farouche volonté de déboucher, tandis que Poutine espère encore imposer des concessions majeures, notamment les 6 000 km2 du Donbas, dont il n’a pas réussi à s’emparer. Son armée ralentit, elle n’a progressé que de 250 km2 au mois de septembre 2025, il lui faudrait à ce rythme plus de deux nouvelles années de combats sanglants pour atteindre seulement les limites du Donbass, et deux siècles pour soumettre l’Ukraine.

Trump va jouer du « mon ami Vladimir » au tyran russe qui ne pourra même pas prétendre qu’il s’agit d’un combat idéologique… Poutine croyait que Trump était empressé et allait tout lâcher, mais les Européens ont convaincu le président américain que les Ukrainiens étaient capables de résister, à condition de ne pas être abandonnés.

Poutine voulait laisser penser que sa proie allait s’effondrer, mais avec plus de trois années et demi de guerre, l’Ukraine a surtout démontré que l’arme la plus puissante de tous les arsenaux militaires était l’esprit de résistance, cette volonté farouche de se défendre sans avoir peur de se battre, même contre un ours.

Les Européens – s’ils restent unis – peuvent faire pencher la balance

Et dans ce nouveau round de négociations, ce sont les Européens – s’ils restent unis – qui peuvent faire pencher la balance et permettre ainsi de figer le front sans concessions supplémentaires à la Russie de Poutine. Ils auront alors du temps pour réunir leurs forces et s’affirmer enfin comme une puissance qui ne se laisse plus menacer – par les uns ou par les autres –, devenir un ensemble qui saurait désormais se défendre, à condition de s’accorder sur un projet politique bien plus que sur des accords militaires.



En savoir plus sur Guillaume Ancel - Ne pas subir

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

7 commentaires sur “Ukraine, la pression monte en vue des négociations

  1. Il serait temps que Zelensky fasse des concessions en vue de la paix. Il ne cesse de réclamer des armes en espérant une impossible victoire. Poutine peut transiger mais pas capituler.

    J’aime

  2. Le nerf de la guerre, c’est l’argent. Qu’attendent les États-Unis et les pays européens pour régler le cas de la flotte de pétroliers fantômes de Poutine?

    J’aime

  3. Bonjour Guillaume,

    Ceci est plus une question qu’un commentaire : sur quels éléments te bases-tu pour dire que l’armée russe est épuisée? Je lis par ailleurs que la Russie utilise de plus en plus de drones de type Shahed pour cible les premières lignes ukrainiennes. Si l’infanterie russe est mise à mal, l’ukrainienne l’est aussi.

    Autre question : sait-on quelque chose du navire russe arraisonné par la marine nationale?

    Bien sincèrement,

    Charles

    J’aime

Répondre à Ne Pas Subir - Blog de Guillaume ANCEL Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.