Trump le bulldozer ?


Effarant et inquiétant, mais pas si surprenant…

Donald Trump ne s’est jamais intéressé aux relations internationales, mais les propositions effarantes et inquiétantes qu’il fait sur le sujet, de l’Ukraine à la bande de Gaza, ne sont pas si surprenantes : elles doivent être comprises comme la traduction – dans sa culture du business de l’hôtellerie internationale – des projets qu’il a entendus de son entourage, car il ne risque pas de les avoir inventés durant la nuit.

Ses propositions sont la déclinaison à sa manière du « deal » qu’il essaye de former avec ses interlocuteurs, Benyamin Netanyahou pour Gaza et Vladimir Poutine pour l’Ukraine. Elles peuvent paraître hallucinantes, effrayantes ou inconvenantes, mais elles révèlent la substance des accords en préparation et donnent des indications sur la manière utile de réagir, s’il existe des acteurs en capacité d’influencer ou de tempérer ce Bulldozer qu’est devenu Trump dès son retour au pouvoir aux États-Unis.

La caractéristique commune de ces projets de Trump est le mépris absolu – qui confine au déni – pour le droit : droit international, droit des peuples, droit humanitaire… mais aussi une forme de concurrence, de compétition entre ces deux sujets majeurs de guerre, l’Ukraine et Gaza, au point de saturer l’espace médiatique et de monopoliser toute attention critique. Un autre aspect structurant de Trump est son hostilité à la guerre – « mauvaise pour le business » –, néanmoins, si sa volonté de mettre fin aux combats est omniprésente, il ne fait pas la différence avec la construction d’une paix durable qu’il assimile à un cessez-le-feu…


Ukraine, accélération des discussions et tournant obligé de Zelensky

Comme expliqué précédemment, les négociations sur l’Ukraine de Donald Trump ont débuté dès son élection en novembre dernier (et peut-être même avant ?) mais, au grand dam de ce dernier, elles n’ont pas abouti à temps pour son show d’investiture du 20 janvier 2024.

Lire aussi : Ukraine, Trump peut-il « dealer » avec Poutine ?

L’équipe de Trump négocie exclusivement avec la Russie de Poutine, et leurs discussions sont assez avancées pour que les acteurs qui en ont été exclus réagissent vertement, avec plus de désespoir que de cohérence.

Ainsi le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, est-il contraint par cette négociation de Trump a déclaré subitement qu’il est prêt à discuter avec L’homme qui a déclenché cette guerre d’agression depuis trois ans maintenant, Vladimir Poutine. En souhaitant associer l’Europe à cette discussion, Zelensky nous confirme qu’ils ne font pas partie des discussions actuelles, et que le deal Trump-Poutine s’il se réalise s’imposera sans qu’ils aient même pu donner leur avis sur leur propre avenir.

Zelensky avait d’abord espéré et annoncé que « Poutine n’avait pas l’intention de négocier » la fin de cette guerre, mais le maître du Kremlin a conscience qu’en l’état il n’a pas les moyens de soumettre l’Ukraine, dont l’armée faiblit presqu’autant que la sienne. Et l’annonce de la livraison de quelques avions de combat supplémentaires à l’Ukraine, F16 par des pays scandinaves et Mirage 2000 par la France, ne changeront pas le rapport de force sur le terrain.

Zelensky n’a pas les moyens de s’opposer à un deal trumpien

Concrètement, même avec l’appui des Européens, Zelensky n’a pas les moyens de s’opposer à un deal trumpien. Soit il s’efforce de s’y conformer, soit il disparaît en voulant s’y opposer. Il est très intéressant de noter à ce propos que les négociateurs américains menacent Zelensky en voulant imposer des élections en Ukraine, alors même que le pays est en guerre, rendant impossible une campagne électorale libre et démocratique. Cette idée a été poussée par les négociateurs de Poutine, réélu il est vrai en 2024 avec un score qu’il avait lui-même déterminé…

En fait, Poutine a intérêt aussi à la suspension des combats, pour pouvoir annoncer d’abord une « victoire » au moment très symbolique des 80° commémorations de la grande victoire du 9 mai 1945 contre le nazisme, antienne de son « opération militaire spéciale » contre l’Ukraine. D’ici le mois de mai, son armée aura probablement pu conquérir l’essentiel des oblasts (régions) qu’il a rattachées formellement à la fédération de Russie (partiellement pour ceux de Kherson et Zaporijia).

L’armée de Poutine, très éprouvée par ces trois années de guerre face à une résistance acharnée des Ukrainiens, a besoin de répit pour reconstruire son équipement lourd : au rythme actuel son industrie de défense n’arrive pas à compenser les destructions quotidiennes de matériels militaires russes.

Cet aspect est d’autant plus important que la puissance militaire de la Russie est en nette dégradation du fait de cette guerre contre l’Ukraine, Poutine n’a pas été en mesure de conserver la dictature d’Assad en Syrie et n’a plus la capacité de protéger le régime iranien très affaibli par la guerre au Proche-Orient qu’il avait pourtant encouragée.

Un « deal » sur l’Ukraine entre Poutine et Trump est tout à fait possible dans les mois qui viennent

Le pouvoir de Poutine repose pour l’essentiel sur la peur qu’il inspire, l’affaiblissement de la Russie lui serait fatal tandis que la guerre en Ukraine est un gouffre pour son appareil militaire et pour ses finances.

Un « deal » sur l’Ukraine entre Poutine et Trump est tout à fait possible dans les mois qui viennent, et ce sont les Ukrainiens et les Européens qui en supporteront le prix. Le respect des frontières et bien au-delà le respect du droit voleront en éclat tandis que les Européens devront vivre dans la crainte de la prochaine attaque de la Russie en dépensant des sommes considérables – notamment en armement américain – pour une sécurité à jamais incertaine.

Les Européens devront craindre aussi les prochaines revendications Trumpiques, du Groenland à l’exploitation des terres rares, de la remise en cause de toute réglementation sur le commerce comme sur le développement de l’Intelligence Artificielle. Trump nous mène à un chaos dont il faut se protéger au plus vite, avec le seul argument qu’il comprend et qu’il partage d’ailleurs avec Poutine et son ami Netanyahou : il ne respecte que la force. 

Gaza, un grand projet d’hôtellerie après la déportation des Palestiniens ?

Rappelons le contexte de la guerre contre Gaza : après l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a déclenché une opération de dévastation massive de la bande Gaza, où il n’a jamais détruit le Hamas ni fait libérer les otages comme il l’avait affiché, mais il a ravagé les 360 km2 de ce territoire palestinien avec plus de 100,000 bombardements qui ont fait au moins autant de morts et trois fois et demi plus de blessés.

Lire aussi : Gaza, ce bilan qui donne le vertige !

Netanyahou avait déjà expliqué dans sa biographie Bibi, my story qu’il estimait que les Israéliens ne pourraient pas vivre en paix avec des Palestiniens pour voisins. Son projet réel a toujours été de repousser les Palestiniens hors du territoire que Netanyahou estime devoir être celui du « Grand Israël », et il est poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale. De fait, Netanyahou a fait détruire l’essentiel des infrastructures nécessaires à la vie collective sur la bande de Gaza.

Mais désormais, c’est son ami Donald Trump qui se charge d’annoncer la suite du programme une fois le cessez-le-feu accepté le 19 janvier 2025 après 15 mois de destructions massives. Le président américain, constatant que la bande de Gaza est en l’état impropre à une vie « normale » pour la population, il propose tout simplement que les Palestiniens partent vivre en Égypte et en Jordanie où des financiers arabes se chargeraient de leur construire des logements décents pour les accueillir…

Oubliant que Netanyahou a volontairement ravagé l’essentiel de la bande de Gaza, qui plus est avec des obus et des bombes américaines, le président Trump propose rien de moins qu’une déportation de sa population, ce qui n’est finalement qu’un crime contre l’humanité supplémentaire…

La bande de Gaza deviendrait une Riviera construite sur les cadavres ensevelis par les bombardements

Trump propose ainsi que la bande de Gaza passe sous contrôle des Etats-Unis, sans préciser si l’armée américaine devrait remplir la mission impossible de la contrôler tandis que l’armée israélienne s’y refuse catégoriquement. La bande de Gaza deviendrait alors une sorte de Côte d’Azur, une Riviera construite sur les décombres et les cadavres ensevelis par les bombardements, et que s’approprierait à terme les USA, probablement pour éviter qu’Israël ait à afficher sa volonté d’annexer une territoire qui ne lui appartient pas.

Notons au passage que la colonisation de la Cisjordanie a largement profité de cette guerre pour accélérer, avec désormais des opérations militaires menées sur cet autre territoire palestinien pendant que les regards sont braqués sur le cessez-le-feu relatif qui règne sur la bande de Gaza.

Le grand projet immobilier pour Gaza de Donald Trump n’est pas une invention de sa part, mais la reprise par le magnat de l’hôtellerie d’un dessein caressé par l’entourage de Netanyahou et que ce dernier n’osait même pas afficher publiquement. Ce projet de Riviera vient évidemment de l’entourage de Netanyahou, d’extrémistes terrifiants dont le réel projet est de constituer un « Grand Israël » où les Palestiniens n’auraient plus leur place, sauf pour servir de main-d’œuvre à bas prix et sans droits.

Le bulldozer Trump enterre le droit pour consacrer la « loi du plus fort »

Désormais, c’est le président américain qui porte ce projet indécent, enterrant de fait toute possibilité de créer un État pour les Palestiniens : ceux-ci sont priés de se disperser à l’étranger et d’abandonner ce qui leur restait de territoire à un État qui deviendrait un prédateur, un peu comme la Russie de Poutine qui veut s’emparer des 20% de territoire ukrainien ravagés par leur « opération militaire spéciale ».

Le Monde, extrait article « Pour approfondir »

La « communauté internationale » se dit outrée par ce projet qui implique la déportation d’un peuple et l’annexion par la force de sa terre. Mais comment réagit-elle autrement qu’en commentant avec un air désespéré ce nouveau Trumpic qui ne sera pas le dernier ?

Qui ou plutôt quels pays vont enfin proposer une alternative viable aux délires illégaux du président américain qui nous menace d’un Yalta – la conférence de partage du Monde par les grandes puissances de l’après Deuxième Guerre mondiale – où seuls siégeraient les dirigeants qui lui ressemblent (Poutine et Netanyahou) par leur capacité à imposer par la force ce qui devrait être condamné par le droit ?

Donald Trump revendique le prix Nobel de la paix parce qu’il veut imposer la fin de ces guerres en Ukraine comme au Proche-Orient, mais c’est un univers de chaos et de mépris absolu du droit qu’il nous promet, le règne de « la loi du plus fort ».







Pour approfondir,

Pourquoi le plan de Donald Trump pour Gaza est contraire au droit international, par Stephanie Maupas (Le Monde)


Vers une Europe géopolitique ? Entretien avec Célia Burgdorff (Diploweb)



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16 commentaires sur “Trump le bulldozer ?

  1. Vous dites « Trump le bulldozer ? »
    J’ajouterai « pitbull hargneux « , « bison – pas futé – américain et furieux  » et  » président vulgaire dans ses propos et gestes ».
    La guerre est pour lui un « bad business » mais pas pour les vendeurs d’armes comme les Etats Unis ni pour les businessmen de l’immobilier dont il fait partie car après une guerre il faut reconstruire. Il ne sera pas le dernier à s’en mettre plein les poches. « Gaza Côte d’Azur du Moyen Orient « .
    Avec son idée de faire de la bande Gaza un pays de luxe, il ravive la guerre israëlo palestinienne . Le Hamas va reprendre les actes de terrorisme avec encore plus de violence. Israël va répliquer dans le même sens et les Gazaouis seront à nouveau dans la tourmente et le dénuement total.
    Israël s’attaque également à la Cisjordanie pour faire de la place à ses colons. Les populations sont sur les routes, dans des camps de réfugiés sans pratiquement d’aides internationales.
    Réduire ainsi un peuple au silence et à la mort cela s’appelle un GENOCIDE.
    Israël n’a pas tiré les leçons de l’Histoire du XX è siècle et c’est fort dommage.
    Et toutes ces démonstrations de force sont soutenus par Trump. Triste sire.
    Où va le monde avec des dirigeants de cet acabit ?
    S Cazeneuve

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  2. Trump soutient les extrémistes en Israël dans leur projet de construire le Grand Israël. Ben Gourion fut l’un des principaux artisans de cette vision. Le sionisme politique est aujourd’hui en pleine action. Quant au droit international, il semble n’avoir jamais existé que pour les pays faibles, comme la Libye, la Serbie ou l’Irak.

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  3. Mais où s’en va la « Grande Europe »?

    Je ne suis pas un spécialiste de votre continent, de son histoire, de son économie ni de sa géopolitique, mais je croyais comprendre que l’union économique européenne était, en grande partie du moins, une réussite.

    En tant qu’ignorant crasse, il me semble que je vous verrais bien mettre la Hongrie d’Orban dehors et vous constituer une sorte de politique étrangère et d’armée européenne communes pour compenser le retrait des États-Unis. Vous seriez mieux à même d’affronter les aléas géopolitiques à venir, en tout cas mieux que nous, les Canadiens!

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  4. Trump est un nazi qui, peut-être, s’ignore. Il est en roue libre et s eprend pour Dieu le Père. L’ennui, c’est que si certans attendent et écoutent ses paroles comme celles d’un prophète, Dieu semble avoir oublié de le doter d’un cerveau. En effet, ce n’est pas lui le plus dangereux, ce sont tous les tarés qui gravitent en silence autour de lui en lui soufflant ce qu’il doit dire. Les grands perdants comme toujours sont ces c….-molles d’Européens qui ne savent que s’offusquer et s’indigner alors qu’il est de notre devoir absolu, pour la pérenité de la Démocratie, de la Liberté et pour l’Union Européenne, qui ne peut être que notre seule survie, de taper du poing sur la table et de montrer, enfin, nos muscles. Seulement, avec le cohorte d’idiots utiles qui bandent comme des taureraux devant ces assauts de testosterone, ils ne se rendent même pas compte qu’ils bossent pour le kremlin ou pour la maison-blanche. Honte à eux ! Réveillez-vous, les Européens, sinon vos petits soucis de fins de mois, d’âge de départ à la retraite ou de pouvoir d’achat vous sembleront bien ridicules quand on aura tous le nez dans la « M » russe ou trumpienne.

    Bonne journée à tous, quand même

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  5. « Il est difficile de croire qu’une incitation au crime puisse constituer un vrai conseil d’ami. »

    -Pourquoi le Plan de Donald Trump pour Gaza est contraire au droit international.

    Remerciements à S. Maupas pour cette remarque dotée d’une valeur universelle.

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    1. Mais renseignez-nous sur la situation économique russe. Présentez-nous des sources fiables. Autrement votre message ne montre, à son tour, que votre propre aveuglement.

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  6. Au grand dame de c’est électeur qui réver sans doute du meilleur en votant pour lui, Donald Trump comme souvent avec les extrémistes mets toute son énergie à conserver le pire de son programme et à jetter le meilleur au ortie. Comme par exemple le fameux « vote Républicain contre les taxes » qui se rapproche de l’inversion accusatoire tant il est peut probable que les Democrates ai eu l’idée saugrenue d’infliger 25 pourcent de taxe au Canada et au Mexique. Devant le toler du monde économique l’action à vite était suspendue, pour un mois…L’inflation Américaine espère bien que cela soit renouvellable indéfiniment! Mais ça pourait fort n’être qu’une partie remise…

    Peut être qu’il aurait du choisir un autre slogan ; « Agir d’abord, réfléchir ensuite! (enfin, éventuellement…) » Le monde cherche une parade tout comme la Democratie Américainne qui se demande si le Sénat Américain aura encore un budget à voter, est quand bien même, si celui-çi sera appliquée ou juste « geler » par leur président pour le moins « actif » et qui en quelques semaines à d’ors est déjà boulversée son pays et les relations internationales. Salutation, Ludovic Melin.

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  7. La situation est favorable à Trump puisque lorsqu’il précise sa pensée et ses désirs, tous les Etats (et surtout l’Europe) se couchent.

    Nous avons bien laissé mourir les palestiniens sous les bombes, sans que vos cries d’orfraie ne changent quelque chose… pourquoi cela changerait ?

    La disparition de l’Europe est à venir car elle ne sert à rien politiquement.

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      1. Système électoral complexe (pour moi…) surtout avec les « grands électeurs » , mais quand même le résultat est stressant :

        49,9% La part des votes recueillis par Donald Trump en 2024, contre 48,3% pour Kamala Harris

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