Ukraine : ne jamais désespérer, ni pour autant rêver…

Dès après que la Russie ait paradé avec son allié chinois à Moscou pour les commémorations de la « grande victoire patriotique » du 9 mai, la coalition des volontaires qui soutiennent la résistance ukrainienne se réunissait à Kiev le 10 mai, pour lancer un « ultimatum » à Poutine, en lien avec les États-Unis (comprendre avec Marco Rubio) : les alliés de l’Ukraine exigeaient un cessez-le-feu dès le 12 mai, sur l’ensemble du front, et le début des négociations sur la sortie de guerre, puisque Poutine semblait avoir pris cet engagement auprès de son ami Donald Trump. 

Lire aussi : Poutine refuse de cesser le feu contre l’Ukraine, Trump au pied du mur ?

Le maître du Kremlin a réagi inhabituellement vite – dans les heures qui ont suivi ! – en défiant l’Ukraine de reprendre des négociations directes en Turquie le 15 mai, en faisant référence à d’éphémères négociations, déjà été avortées en mars 2022 après l’invasion russe, et, en publiant le cessez-le-feu. Loin de se faire piéger par la contre-proposition de Poutine, le président ukrainien (utilement conseillé par les Européens) a pris « la balle au bond » : Volodymyr Zelensky a annoncé qu’il était prêt à se rendre à Istanbul pour rencontrer Vladimir Poutine, ce dernier en étant passablement surpris. 

Poutine a alors esquivé grossièrement en envoyant comme représentant de la Russie Vladimir Medinski, un historien et idéologue sans pouvoir de décision. C’est lui qui avait conduit en 2022 des discussions sans issue, en réclamant rien de moins que la capitulation de l’Ukraine pour que la guerre (russe !) s’arrête. Medinsky a repris les intentions du Kremlin de discuter « des racines profondes » de ce conflit, ce qui signifie dans ces circonstances un blocage de principe, puisque dans les causes profondes, il faudrait discuter de Poutine lui-même…

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Néanmoins, les délégations russe et ukrainienne se sont rencontrées le 16 mai, sous l’égide de la Turquie, mais n’ont abouti à aucune trêve, ni autre résultat concret qu’un échange de prisonniers. 

Échec de la trêve, mais la négociation continue 

Ce round de négociation ressemble à un échec, mais une situation aussi complexe que la guerre en Ukraine nécessite de ne pas s’arrêter au théâtre des illusions que peut devenir à tout moment un théâtre des opérations. 

Dans les aspects positifs de cet événement – première rencontre directe entre les protagonistes de ce conflit –, il faut retenir d’abord la mobilisation des pays européens « volontaires ». En particulier l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et la Pologne (je les cite dans l’ordre alphabétique) qui ont réussi d’une part à prendre une position unanime et forte contre la Russie, et d’autre part à maintenir un lien historique avec les États-Unis, lien que Trump a fait plus que tanguer. 

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Sur ce point, les diplomates européens soulignent que le travail avec le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, est plutôt efficace. Mais la synchronisation avec Donald Trump reste toujours aussi imprévisible. En effet, personne ne pouvant garantir, même dans son entourage immédiat, comment le président Trump va réagir sur son réseau social qui lui sert le plus souvent de porte-parole personnel. 

De nouvelles sanctions sont aussi en discussion

Devant le refus de Poutine d’arrêter cette guerre, les Européens appellent donc à des sanctions supplémentaires contre la Russie, essentiellement financières et douanières. Ces nouvelles sanctions sont destinées notamment à neutraliser la « flotte fantôme » de pétroliers qui permet à la Russie de continuer depuis 3 ans à exporter son pétrole et de financer en partie son économie de guerre. 

Ces sanctions seraient-elles plus efficaces que les précédentes, alors qu’il s’agit d’un 17ème paquet ? Le principal changement serait le paquet américain – s’il était adopté – qui menacerait de poursuites judiciaires extrêmement coûteuses, les sociétés qui ne le respecteraient pas. On se souvient que la compagnie Total avait ainsi dû s’acquitter (au portefeuille) d’amendes colossales pour ne pas voir respecté l’embargo contre l’Iran (loi d’Amato-Kennedy).

Tout va dépendre de la réaction de Donald Trump confronté à la duplicité de Poutine

Leurs équipes respectives se sont parlé, probablement à plusieurs reprises, mais les deux présidents ne sont pas encore exposés. Cependant, Donald Trump a annoncé le 17 mai (sur son réseau social…) qu’il appelera directement le président russe le lundi 19 mai.

Poutine sait qu’il a beaucoup à perdre si la proposition de Trump – tout à son avantage – venait à être retirée. Et pire encore, si elle se transformait en un soutien largement accru envers l’Ukraine, en même temps qu’une pression financière redoublée contre une économie russe largement affaiblie. 

Mais Trump peut aussi choisir de ne pas se confronter à Poutine, avec une de ses redoutables diversions médiatiques qui lui permettrait de s’investir sur un autre terrain et d’abandonner celui miné de l’Ukraine. 

Trump a pourtant fait preuve d’une extrême détermination sur le sujet de l’Ukraine, obligeant celle-ci et les Européens à défendre une position cohérente, mais à ce stade encore très favorable à l’agression russe : reconnaissance des territoires envahis et abandon des poursuites contre Poutine. 

Dans ce processus complexe de sortie de guerre, le fait positif est qu’il soit enclenché avec une revoyure en perspective de la part des protagonistes, précédée d’un échange direct entre Trump et Poutine, ce qui veut dire que la négociation continue. L’accord sur l’échange de prisonniers et de corps a pu sembler sous-dimensionné par rapport à l’enjeu de ces négociations, mais il « n’injurie pas l’avenir » et amorce une dynamique indispensable pour sortir de cette impasse militaire qu’est la guerre russe contre l’Ukraine.

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Donald Trump est donc bien au pied du mur : va-t-il affronter Vladimir Poutine ou le fuir, avant qu’il ne soit obligé de se prononcer sur des sanctions américaines que le camp républicain a préparées avec énergie ? L’heure n’est pas encore à l’optimisme, mais la négociation a démarré. Faut-il encore que Poutine ne la fasse pas dérailler pendant que Trump partirait jouer ailleurs, au golf ou dans le Golfe…


Post Scriptum :

1.         Pour ceux qui croiraient trop vite que la Russie de Poutine ne sera plus une menace contre l’Europe si un accord était trouvé avec Poutine, ce rappel salutaire sur le nouveau chef d’Etat Major nommé par Poutine à la tête de son armée

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2.         Benyamin Netanyahou, avec le soutien tacite de son ami Donald Trump, lance une nouvelle offensive terrestre contre Gaza. Il aurait tort de se priver de commettre des crimes contre l’humanité en dévastant la bande de Gaza et sa population, puisque personne ne souhaite réellement le sanctionner pour l’arrêter enfin… cf article de Samuel Forey, « Guerre à Gaza : l’armée israélienne lance une nouvelle offensive terrestre massive » (Le Monde)

3.         Pour suivre la situation militaire de la guerre russe contre l’Ukraine avec le point de situation régulier d’yrouille sur BlueSky



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14 commentaires sur “Ukraine : ne jamais désespérer, ni pour autant rêver…

  1. Bonjour, en guise de diversion des événements bien inquiétant ; tire sur des diplomates en Jordanie, assassinat de diplomates Israeliens à Wasshinton… On peut dire qu’en ce momement les relation diplomatique avec Israrël sente la poudre! Est-on partie pour un ping-pong d’assassinat ou les uns et les autres mettront-t-ils de l’eau dans leur vin? Diffiçile à dire, tant le ras le bol de la situation au proche orient se fait de plus de plus sentir, alors que les USA souhaite se désengagé notament via un cessez le feu avec les Houtis et qu’Israël s’enfonce dans ses guerres … Salutation, Ludovic Melin.

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  2. …bien lu ton blog , les visees imperialstes de W. Poutine et de son
    entourage nous promettent une chose :danger d aggression permanent
    ,quelque-soit les accords diplomatiques signes…amities , Patrick .-
    p.s.compte-rendu sera fait par Emmanuelle

    , !sur l eruption de 79 a.J.C:

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  3. Ce qui est désespérant est surtout de voir que nous en sommes au dix-neuvième durcissement des sanctions économiques contre le régime russe, que presque rien n’est encore réalisé dans le domaine militaire, comme un blocus effectif ou une no-fly zone, que nous sommes encore loin d’une économie de guerre en obus ou drones…etc

    Que ce soit envers Putin, Trump, Netanyahou, Kim, Teboune ou Kagamé et j’en passe tant, seulement des rêves et des discours qu’on pourrait comprendre du Pape, mais pas de chefs d’états censés disposer de moyens de rétorsion ou de coercition.

    La troisième guerre mondiale est donc pour bientôt.

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  4. Quand je regarde ce que fait Poutine, ça me fait penser à ce que faisait Staline. Et Churchill qui au début s’était fait avoir par ce type a fini par comprendre que ce n’était pas un ange. Poutine s’arrêtera quand l’URSS ou la Russie des Tsars sera reconstituées. Et l’Europe définitivement affaiblie. Ce qui ne dérangera pas Trump, d’ailleurs.

    Il est dans notre intérêt direct de ne pas les laisser faire.

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    1. Avec les zones d’influence définies par le pacte Molotov – Ribbentrop, Staline rétablissait l’Empire russe (alias URSS à cette époque) dans son extension tsariste de 1914, hormis la région de Varsovie. Ainsi, Pays Baltes, Bessarabie (future RSS de Moldavie), Pologne orientale, intégrèrent contre leur gré l’URSS. Seule la Finlande par sa résistance à l’invasion russe (cf. Guerre d’Hiver) y échappa, au prix tout de même d’une partie de son territoire.

      Pas un hasard. Pour la Russie poutinienne, l’Ukraine dans sa totalité est un apéritif précédant le grand banquet :

      A minima, la reconstitution de l’URSS (avec une tutelle de l’Asie Centrale partagée avec la Chine).

      Préférablement la reconstitution du glacis soviétique en Europe de l’Est post 1945 (cf. ultimatum russe publié le 17/12/21, ce qu’il faut comprendre dans le règlement des  »causes du conflit » invoqué régulièrement par Poutine).

      Idéalement tutelle sur toute l’Europe (la grande ambition des tsars héritée des mongols).

      Fabrice

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  5. Bonjour, Donald Trump est certe imprévisible mais il est limité dans ça capaçité à se mettre à dos les Américains, ainsi peut d’Américain sont pret à s’installer sur un monçeau de cadavre même les fans de Terminator pour partir en vacance, encore moins quand ceçi serait du à une volonté de les faire disparaitre pour s’approprier leur Terre, Les Américain sont les gentils, soutenir un génoçide c’est l’apanache des méchant… Du reste ils est peu probable que les partenaires économiques des USA au moyenne orients voit l’anéantissement de Gaza d’un bon oeil, l’annonce de la lever de certaine sanction contre la Syrie en est une démonstration! En voulant poursuivre aveuglement ça guerre benjamin Netanyou s’expose terriblement à un lachage des USA…

    Pour l’Ukraine comme vous l’avez indiquer l’objectif premier de la Russie était d’imposer son influence à celle-çi est faire démonstration de ça « force », alors que ses plutôt le contraire qui à résulter de ses trois années de guerre, à minima vis à vis de sa force … Semblant ne pas s’intéréssé au territoire et dans le deni de sa défaite vis à vis de ses objectif initiaux, les négoçiations semblent ardu, mais comme vous l’avez dit les Ukrainniens ont offiçiellement établi un contacte directe avec la Russie, un premier pas bienvenue, à défaut de stopper du jour au lendemain cette guerre… Salutation, Ludovic Melin.

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  6. Merci Mr Ancel, je suis vos commentaires toutes les semaines. Très instructif de vous lire. Poutine n’avait-il pas dit que la Russie n’avait pas de frontières ? Soit disant pour rire ? Il cherche bien à avoir la maîtrise sur terre, dans l’espace, dans les mers, dans les esprits… Le futur en paix est compromis. Garder espoir ? Je suis âgée, mais je crains pour les générations futures. Cerise

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  7. mille mercis ! belle analyse fine ! mais arrêtons de nous laisser mener par « le bout du nez » par deux MALES ALPHAS cher Guillaume, on devrait trouver une centaine de personnes de votre stature pour aller de l’avant ? merci de me dire si vous avez pu regarder les blogs de VOLT !!! bonne semaine à vou

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    1. Pouvez-vous, en quelques mots, nous parler de VOLT et de ses blogs ? Et nous fournir, éventuellement, l’adresse de son site ? Merci « d’éclairer ma lanterne » !!

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