À Gaza, Trump obtient la fin de la guerre, mais la paix est une autre affaire

Donald Trump, contre toute attente (au moins la sienne), n’a pas obtenu le prix Nobel de la Paix. Mais le président américain mérite néanmoins le prix de la détermination, surtout si il fait montre de la même qualité pour la guerre en Ukraine, à laquelle il s’attaquera probablement une fois qu’il aura terminé de se tresser sa propre couronne de lauriers pour avoir mis fin à celle de Gaza.

Fin de la guerre de Gaza le 10 octobre 2025

La préparation de ce plan a commencé dès le début de cette guerre, déclenchée par l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023. Une attaque terroriste dans la mesure où elle n’avait aucun objectif militaire, mais seulement celui de terroriser la société israélienne, en s’en prenant avec une violence déchaînée à des civils, faisant 1 200 morts et en enlevant 250 otages.

La réaction du gouvernement Netanyahou, largement responsable de cet échec effrayant alors qu’il se vantait d’apporter la sécurité aux Israéliens avec une politique ultra violente, a été totalement disproportionnée. Elle a confondu en particulier une organisation terroriste – le Hamas – avec l’ensemble de la population de la bande de Gaza, soit 2,1 millions de Palestiniens pour l’essentiel.

Netanyahou a déchaîné un enfer de violences et de destructions contre Gaza – avec des munitions américaines –, en bombardant, en explosant, en rasant l’essentiel de ce minuscule territoire de 360 km2. Tout y est passé, maisons, immeubles, écoles, hôpitaux, mosquées et même les cimetières…

Entre 150 et 300 bombardements ont été menés par jour, épuisant immédiatement les « cibles militaires » dont on peut d’ailleurs douter de la réalité, le Hamas n’ayant jamais disposé d’une armée, mais de miliciens connus pour leur désorganisation et leur indiscipline.

« principalement des victimes collatérales qui sont devenues principales dans ce conflit »

D’après les renseignements israéliens, ces miliciens du Hamas sont passés de 30 à 60 000 « grâce » à cette guerre qui ne les a jamais ciblés mais plutôt enragés et finalement alimentés… Les chefs du Hamas finiront d’être exécutés par les services israéliens dans les années à venir, mais en évitant enfin de faire essentiellement des victimes collatérales, devenues principales dans ce conflit.

L’autre objectif affiché de Netanyahou était de libérer les otages, mais il n’a cessé de mentir à sa propre société puisqu’il continuait les bombardements sans relâche. Seuls deux épisodes de cessez-le-feu auront permis d’en libérer certains, et ce dans un état lamentable. Les otages n’ont jamais été sa préoccupation et pourtant Netanyahou se vantera après la guerre de les avoir ramenés, alors que c’est Trump qui l’aura obligé à procéder.


Donald Trump a imposé un accord à son ami Netanyahou en lui tordant solidement le bras

Tandis que le Hamas prolongeait autant qu’il le pouvait le « martyr du peuple palestinien », Netanyahou n’avait aucune intention d’en finir, d’autant que la guerre lui a garanti pendant deux ans son maintien au pouvoir quand il aurait dû être jugé pour de multiples affaires de corruption et de mensonges. Mais Trump a une immense force par rapport à son prédécesseur Joe Biden qui a brillé par son indécision : il décide (certes à l’emporte-pièce…) et ne laisse personne l’arrêter, même ses amis.

Quand Netanyahou a voulu prolonger sa guerre contre l’Iran début 2025, Trump l’a arrêté au bout de 12 jours estimant que c’était assez, et Netanyahou a dû obtempérer tant il est dépendant de son « fantastique » ami américain. Une dépendance de tous les instants, financière, militaire et sécuritaire. Sans les Etats-Unis, Israël ne serait plus qu’une modeste nation de 10 millions d’habitants, entourée de voisins hostiles et dont l’espérance de vie serait de fait réduite à celle d’une flammèche.

Lire aussi : « La guerre des 12 jours » entre Israël et l’Iran, autorisée et arrêtée par Donald Trump

Le président Biden le savait mais n’a jamais rien fait. Trump, lui, n’a pas besoin de l’évoquer : il s’en sert au quotidien pour contraindre Netanyahou à respecter ses propres projets qui sont en fait le fruit d’une succession de plans de paix ébauchés depuis deux années de guerre. La réelle différence qui a permis de mettre fin à cette guerre est la détermination de Trump à déboucher face aux innombrables tentatives de Netanyahou à le faire échouer, allant jusqu’à bombarder les émissaires du Hamas au Qatar alors qu’ils examinaient cette proposition.

D’ailleurs, l’accord était obtenu et annoncé par Trump dès le 3 octobre, mais Netanyahou n’a pas pu s’empêcher de prolonger la dévastation de Gaza une semaine de plus, faisant 500 morts supplémentaires totalement inutiles…

Lire aussi : espoir de paix pour Gaza


Des « tiers de confiance » pour vérifier l’application de cet accord

Dans ce contexte, nul ne peut faire confiance aux deux protagonistes, le Hamas et le gouvernement Netanyahou, pour mettre fin au conflit. L’accord a donc confié à des « tiers de confiance » de superviser son application, en l’occurrence des soldats américains pour commencer, puis égyptiens, turques, émiratis et qataris pour la suite, préfigurant une force multinationale de stabilisation.

Le Monde

La première phase de ce plan prévoit en effet une séquence assez classique de cessez-le-feu (officiellement le 10 octobre), avec le repli sur une première ligne des forces israéliennes (de la moitié du territoire); puis le retour des otages restants (dont une vingtaine encore vivants) dans les 3 jours suivants, ainsi que l’accès de l’aide humanitaire qui cesserait enfin d’être étouffée, contrairement à ces derniers mois où la pénurie organisée avait provoqué une famine odieuse.


Cesser une guerre ne ramène pas la paix pour autant

Cette phase sera émaillée d’incidents, de menaces et de violences, mais sans commune mesure avec ce qui s’est passé durant ces deux années, en détruisant plus de 80% des infrastructures de Gaza, en tuant ou en blessant plus du quart de la population (plus de 140 000 morts dont la moitié sous les décombres et trois fois plus de blessés). Un désastre, une dévastation et une déportation de la population… qui tente de revenir dès l’annonce du cessez-le-feu pour retrouver un paysage de ruines et de désolation.


Ce plan porté par Donald Trump est donc en premier lieu une excellente nouvelle puisqu’il va probablement mettre fin à un conflit d’une sauvagerie inouïe, qui relève de crimes contre l’humanité bien plus que d’une opération de guerre.

Mais pour ce qui est de la paix, c’est une autre affaire… qui ne se comptera ni en semaines, ni en mois, mais peut-être en générations. Sans oublier les violences inacceptables contre les Palestiniens en Cisjordanie, menées par des colons déchaînés et protégés par l’armée israélienne ou les bombardements sauvages contre le Liban voisin.

Le Monde

La suite de cette guerre va s’écrire sous nos yeux, certains s’ouvriront en mesurant l’étendue des dégâts que l’interdiction de la presse sur Gaza avait empêché, tandis que d’autres s’enfermeront dans le déni, du côté du Hamas comme de Netanyahou.

En France, le 9 octobre rentrait au Panthéon une figure politique française, Robert Badinter, qui s’est battu toute sa vie pour ouvrir les yeux sur les effets désastreux de la violence et de la haine. C’est avec émotion que je lui rends hommage.

Robert Badinter observe une guillotine


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10 commentaires sur “À Gaza, Trump obtient la fin de la guerre, mais la paix est une autre affaire

  1. S’il arrive à faire la paix c’est à dire tordre le bras d’Israël pour enfin avoir l’état de Palestine, il méritera son prix Nobel.
    Sinon il aura juste soutenu un nettoyage ethnique en envoyant des armes que son prédécesseur avait interdit à Israël, et aura libéré des otages qu’il était facile de libérer il y a un an.

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  2. Au sujet du Panthéon, je ne comprends pas pourquoi la République veut à tout prix se créer des saints. Comme si leur action, pourtant reconnue, ne suffisait pas. Je trouve que c’est un pli culturel issu du catholicisme. car vous pourrez chercher partout, cette solennité ne se retrouve que dans les béatifications du Vatican.

    Parmi de récentes personnalités panthéonisées, toutes d’un immense mérite par ailleurs, l’une était membre du gouvernement Baladur en 1994 et ne s’est guère montrée pertinente pendant le génocide des Tutsi. Son point de vue exprimé à ce sujet plusieurs années plus tard fut (de mémoire) :  » Les Belges étaient du côté des Tutsis et les Français du côté des Hutus ». C’était lors de la présentation de la base de données des violences de masse à Science po. C’était pour le moins simpliste ! En 2004, dix ans après le génocide, elle accepta la publication d’un entretien dans le livre MUJAWAYO Esther et BELHADDAD Souâd, SurVivantes – Rwanda, histoire d’un génocide. Mais cet entretien m’a donné l’impression d’une difficulté à sortir de son histoire pour comprendre « l’autre » génocide. Quant à la personne panthéonisée le 9 octobre 2025, il fut particulièrement silencieux lors du génocide des Tutsi et de l’implication de la France par son ami François Mitterrand dans ce génocide. Mais deux ans après, comme rapporteur de la commission des lois du sénat, il présenta l’adaptation du statut du TPIR (Tribunal pour le Rwanda) dans la législation française. C’est tout.

    Comme disait Jésus, aucun saint n’est parfait.

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  3. Trump veut faire des affaires et la guerre l’empêche de faire des affaires. Il joue du violon sur « les morts inutiles », qui sont vraiment inutiles j’en conviens, pour masquer ses véritables intentions. Dans ce contexte, pour lui un cessez-le-feu s’apparente à la paix. Ses acolytes peuvent ainsi voyager tranquille à travers le monde pour faire des affaires. Le ciel n’est plus encombré de missiles potentiels. Il se vante d’avoir mis fin à 7 ou 8 conflits. Je vois bien que, pour un conflit que je connais un peu, celui de l’Est du Congo, c’est faux. Sur le terrain la situation n’a pas évolué.

    Il « a tordu le bras à Netanyahu ». Mais il n’a pas tordu le bras à la politique US qui fut le principal soutien de la guerre inutile de Netanyahu pendant deux ans. C’est une réponse effectivement disproportionnée par rapport à l’attaque terroriste du 7 octobre par le Hamas.

    La Bible parle de loi du talion. Elle n’a pas été respectée, amis exponentiellement outrepassée par ces intégristes juifs qui veulent la guerre, mais en plus refusent de la faire au nom de la Tora et comptent sur leurs frères « infidèles » pour la faire. C’est d’une lâcheté accomplie.

    Avant que Trump ne torde le bras de Netanyahu, des pays occidentaux, dont la France, ont décidé enfin de reconnaitre l’État de Palestine. Trump a essayé de minimiser ce fait, mais en réalité ce fut une alerte pour la politique US. Ces pays n’écoutaient plus le grand frère. Cela fait partie du contexte. Cela a probablement provoqué un basculement de voir une perte d’autorité de la politique US sur le monde occidental. Trump a dû rattraper le coup.

    Il n’en reste pas moins que Netanyahu et ses ministres ont commis un génocide. Les États-uniens doivent en tirer les conséquences, comme il l’ont fait à Nuremberg. Et là, c’est problématique pour eux, car ils sont complices des refus d’Israël de respecter les résolutions du Conseil de sécurité et de la fourniture de moyens pour les destruction du peuple palestinien.

    Sera-t-il possible de refondre l’ONU ? Comment « tordre le bras » des nations quand elles opposent des vetos au respect du droit international ?

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  4. Samedi 11 octobre 2025, ARTE Reportage: la guerre à Gaza vue du côté de la population israélienne.

    Les Israéliens manifestent et donnent de la voix pour récupérer leurs otages sains et saufs si possible.

    Des Israéliens, tout de noir vêtus et dans un silence impressionnant, manifestent en tenant dans leurs mains de grandes photos d’enfants palestiniens morts sous les bombardements de l’armée israélienne.

    Des juifs orthodoxes manifestent bruyamment et se jettent au sol pour ne pas être enrôlés de force dans l’armée israélienne.

    Et que fait Netanyahou pendant ce temps ?

    Il colonise une certaine partie de la bande de Gaza en y installant des familles de volontaires avec armes et bagages.

    La paix n’est pas signée.

    La fin de la guerre n’est pas promulguée.

    Installer des colons israéliens dans la bande de Gaza est une provocation qui va engendrer un regain de tension avec intifada et reprise d’actes criminels par le Hamas.

    Le Proche Orient n’est pas prêt de vivre dans le calme.

    Jeudi 9 Octobre 2025 Paris.

    Le cénotaphe de Robert Badinter a parcouru la rue Soufflot en passant à plusieurs reprises sous des arches symbolisant la guillotine, ultime clin d’oeil à sa lutte contre la peine de mort et la mise au musée de ce terrible engin.

    S Cazeneuve

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  5. Bonjour M. Guillaume,

    Madame et moi vous écoutons toujours avec grand intérêt. J’allais dire religieusement par réflexe de « boomer » québécois, quand je me suis aperçu du sens tellement ironique de ce terme dans le contexte actuel.

    La Paix au Moyen-Orient
    Combien avant Trump ont réussi ce qui s’avérait comme l’avancée historique?
    Combien ont vu ces efforts rapidement annihilés par les radicaux d’un camp ou l’autre?
    Pas que je le souhaite, croyez-moi, mais je ne peux m’empêcher d’y penser.

    Netanyahou, et son supposé objectif de supprimer le Hamas
    Pas banal de voir le nombre de leurs miliciens doubler en si peu de temps?
    Tout ces Palestiniens avec un désir de vengeance qui durera toute une vie et qui sera transmis aux générations futures.
    Ce type de groupement n’est pas facile à identifier, ils peuvent être très patients, et c’est tellement simple de s’armer dorénavant.
    N’est-ce pas là une preuve convaincante d’un échec à moyen-long terme, pourtant tellement prévisible?
    Sans oublier la Cisjordanie complètement oblitérée par l’habitude du conflit et étrangement omise dans le plan.

    Netanyahou et l’objectif non avoué de génocide
    La réaction positive du monde arabe et la rentrée des Gazaouis créent un doute certain quant à sa réussite.
    Je le répète, même s’ils ne s’enrôlent pas, ils seront patients et déterminés dans leur désir de revivre à Gaza.

    Le Nobel
    J’ai le triste sentiment que, d’ici septembre 2026, bien des actions néfastes viendront discréditer la candidature de Trump.
    Faute de grives (Poutine), il se contentera de merles (Netanyahou).
    S’il fallait en plus que l’extrême droite conserve le contrôle du Knesset!
    Est-ce qu’on retiendra vraiment son effort louable dans 2, 5, 10 ou 30 ans?
    Bizarre, quoi que tellement incroyable, je jurerais que Trump est en train d’y acquérir un « brin » d’humilité; une qualité indispensable à l’attribution de ce prix.

    Bref, laissons les deux camps savourer ce bref moment de répit, de joie et de regroupement familial.

    J’exprime ma prière païenne pour tous les artisans de paix.

    Richard Laflamme
    Drummondville, Québec, Canada

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  6. Analyse éclairante, merci.
    Le long déchaînement de férocité de Nétanyahou a beaucoup effacé dans l’opinion mondiale les horreurs terroristes commises le 7 octobre par le Hamas sur des civils israéliens.
    Et Trump acceptera-t-il que son ami Netanyahou comparaisse devant un Tribunal pénal international (comme devraient l’être aussi les dirigeants du Hamas survivants) ? Ce serait pourtant la conclusion logique du drame.

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Répondre à sissicazen106 Annuler la réponse.

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