Trump sature l’espace (médiatique) et ferait (presque) oublier les guerres

Avant même son arrivée au pouvoir, Donald Trump multipliait les déclarations dans tous les sens (les militaires aiment dire « tout azimut »), et le président américain est arrivé en quelques semaines à saturer l’espace médiatique au point d’avoir le sentiment que plus rien n’est compréhensible.

Pour un opposant affiché à la guerre, Trump multiplie les conflits commerciaux, économiques, douaniers, frontaliers… et laisse proliférer les guerres armées qu’il avait pourtant promis de faire cesser. Rapide tour d’horizon pour ne pas se laisser submerger par ce chaos d’annonces contradictoires et d’événements insensés.

En Ukraine, la situation est dans une impasse militaire et diplomatique

Après avoir promis un règlement rapide de ce conflit, après avoir tordu le bras du président Zelensky pour qu’il soit obligé de tout céder dans une négociation qui ressemble à une capitulation sans condition, le président Donald Trump se heurte désormais à la totale duplicité de Vladimir Poutine, avec qui il croyait avoir noué une forme de complicité.

Loin d’un accord de cessez-le-feu, la négociation directe des Etats-Unis avec la partie russe s’enlise depuis des semaines, probablement aussi parce que la Russie de Poutine n’a pas rencontré jusqu’ici d’obstacle dur lui indiquant fermement qu’il doit s’arrêter. Pendant que les négociateurs russes discutent sans considération de temps, leurs attaques contre l’Ukraine ont redoublé (+50% de bombardements) multipliant les pertes humaines et les dégâts en Ukraine.

La situation est pourtant une impasse militaire. Il faudrait plus d’un siècle à ce rythme pour que la Russie puisse espérer soumettre l’Ukraine (0,7% de territoire conquis lors des 12 derniers mois de combats) et elle serait bien en mal de contrôler ensuite un peuple mobilisé pour se défendre et résister. Néanmoins Poutine ne donne aucun signe de vouloir renoncer à son objectif de « libérer » l’Ukraine, à sa manière si particulière qui est de continuer sa guerre.

La situation sur le front est tendue, plus que jamais meurtrière, mais sans risque d’effondrement du côté ukrainien, pas plus que de renversement du côté du Kremlin, où la société russe ne risque pas de se révolter contre le pouvoir implacable de Poutine et de sa mafia KGBiste.

La capacité de négociation de l’équipe de Trump est réduite de fait, en dehors de sa volonté affichée et de plus en plus humiliée de vouloir trouver un accord à tout prix, le prix de Poutine n’étant pas arrêté.

Lire aussi : Guerre contre l’Ukraine, et s’il n’y avait pas de cessez-le-feu ?

L’envoyé de Trump a rencontré le président russe à Saint-Petersburg le 11 avril, les équipes américaines et russes se parlent régulièrement, mais elles n’aboutissent à rien jusqu’à présent. Au point de faire craindre que le président américain n’abandonne ce terrain sans résultat pour se concentrer sur celui de l’économie et du social, où il est passé maître dans l’art de déstabiliser, un maître du chaos organisé.

Loin d’être apaisée et encore moins réglée, la guerre en Ukraine est rentrée dans sa quatrième année et met plus que jamais les pays européens face à leur responsabilité sur leur propre sécurité, trop longtemps mise de côté. Les solutions pour sortir de cette guerre dépendent désormais de leur capacité à réunir leurs forces et leurs idées, ce dont ces pays désunis doutent encore.


A Gaza, c’est la « cata »

Si le gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahou avait accepté en janvier 2025 – avec difficulté, mais il n’avait pas le choix – un cessez-le-feu sur Gaza et sur l’ensemble du Proche-Orient, il a réussi entre-temps à convaincre Donald Trump de la nécessité de reprendre son opération de dévastation de la bande de Gaza et ses combats tout azimut… sauf en Iran.

Probablement dans un deal pour contenir la volonté israélienne d’aller détruire les capacités nucléaires de l’Iran, tandis que la Russie n’a plus les moyens de défendre Téhéran, Trump a donné un feu vert à son ami Netanyahou pour reprendre sa politique de terreur contre la bande de Gaza, sous prétexte de riposter à une attaque terroriste du Hamas qui date maintenant de plus de 18 mois et qui n’aurait jamais dû se produire.


S’il n’est pas souhaitable que l’Iran, allié de la Russie et manipulant volontiers le terrorisme, produise des armes nucléaires, rappelons cependant qu’Israël en dispose d’une trentaine, largement assez pour dissuader n’importe quel pays de l’attaquer de cette manière (et de le détruire) sans risquer sa propre disparition. L’arme nucléaire n’est pas une arme de guerre, mais un système de destruction massive proche du suicide collectif.

Lire aussi : Petites leçons sur la guerre (Autrement)

La destruction de la bande de Gaza a causé 100 fois plus de victimes que l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 (1 400 morts et disparus), et la reprise des bombardements depuis mars n’aura pas d’autres effets que de tuer les derniers otages israéliens, et d’alimenter la haine ainsi que le recrutement du Hamas. Qu’importe pour Netanyahou, qui se maintient au pouvoir en semant la guerre et le chaos sur l’ensemble du Proche-Orient, tandis que les Européens effarés n’osent même pas envisager de sanctionner l’Etat israélien qui, sous la direction de Netanyahou, ne respecte plus rien.

Le Monde

Le printemps des ingénieurs du chaos


Donald Trump sème le chaos à travers le monde, Vladimir Poutine profite de cette absence d’opposition américaine pour élargir son empire, Benyamin Netanyahou exploite cette fenêtre hallucinante de non-droit pour expulser les Palestiniens et finir de les déposséder de leurs terres. C’est le printemps des ingénieurs du chaos.

Et nous, Européens, sommes-nous capables de réagir collectivement pour assumer enfin notre sécurité et défendre – y compris par la force – les valeurs auxquelles nous estimons être attachés ?





Pour approfondir,

Débat dans la Marche du Monde, de Valérie Nivelon sur RFI
Avec Stéphane Audoin-Rouzeau, grand historien des conflits armés et Guillaume Ancel, chroniqueur de guerre (PODCAST)





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12 commentaires sur “Trump sature l’espace (médiatique) et ferait (presque) oublier les guerres

  1. Vous trouverez ci-dessous une fiche de lecture sur « Les ingénieurs du chaos », essai publié en 2019, du politologue et écrivain Giuliano da Empoli. Ses ancêtres sont probablement originaires de la ville d’Empoli en Toscane, à 30 km de Florence où est né le philosophe Nicolas Machiavel. Comme son illustre prédécesseur, G. da Empoli analyse avec brio les régimes politiques et leurs dysfonctionnements. (Il faut lire aussi « Le Mage du Kremlin », qui a obtenu le grand prix du roman de l’Académie française, où il raconte la vie de Vladislav Sourkov, conseiller en communication ou « spin doctor » de Vladimir Poutine de 1999 à 2020). G. da Empoli enseigne à Sciences Po Paris et préside le think tank Volta, établi à Milan.

    D’entrée de jeu, G. da Empoli se pose la question de savoir comment les ingénieurs du chaos ont fait leur apparition. Deux éléments ont convergé dans les pays démocratiques : la montée du populisme et l’émergence d’une nouvelle forme politique façonnée par Internet et par les nouvelles technologies.

    Dans un livre publié en 2007, « Colère et temps », le philosophe Peter Sloterdijk estime qu’un sentiment irrépressible traverse toutes les sociétés, la colère, alimentée par ceux qui, à tort ou à raison, pensent être lésés, exclus, discriminés ou pas assez écoutés. Sur le plan de l’offre politique, il y a d’abord l’affaiblissement des organisations qui canalisaient traditionnellement la rage populaire, -les « banques de la colère »-, c’est-à-dire l’Église et les partis de masse. Et sur le plan de la demande, l’irruption de nouveaux médias, (les « fight clubs des lâches » selon la philosophe Marylin Maeso), qui semblent faits exprès pour exacerber les passions les plus extrêmes. G. da Empoli évoque d’abord le travail des apprentis sorciers de la Silicon Valley. La machinerie hyperpuissante des réseaux sociaux, fondée sur les ressorts les plus primaires de la psychologie humaine, n’a pas été conçue pour nous apaiser. Sans compter les sites conspirationnistes, qui offrent enfin, une explication plausible aux difficultés dans lesquelles nous nous trouvons : c’est la faute des autres qui ne font rien d’autre que nous manipuler pour réaliser leurs objectifs diaboliques.

    C’est ainsi que le souverainisme digital a fait son apparition. Prenons un des exemples cités par G. da Empoli. Steve Bannon fut le stratège de la première campagne présidentielle de Donald Trump en 2016 et son spin doctor. Pour ce faire, il a repris en 2012 la direction du site proche de l’extrême droite, « Breitbart Tech », où il fit passer le message suivant aux « populistes dissidents anonymes d’aujourd’hui » : Votre monde est en danger, la machine puissante du « politically correct » et des censeurs démocrates veut vous enlever tout ce qui vous tient à coeur, la liberté d’expression, l’anonymat, c’est-à-dire l’essence de ce qui a défini jusqu’ici la cyberculture. Le seul moyen pour vous sauver est de faire de la politique. Unissez-vous à nous et à Trump pour combattre l’establishment, les médias et la politique traditionnelle, pour défendre vos droits et votre identité. Les trolls sont donc ouvertement invités à entrer en guerre. Trump, sans le travail d’un Bannon et d’autres insurgés qui se sentent exclus du système, ne serait jamais parvenu au pouvoir aux USA. Et avec Trump, qualifié en 2023 de « leader chaotique » par G. da Empoli, (ou « d’ingénieur en chef du chaos » par Radio-Canada), on est passé au stade où le chaos n’est plus l’arme de l’insurgé mais le sceau du pouvoir.

    Le 12 mai 2025.

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  2. Trump devait régler la guerre en Ukraine en 24 heures. Enorme escroquerie de sa part.

    Quant aux droits de douanes, une autre escroquerie. Un pas en avant, 2 pas en arrière.

    Poutine doit bien rigoler en voyant ce triste pantin se mettre à dos la planète entière et ne rien résoudre malgré ses tonitruantes annonces.

    S Cazeneuve

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  3. La Trompette a raté un bon moyen de prouver qu’il n’était pas un « looser » : il refuse d’arrêter les deux tyrans, russe et israéliens. Au contraire il leur mange dans la main, comme des toutous. Sous l’alibi « la guerre est horrible », tout le monde est d’accord, il chouchoute ceux qui la mènent en laissant croire que c’est le bon moyen d’arrêter ces abatages. Plus inconséquent on ne trouve pas. Ou plus exactement la conséquence est à comprendre ailleurs : les relations commerciales sont plus importantes que la vie des Ukrainiens ou des Gazaouis.

    Il n’y a pas de mot assez violent pour qualifier ce comportement abjecte et lâche. Quand on prétend être la première nation du monde on utilise sa force pour empêcher les tyrans de détruire. mais il semble que la Maison blanche ait perdu confiance dans la force des USA. Cette perte de confiance dans les USA est ainsi communiquée à toute la planète

    Inconséquence aussi au plan économique : La Trompette est incapable intellectuellement de gérer un multilatéralisme. C’est trop compliqué pour lui. Donc il prend des mesures pour essayer de forcer de multiples bilatéralismes où il se sent plus fort, comme les dirigeants de super-marchés avec leurs fournisseurs. Chacun dans sa cabine pour mater les exigences. C’est bien la preuve que la domination US est en berne.

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  4. La foi des Républicains en leur chef , tout comme des Russes en vers Vladimir Poutine semble indéboulonnable, en apparence… Dernier exemple en date les droits de douane, avec un marché qui aurait « digéré » la situation, après des « concessions » de Donald Trump, qui globalement reste sur 10 pourcent de droit supplémentaire et un frein à main sur les échanges avec la Chine (les quelques exeptions ne sauverons pas l’économie Américaine)…

    Pendant qu’il joue à la roulette Russe avec l’économie ses partisans prie pour que son plan se déroule sans accroc et finisse par les rendre riche à défaut d’immortel… Il y a quand même une différence avec la Russie, qui contrôle les russes par la peur, et la coerçission et plusieurs années de propagande, avec Donald, bien que la peur et les cadeau soit là, le moteur de son soutient tient essentiellement en une culture du « too big to fail », le marché, l’économie sera eventuellemeent sauver car le monde ne peut pas sans passé… Croyance forte en l’invulnérabilité des USA quelques soit les frasques de son président… Ils oublient qu’ Achille est tombé, tout comme le colosse de Rhode, est que suite à la crise sur ça dette la Grèce à mis des années à sans remettre… Le réveille des Américains risque d’être brutal, les Européens seront-il plus réaliste et près à faire face au défit de la Russie, des USA, et de la Chine?

    Rien n’est moins sur, mais on ne pourra pas dire qu’on n’ à rien vue venir, que se soit un reset de l’économie ou une troisième guerre mondial les menaces ne manque pas! Plus qu’à relever nos manches et à nous y préparer au mieux… Salutation, Ludovic Melin.

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  5. <La Russie poutinienne> serait bien en mal de contrôler ensuite un peuple mobilisé pour se défendre et résister

    • Prendre un Quisling ukrainien et un bon lot de collabos (ceux prévus pour l’opération  »décapitation » sur Kyiv),
    • laisser les plus engagés quitter le pays,
    • éliminer les opposants locaux les plus éminents (leaders politiques, résistants armés, activistes…),
    • intimider le reste de la population par des peines disproportionnées pour tout écart à la ligne  »officielle »,
    • ajouter un système de surveillance à l’image de celui du Xinjiang (l’ami  »éternel » chinois livrera volontiers son matériel et le savoir-faire associé).
    • Laisser infuser avec une dose intense de propagande révisionniste incriminant l’Occident collectif qui a failli à sa promesse de soutien.

    Certes, certaines campagnes resteront à l’écart, mais la passivité majoritaire des masses devrait assurer le contrôle des villes.

    Poutine attend que les États-Unis trumpiens lui abandonnent l’Ukraine politique, sans capacités militaires, ni forces de réassurance d’une trêve illusoire. En Europe, hormis les voisins immédiats de la Russie, les opinions publiques ne sont pas prêtes à un affrontement militaire direct avec la Russie, les décideurs politiques sont de ce fait paralysés.

    Fabrice

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      1. Hmm… Je crains que FabGreg n’ait raison. C’est plus difficile de prendre le maquis en Ukraine qu’en Afghanistan. Et les Moudjahidin ne devaient pas lutter à la fois contre les ruskofs et contre les ricains.

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    1. Il est très diffiçile de prévoir l’avenir d’un peuple, pays, groupe de personnes, les exemples et contre exemples sont multiples et les résultats variés ; En Biellorussie le « président » Loukachenko se maintient au pouvoir depuis des années comme son ami Vladimir Poutine en Russie, au contraire leur ami Bachar el Assad est tombé en quelques jours en Syrie…

      L’opposition peu se traduire de bien des façons et avoir des conséquences très diverses, des mobilisations peuvent faire tomber un régime ou être reprimer dans le sang et conduire à la guerre civile, ou encore ne pas être suivie. Est la force ni change pas grand chose ; prenons les habitant de Gaza, bien qu’écraser sous une pluie de bombe ils sont toujours là…

      Les gens choississent ce qu’ils font et ce qu’ils acceptent mais bien malin qui saura prédire les conséquences… Petit exemple pour les USA de quelques possibilités parmi temps d’autres ; Donald Trump mets en place une dictature et se maintient au pouvoir jusqu’à ça mort entrainant avec lui la chute de sont régimes, les Républicains sont le seul parties politiques à être autorisé à se présenter au éléctions, les élues votes un empechemente contre Donald Trump et ses soutients; le dollar s’éffondre et est remplaçé par une nouvelle monnaie, lasse de ses frasques les Américains élisent en majorité des Demacrate au mid-terme, etc. Salutation, Ludovic Melin

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      1. Vous pensez vraiment que Donald va se conformer au mid-term ?

        Pour ma part je ne le pense pas… Et après sa mort, il y a sa dynastie…

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