Soulagement – immense mais tardif – avec cet accord de cessez-le-feu pour Gaza

Le 15 janvier 2025, Donald Trump a annoncé un accord de cessez-le-feu pour Gaza (« nous avons un deal pour les otages ») confirmé par le média israélien Haaretz. Certes l’accord n’a été signé que 2 jours plus tard par le gouvernement israélien, mais le fait que Donald Trump l’ait annoncé ne laissait plus le choix au Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, sauf s’il voulait prendre le risque d’humilier son meilleur allié, au moment de son investiture le 20 janvier.

Un cessez-le-feu après plus de 100,000 bombardements contre Gaza

Cet accord constitue en premier lieu un immense soulagement après 15 mois de guerre déclenchée par l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023 contre Israël (1,400 morts et disparus). Un immense soulagement après plus de 100,000 bombardements décidés par Benyamin Netanyahou contre la bande de Gaza et qui ont fait un nombre au moins équivalent de morts et 3,5 fois plus de blessés, soit de l’ordre de 500,000 victimes, blessés et décédés parmi les Palestiniens.

Ce cessez-le-feu entre en vigueur le 19 janvier et – comme son nom l’indique –, il interrompt les combats intenses. Il est probable que des violations soient fréquentes, comme c’est le cas pour le cessez-le-feu en cours au Liban qui n’empêche pas Israël de frapper encore régulièrement. Simplement la dynamique change, pour l’essentiel les combats militaires cessent et amorcent la fin progressive de la guerre.

Un cessez-le-feu ne signifie pas l’absence d’affrontements

Il faut donc s’attendre à un mouvement paradoxal pendant des mois avec d’un côté, un fort enthousiasme lié à la fin de cette guerre en tant que telle, mais par ailleurs des affrontements qui auront lieu sporadiquement sur ce territoire intégralement ravagé ainsi que contre Israël. La guerre ne se terminera qu’à l’issue de ce cessez-le-feu prévu de durer plusieurs mois.

Il est difficile d’imaginer ce que représentent plus de 100,000 bombardements (terrestres et aériens) sur un territoire de seulement 365 km2, si ce n’est par de froides statistiques :

  • En moyenne, plus de 270 bombardements par km2
  • 70% des infrastructures détruites sur la bande de Gaza (habitations, écoles, hôpitaux, désalinisation de l’eau, mosquées et même les cimetières…)


Plus de 95% de pertes civiles

La conclusion s’impose, la bande de Gaza a été ravagée par cette guerre, et sa population durablement traumatisée par ces destructions systématiques. La milice du Hamas était estimée au plus à 30,000 combattants : avec 500,000 victimes, cette guerre contre Gaza a donc fait plus de 95% de pertes civiles, ce qui vaut d’ailleurs à Benyamin Netanyahou des poursuites judiciaires pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale.

Avec un tel bilan, l’annonce de l’arrêt même progressif de cette guerre est évidemment un soulagement pour les Palestiniens. Et dans un premier temps, il marque aussi le retour d’une aide humanitaire qui avait été soigneusement étouffée pendant toute cette guerre.

Le retour progressif et douloureux des otages israéliens

Cet accord est une excellente nouvelle pour les quelques dizaines d’otages israéliens encore en vie et pour leurs proches, dont on n’imagine pas ce qu’ils ont enduré. L’accord prévoit la libération progressive des otages, à partir du dimanche 19 janvier. Ils seront acheminés par la Croix-Rouge internationale. En échange, Israël s’est engagé à libérer plusieurs centaines de prisonniers palestiniens, entre 700 et 2,000 selon les sources.

Immense soulagement doublé malheureusement d’une angoisse équivalente car jusqu’à leur libération effective, nul ne sait qui est réellement vivant parmi ces otages et dans quel état ils se trouvent. Sur les 94 otages encore aux mains du Hamas (ou équivalent), 34 otages sont considérés par les renseignements israéliens comme morts. Mais aucune preuve de vie n’a été fournie pour les 60 autres otages dont il faudra attendre déjà 6 semaines (1° phase de l’accord) pour connaître le sort de la moitié d’entre eux, 33 sont en effet censés être relâchés.

L’insupportable angoisse liée à l’incertitude, le syndrome du « disparu »

L’angoisse des proches grandira au fur et à mesure des libérations en faisant craindre le pire pour ceux qui n’auront pas encore été relâchés. Reviennent en mémoire ces souvenirs odieux des familles qui ont attendus pendant des décennies que des êtres chers puissent encore rentrer après leur déportation pendant la seconde guerre mondiale. C’est le syndrome du « disparu », dont le deuil est si difficile en l’absence de certitude.

Notons enfin que cet accord, pour l’aspect de la libération des otages israéliens, est par trop tardif, alors que les négociations avaient commencé en décembre… 2023. L’accord actuel est celui qui avait été dessiné par les négociateurs (américains, égyptiens et qataris) depuis mai 2024 et qui relevait de l’évidence pour le ministre israélien de la défense Yoav Gallant en septembre dernier. Mais Netanyahou avait alors préféré lancer sa guerre contre le Hezbollah et limoger Gallant qui de plus s’opposait au maintien d’une occupation militaire de Gaza.

Un accord bien tardif donc pour des otages qui auront été bombardés comme les Palestiniens pendant 15 mois et qui n’ont manifestement jamais été la priorité de Netanyahou.

La fin possible de la guerre au Proche-Orient, mais pas la paix pour autant

Le troisième aspect essentiel de cet accord porte évidemment sur le conflit qui a embrasé toute cette région du Proche-Orient, de l’Iran au Liban en passant par la Syrie, l’Irak et le Yémen. La guerre de Gaza constituant la clef de ce conflit, il est parfaitement crédible que cette guerre au Proche-Orient finisse par s’arrêter… mais avec une limite importante : si cet accord de cessez-le-feu pour Gaza sonne probablement la fin de cette guerre au Proche-Orient, cela ne signifie pas pour autant l’établissement d’une paix durable qui est autrement plus compliquée qu’un « deal sur les otages » comme l’entend Donald Trump.

Se pose en effet la question du « jour d’après », de très nombreuses questions en fait :

Une affaire de politique pour commencer, pourquoi Netanyahou avait laissé le Hamas prospérer à Gaza pendant toutes ces années et comment l’attaque terroriste du 7 octobre qui a déclenché cette guerre particulièrement destructrice a pu avoir lieu alors que l’armée israélienne surveillait étroitement ce territoire ?

Le soulagement de la trêve ne doit pas faire oublier cette question cruciale qui concerne le sujet de fond : comment établir une paix durable entre l’Etat israélien qui se sent menacé dans son existence même et un peuple palestinien qui n’a même pas d’Etat pour nouer une autre relation avec Israël qu’une vengeance perpétuelle ?

Une sortie de guerre qui nécessite de répondre à de nombreuses questions

Avant de pouvoir aborder la question palestinienne, il est nécessaire de procéder par étape pour sortir de cette guerre contre Gaza. La première étant de déterminer qui va gouverner ce territoire dévasté et peuplé de plus de deux millions de Palestiniens. Le Hamas s’est mis hors jeu avec son agression du 7 octobre et la guerre qu’il a engendrée. De plus, la situation à Gaza ne peut pas être isolée de la question des territoires annexés illégalement par Israël, au premier rang desquels la Cisjordanie et une partie du plateau du Golan prise à la Syrie.

Le rêve que caressent certains extrémistes d’un « grand Israël » et qui apparaît régulièrement dans les propos de Netanyahou fait craindre le pire tant il est un déni des aspirations de ses voisins. De fait, assuré de l’appui de son ami Donald Trump, Benyamin Netanyahou ne risque pas de faire preuve de modération et d’ouverture pour la suite si la société israélienne le laisse au pouvoir. La question de la gouvernance de ce territoire se posera donc, elle est au cœur de l’avenir de la bande de Gaza. Netanyahou voudrait en garder le contrôle, y compris militaire, quand le droit pas plus que ses voisins ne peuvent lui laisser une telle possibilité.

Une fois réglée cette question particulièrement sensible de la gouvernance, la reconstruction de la bande de Gaza pourrait commencer. Un chantier considérable qui nécessitera des dizaines de milliards de dollars et au moins une décennie. Il faut en effet, une fois la situation politique stabilisée, entreprendre en premier lieu la dépollution du territoire…

Une pollution durable du sol et des cœurs

100,000 bombardements et 15 mois de combats ont durablement pollué le sol et l’ensemble de l’environnement, éclats et déchets en tous genres parfois toxiques, mais surtout les innombrables dispositifs explosifs qui n’ont pas fonctionné et qui constituent autant de pièges mortels pour ceux qui auront le malheur d’y toucher. La terre peut ainsi devenir impropre à la moindre culture et les décombres devront être évacués ou enterrés.

Et sous ces décombres se trouvent aussi des milliers de morts que personne ne pouvait dégager tant que la guerre durait. Gaza est désormais une terre de fantômes et de pièges mortels pour des années. Ceux qui voudront reconstruire devront « s’armer » de prudence et de patience, tandis que la population déjà traumatisée par cette guerre devra attendre à moins qu’elle ne préfère s’exiler, ce qui est peut-être l’intention réelle de Benyamin Netanyahou…

Lire aussi : 5 questions sur les guerres en 2025

Mais si toutes les reconstructions sont possibles avec du temps et beaucoup d’argent, celle des âmes est bien plus complexe. C’est une population entière qui a été traumatisée par cette guerre et où chacun a perdu un proche ou un ami. Comment faire pour que le reste de leur vie ne soit pas consacré à se venger sur les enfants de ceux qui les ont battus ? Espérons qu’un projet politique, social et économique permette de sortir enfin de cette spirale de violences et de destructions, pas seulement pour Gaza, mais pour une large partie du Proche-Orient.

PS : si le succès de Donald Trump à imposer un cessez-le-feu au Proche-Orient est indéniable, sa négociation avec Poutine concernant l’Ukraine s’avère nettement plus laborieuse. Plus question pour Trump d’espérer annoncer un accord équivalent pour son investiture officielle le 20 janvier. Le nouveau président américain devra attendre plus longtemps pour obtenir un « deal » avec le président russe Vladimir Poutine au sujet de l’Ukraine, quelques semaines ou quelques mois ?



Pour approfondir,

Le château de cartes de l’accord sur Gaza, par Jean-Pierre Filiu (Le Monde)



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23 commentaires sur “Soulagement – immense mais tardif – avec cet accord de cessez-le-feu pour Gaza

  1. Je vous conseille de mentionner dans votre blog, si vous ne l’avez pas dejà fait, un article du 27 janvier 2025 de Mr Hans Petter Midttun qui est un ancien militaire norvégien qui s’intitule « Je suis persuadé que la Russie perdra cette année; Voici pouquoi » paru sur le site Desk Russie. Trés intéressant et qui tranche avec les « nouvelles » d’Ukraine des journaux français comme Le Monde. Qu’en pensez-vous ?

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  2. Un cessez-le-feu bien fragile comme à chaque accord de cette sorte.

    Combien de temps va-t-il durer ?

    Combien d’otages libérés ? Dimanche 19 janvier 2025, 3 femmes israéliennes contre 90 palestiniens.

    Et la suite ? Dimanche prochain à annoncer le Hamas, si toutefois ce groupuscule terroriste tient sa parole.

    Les Gazaouis retournent dans leur pays pour y trouver des monceaux de ruines et rien pour se mettre à l’abri du froid de l’hiver.

    L’aide humanitaire semble revenir mais pour combien de temps ?

    Hamas prêt à frapper .

    Israël prêt à frapper.

    La guerre n’est pas terminée malgré l’investiture en grandes pimpes de Trump à Washington.

    A suivre.

    S Cazeneuve

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  3. La paix des affaires.

    Qu’une personne, quelle qu’elle soit, se voit  accorder le droit de retourner au milieu des décombres sur le site où se trouvait auparavant sa maison pour y planter une tente, souvent sans plus aucun bien, ni famille, avec plus aucune structure autour d’elle que des bâtiments détruits, à priori pas d’eau, sur un terrain pollué et incultivable me laisse perplexe à plusieurs égards.

    De la responsabilité éthique des figures publiques, il existe une interconnectivité globale difficile à ignorer dans les récents conflits qui ont émergé.

    Elon Musk a crée Open AI pour promouvoir une intelligence artificielle « bénéfique pour l’humanité ». Il a également des intérêts commerciaux et géopolitiques (Tesla-SpaceX…) et d’autres entreprises opérant dans des régions du globe touchées par des conflits. Bien qu’il ne soit pas directement impliqué dans des techniques ou décisions  militaires, il fournit déjà les prothèses aux amputés. (Bruit de thune qui tombe des immondes machines à sous aux allures de cartel). Son influence immense soulève nombre de questions sur la façon dont les ressources technologiques et financières pour contribuer à atténuer les souffrances dans ces conflits pourraient être utilisées. Rappelant ainsi que l’absence d’action, quand on aurait les moyens d’agir, pourrait bien être une forme de complicité.

    Du travail aussi pour Melania Trump, qui gagnera à être meilleure via Be Best. De l’engagement publique aveugle qui fait penser au moment où celui qui découpa Jamal Khashoggi mis ses écouteurs pour atténuer…. le bruit des hurlements. Cela ne les place certainement pas au même niveau, mais la passivité morale devant les répercussions de leurs actes -dont ils ont parfaitement connaissance- est tout aussi affligeante.

    Planifiant pour eux-mêmes (et consoler leur peur de disparaître comme ils font disparaître les autres) non pas des projets mais des lubies de tyrans mégalomanes complètement égocentriques, « les apprentis » ont des projets en accord avec leur vision du futur tel que reproduire Monaco à Gaza, bâtir The Line, tout schuss en plein milieu du désert de part et d’autre du pays à coup d’évictions meurtrières ….extravagance des individus qui ont oublié qu’ils étaient mortels, pas plus grands que Dame Nature, et ne savent pas s’arrêter.

    Le véritable défi n’est-il pas de reconstruire avec des populations meurtries et sur le qui-vive (à raison)?

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  4. Cet affrontement entre les extrémistes Israéliens ( via Netanyahou) et les extrémistes du Hamas va laisser de profondes traces. Les Palestiniens ont encore attendu la dernière minute, pour ne pas « publier » la liste des trois otages femmes qui vont être libérées ce dimanche.

    Il ne faut pas dire qu’ils n’ont pas eu le temps de le faire. Non, ce qu’ils veulent, c’est encore torturer – jusqu’à l’os – les familles des otages. Comme si ces dernières étaient responsables de la politique jusqu’au boutiste de Netanyahou…C’est de la haine aveugle !

    Ce cycle est parti pour durer encore des dizaines et des dizaines d’années. Si a chaque provocation palestinienne, l’Etat d’Israël répond par une campagne de bombardement, ce cycle ne sera JAMAIS interrompu !

    Et pourtant avec les accords d’Oslo, Yasser Arafat avait reconnu le droit à Israël d’exister. C’était en 1993. Hélas Ygal Hamir a mis fin à ces accords en assassinant Yitzhak Rabin deux ans plus tard. Puis en 1998, c’est Netanyahou qui arrive au pouvoir et qui A TOUT FAIT pour torpiller les accords d’Oslo !

    L’Histoire ne fait que begayer pour quelques centaines d’années encore !

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  5. A propos de la reconstruction de Gaza, je m’étonne que l’on ne demande pas à Israël de payer pour celle-ci! (et non pas les autres, à savoir pays européens, pays arabes etc…

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  6. Cet « accord de cessez-le-feu » ressemble trop furieusement à une belle pub pour l’extraordinaire capacité de Trump à résoudre des crises insolubles pour me laisser croire à son authenticité. Ça pue l’arnaque à plein nez, la magouille entre ces deux crapules de Bibi & Donny pour satisfaire leur égo surdimensionné et leur garantir, espèrent-ils, une longévité politique.

    ce marchandage sanglant est juste écœurant comme tout ce qui entoure ces deux criminels.

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