L’offensive en Ukraine : ne pas se tromper de combat

Le président russe Vladimir Poutine et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un examinent une rampe de lancement lors de leur réunion au cosmodrome de Vostochny, à environ 200 kilomètres de la ville de Blagoveshchensk dans la région de l’extrême est de l’Amour, en Russie, mercredi 13 sept 2023. (Mikhail Metzel, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP)

Pour (bien) commencer, je souhaiterais remercier le général Mark Milley, chef d’état-major américain, d’avoir confirmé cette analyse publiée la semaine dernière sur la « course contre la montre » engagée par les Ukrainiens dans leur offensive.

Lire : L’offensive de l’Ukraine met le front en effervescence, et devient une course contre la montre

« Le chef d’état-major des États-Unis, le général Mark Milley, a déclaré le 10 septembre que les forces ukrainiennes ont probablement 30 à 45 jours de « temps de combat ».
Les fortes pluies saisonnières et la boue à la fin de l’automne ralentiront les mouvements du sol des deux côtés, et les basses températures imposent une variété de défis logistiques. Le début de ce temps saisonnier est cependant variable. Bien que les considérations météorologiques affecteront les opérations de contre-offensive ukrainiennes, elles ne leur imposeront pas une fin définitive. Un gel dur se produit dans toute l’Ukraine en hiver, ce qui rend le terrain plus propice à la guerre de manœuvres blindées, et les responsables ukrainiens ont déjà utilisé ces conditions météorologiques durant l’hiver 2022-2023. » Source ISW

Des gains limités jusqu’ici 

Il reste donc moins de 6 semaines aux forces ukrainiennes pour percer une brèche dans cette digue russe avant que les pluies d’automne ne les enlisent temporairement, probablement dès fin octobre. 

Si certains déclarent que ces pluies n’entraveront pas l’offensive ukrainienne, la réalité opérationnelle est toute différente : des chars de plus de 60 tonnes comme le Leopard2 ou le Challenger ne manœuvrent pas dans des étendues de boue profonde, que la raspoutitsa transforme en marécages. En effet, une grande partie des terrains plats – ce qui est typiquement le cas dans la zone de Robotyne – se transforment en mer de boue sous l’action des pluies intenses de l’automne (et du dégel au printemps). Le phénomène affecte particulièrement les routes lorsqu’elles ne sont pas asphaltées.

Certes des manœuvres légères seront encore possibles, avec des combattant(e)s à pied ou en véhicules légers, mais cela réduira la capacité offensive blindée nécessaire pour briser les unités russes, au moins jusqu’à ce que le froid prenne le relais et durcisse suffisamment ces surfaces de terrain en les gelant, ce qui nous emmène au mois de décembre voire janvier…

En attendant, les forces ukrainiennes continuent à avancer, à un rythme lent, dans cette digue russe qu’ils ont pénétrée à moitié dans la région de Robotyne au sud de Zaporijia. L’armée russe récupère tout ce dont elle dispose pour essayer de colmater la brèche et elle a déclenché plusieurs contre-offensives locales pour ralentir la progression des Ukrainiens avec des pertes qui semblent importantes. 

Les flèches rouges indiquent les contre-offensives russes dans la région de Robotyne qui ont toutes échoué à ce jour

Soulignons au passage la mauvaise situation générale de l’armée russe dans cette offensive et plus largement dans cette guerre contre l’Ukraine, comme le souligne cet ancien général russe très respecté dans le milieu militaire et politique, suffisamment pour ne pas avoir été descendu jusqu’ici…

« Le député russe et ancien commandant adjoint du district militaire du Sud, le général Andrei Gurulev s’est plaint que la culture du mensonge dans l’armée russe est le principal problème empêchant une victoire russe en Ukraine et a affirmé que les faux rapports conduisent à une mauvaise prise de décision à de nombreux niveaux au sein de l’armée russe. Gurulev a également déclaré que les défenses aériennes ukrainiennes à l’avant sont efficaces et empêchent les hélicoptères russes d’utiliser des missiles antichars. Il a réitéré les critiques concernant la capacité de l’Ukraine à mener des frappes de drones sur les zones arrière russes et les capacités insuffisantes de contre-batteries. Gurulev est connu pour avoir précédemment divulgué le message audio de l’ancien commandant de la 58e armée, le général Ivan Popov concernant le manque de soutien aux forces russes le 12 juillet dernier. » Source ISW


Il reste encore à faire pour créer une brèche dans la digue russe

A ce stade, les forces ukrainiennes ont encore à franchir environ 15 km avant fin octobre pour créer une brèche dans cette digue, et permettre à leurs brigades de réserve (probablement de l’ordre de 20,000 combattants préservés pour la suite) de s’engouffrer dans l’arrière du dispositif russe.

Cela aurait considérablement aidé les Ukrainiens de recevoir, avant les calendes grecques que l’on peut donc situer à fin octobre, des missiles puissants et nombreux pour détruire les points clefs du dispositif russe dans ce secteur. Je parle évidemment des missiles américains ATACMS et des missiles de croisière allemands Taurus, dont deux nations clefs dans le soutien aux Ukrainiens parlent depuis plus d’un an pour les premiers et depuis des mois pour les Allemands. 

Lire aussi : L’offensive engagée par l’Ukraine avance « régulièrement et délibérément »

Ces lenteurs liées à des hésitations sans fin deviennent criminelles dans ce contexte où le temps est désormais compté, car cette offensive est devenue de fait une « course contre la montre » dans laquelle les retardataires sont mortifères… Le président ukrainien Zelensky va rencontrer le président américain Joe Biden, cette question des ATACMS sera bien sûr abordée.


Si les Ukrainiens percent dans les temps, que se passera-t-il pour autant ?

Dans ce contexte, la question centrale devient maintenant de savoir si les Ukrainiens percent dans les temps, que se passera-t-il pour autant ?

J’ai essayé d’esquisser les trois scénarios possibles dans un article précédent, dont deux seraient les bienvenus d’ici fin octobre : la débâcle ou une pénétration partielle dans le dispositif russe.

Lire : L’offensive en Ukraine, où peut mener la percée de Robotyne ?


Le premier scénario, celui « idéal » où l’armée de Poutine s’effondre, est toujours possible

Les forces ukrainiennes débouchent brutalement de l’autre côté de la digue grâce à la brèche patiemment creusée pendant ces 3 mois de combats intenses. La seule zone de débouché accessible à ce stade est la percée (de la première ligne) de Robotyne qui permet aux Ukrainiens d’entamer sérieusement la deuxième ligne russe au sud de cette localité. Et si la troisième ligne qui reste encore à franchir n’était pas aussi solide que les deux premières, l’offensive pourrait prendre une brutale accélération et amener les unités d’assaut ukrainiennes beaucoup plus rapidement que prévu de l’autre côté de la digue.

En débouchant derrière cette « muraille » comparable à une ligne Maginot, les unités militaires ukrainiennes peuvent créer une véritable débâcle parmi les troupes de Poutine si celles-ci – à défaut de la surprise – ont le « sentiment » que désormais plus rien ne pourra arrêter les Ukrainiens qu’ils n’ont cessé de martyriser pendant 18 mois… 

Des hommes paniqueront. Certes, ils seront d’abord recadrés ou tués par leurs propres chefs. Mais dans le climat de violence délétère qui a régné jusqu’ici, cette violence se retournera rapidement contre ces derniers. De simples soldats tueront leurs cadres, simplement pour pouvoir s’enfuir et échapper au courroux des assaillants, sans plus tenir compte des conséquences ou d’une quelconque rationalité.

Sans « ligne » derrière laquelle se raccrocher, les soldats de poutIne pourraient partir en débâcle qui – comme la glace – ne peut plus se recoller dès lors que les Ukrainiens ne leur en laissent pas temps. 

Une attaque « inattendue » sur Kherson ? 

Une autre possibilité qu’il ne faut pas négliger, alors que l’armée russe fragilise une longue partie de sa digue pour tenir la zone de Robotyne, serait une attaque surprise à un endroit inattendu, qui cette fois prendrait de court les troupes de Poutine. 

Je pense notamment à la région de Kherson qui présente la difficulté pour les Ukrainiens du franchissement du fleuve Dniepr, mais aussi l’avantage de sa proximité avec la Crimée qui deviendrait alors un objectif stratégique, suffisamment important pour faire chavirer le « maître du Kremlin ». Qui pourrait encore soutenir Poutine alors que cette péninsule annexée illégalement en 2014 serait menacée, un territoire aussi symbolique dans son propre récit d’un empire russe fantasmé ?

Évacuation des familles ukrainiennes de la zone de Kherson le long du fleuve Dniepr

Il faut signaler aussi le succès des forces ukrainiennes au sud de Bakhmut, où elles ont libéré Andriivka le 14 septembre et auraient « complètement détruit » la 72e brigade de fusiliers motorisés russe. Pour autant, la bataille de Bakhmut n’offre pas à ce stade de perspectives de percée à travers la digue russe, dont la deuxième ligne reste encore éloignée. L’effort ukrainien sur Bakhmut sert principalement à fixer des unités militaires russes tandis que ces dernières cherchent désespérément des renforts pour le sud de Robotyne…



Une percée limitée et la prolongation de la guerre 

Le deuxième scénario – qui devient chaque semaine plus probable – est celui d’une offensive qui se prolongerait, après une pause imposée par l’automne comme décrit plus haut, et qui nous emmènerait vers une guerre encore longue… 

Les Ukrainiens, comme leurs alliés, s’y préparent : c’est bien l’objet des livraisons d’avions de combat F16 annoncée pour le début d’année 2024 et les annonces de l’Union européenne que son soutien est désormais planifié dans un temps long, pour plusieurs années au moins. 

Ce scénario serait bien sûr très dur à accepter : parce que la guerre continuerait avec les pertes et les destructions terrifiantes qu’elle génère, parce que les troupes de Poutine auraient plus de temps (l’automne en tout cas) pour reconstruire une partie de sa digue et acheminer des munitions et des armements de remplacement. Ceux par exemple que la Corée du Nord serait prête à livrer dans les mois qui viennent justement, j’y reviendrai. 

La menace de « l’esprit de Munich »

Ce scénario impliquerait aussi que les effets délétères de cette guerre sur l’ensemble du monde – inflation, tensions entre certaines nations et incertitudes sur son issue … – se prolongent d’autant, alimentant un malaise mondial qui profite à Poutine et à ses soutiens (conscients ou inconscients) : ceux-là même qui se verraient bien échanger un semblant de paix (ou plutôt la victoire de Poutine) contre l’abandon de l’Ukraine. 

Le retour de « l’esprit de Munich » se dessine sous nos regards consternés : tout sacrifier à une paix illusoire et éphémère. Comme le fut leur propre politique quand ces souteneurs de Poutine étaient au pouvoir ?


Rencontre Poutine-Kim Jong Un, une solidarité de dictateurs

Qui se ressemble, s’assemble ? La visite largement mise en scène, à destination de la société russe comme de l’opinion publique internationale, de la rencontre entre un mafieux paranoïaque qui se prend pour un empereur et l’héritier fou d’une dictature digne de 1984 est assez saisissante.

Le « maître du Kremlin » se passerait sans doute de cette amitié plus qu’encombrante s’il n’avait un besoin urgent de trouver des canons et des obus par dizaines de milliers, que son armée désespère d’obtenir pour résister à l’offensive ukrainienne. 

La Corée du Nord est désormais une des seules nations qui peut livrer des armes qu’elle a produites dans des quantités invraisemblables et sans craindre de sanctions économiques sur des marchés occidentaux puisqu’elle ne les fréquente pas. A contrario de la Chine ou de l’Inde qui, sans jamais condamner la guerre de Poutine, se sont bien gardées de lui livrer ces armements. 

Le porte-parole du Kremlin dément tout accord entre la Russie et la sombre Corée du Nord, mais comme il a toujours menti, nous pouvons considérer que son déni constitue une confirmation…

Notons au passage – pour le symbole – que le leader éternel de la Corée du Nord a été formé dans les établissements les plus coûteux et discrets que la Suisse sait si bien offrir à tous les enfants de dictateur en mal d’une instruction de qualité que leur paradis de pays ne peut offrir en réalité. La neutralité peut alors s’avérer délétère quand bien même l’argent est réputé ne pas avoir d’odeur…


Soutenir l’Ukraine jusqu’à la victoire

Deux dangers qui menacent la planète se sont donc retrouvés pour admirer ces fusées qui utilisent la même technologie que les missiles. Ils ont convenu d’échanger des armes contre cette compétence (et des devises ?) afin d’alimenter des conflits ravageurs dont le seul but est d’asservir des peuples et d’assouvir leur folie du pouvoir. Il ne manquait dans ce tableau qu’un tweet d’Elon Musk pour saluer cette opportunité.

Rappelons-nous alors qui nous « recommande » de négocier avec eux, dans un mélange de lâcheté et de stupidité…




Lire pour approfondir : Guerre en Ukraine : le compte à rebours de la contre-offensive a commencé, par Cédric Pietralunga (Le Monde)

L’article en version pdf pour ceux qui n’ont pas la chance d’être abonnés au journal Le Monde


Reportage de Xavier Tytelman sur la production de drones par l’Ukraine



Pour vous changer les idées, récit d’une intervention au Cambodge : Un casque bleu chez les khmers rouges, aux éditions des Belles Lettres


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19 commentaires sur “L’offensive en Ukraine : ne pas se tromper de combat

  1. Bonjour Guillaume,
    Merci pour cette série d’articles sur la temporalité de l’offensive ukrainienne avec l’arrivée de l’automne. On peut se poser la question de savoir si les Ukrainiens n’ont pas planifié leur offensive pour déboucher juste avant l’arrivée des pluies et de la boue, ce qui est définitive leur permettrait d’être moins exposé lors de la phase d’exploitation (passant d’un front linéaire à un saillant attaquable à la base). Avant le début de leur offensive en juin, il était déjà évident que les Ukrainiens ne disposaient pas de moyens suffisants d’artillerie (en terme de munitions) pour lancer une grande offensive (dans le style Opération Bagration en 1944) mais que pour des raisons politiques (à la fois intérieur et extérieur), ils se devaient de se montrer offensifs. D’ailleurs il ne semble pas avoir tenter de durcir leur offensive lors de la brève période de flottement induite par la rébellion des Wagners. Comme les Russes, le plus grand soucis des Ukrainiens est dans la gestion des ressources humaines. Avec une population moindre et déjà très éprouvée, ils ne peuvent se permettre de perdre des soldats à la différence des Russes qui peuvent en mobiliser (mais qui ont de grosses difficultés à les équiper et les former). Une avancée jusqu’à Tokmak leur permettrait certainement d’interdire la route terrestre vers la Crimée mais elle va également les placer dans une situation délicate si les Russes décident de ne pas abandonner le terrain au Sud de Kherson. Les Ukrainiens pourraient ensuite reprendre les opérations offensives quand le sol sera gelé (sans que dans l’intervalle, les Russes aient eu le temps de bien organiser une nouvelle ligne de défense solide à cause de la boue) et parvenir ainsi à atteindre Melitopol et provoquer le retrait des forces russes sur la péninsule de Crimée. Le front se stabilisera à nouveau avec vraisemblablement une diminution de sa longueur sur la période printanière et le degel.

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    1. Je trouve que voici une excellente analyse! Je complèterais par :
      – Élargissement et consolidation de la tête de pont d’Orikiv
      – Repousser les Ru jusqu’à la ligne de chemin de fer au Nord de Bakmut (c’est fait au Sud)
      – Arrivée des F16 et peut être ATACMS à l’hiver

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  2. Ne pas se tromper de temps long.

    Bonjour Guillaume. J’apprends toujours sur votre site et j’ai besoin de vos analyses d’initié pour construire mes interpretations des faits. J’ai quand même, dans cet article que j’apprécie, été surpris par l’inquiétude de la contre-offensive incomplète fin octobre. C’est la notion de temps, avec vos hypothèses d’évolution du conflit, qui me questionnent sur des certitudes qu’on voit beaucoup dans les medias et sur la toile. Une victoire rapide ou un épilogue difficile…

    Je m’excuse pour l’extrait de mon brouillon de blog perso qui suit, mais j’ai une hypothèse faible à formuler, en rapport avec une connexion indirecte entre activité économique en Chine et budget russe, donc capacité de financement de son économie de guerre:

    [… Un effet domino et un effet papillon sont à supposer, l’un en Russie et l’autre en Ukraine. En Russie d’abord, la diminution de consommation de pétrole et de gaz chinois pourrait accentuer la baisse de moitié de ses exportations globales. Quand on sait que le produit des énergies fossiles représente une part majeure du PIB russe, toute baisse de débouché a une influence directe sur son économie de guerre (30% du PIB). L’avantage du temps long de Poutine, qui cherche à figer le conflit pour annexer ses acquis territoriaux temporaires, peut s’inverser dès l’automne. L’augmentation des taux directeurs par la banque centrale moscovite ne suffira pas à compenser la chute de valeur monétaire qui accompagne la difficulté à exporter.

    Ensuite en Ukraine, l’effet papillon de la diminution des échanges commerciaux russes (dans les bras de la Chine) sera à l’automne l’avantage logistique et matériel, de par une inversion du rapport d’approvisionnement entre l’envahisseur et le défenseur. L’annonce récente du dictateur nord-coreen d’une activité des usines militaires à leur maximum cache la difficulté russe à soutenir plus avant ses propres capacités de production. Si Kim est autant mis en avant par les dirigeants du Kremlin, à grands coups de déclarations historiques, c’est peut-être parce que le potentiel manufacturier de Moscou est durement handicapé par:

    – La main d’œuvre qualifiée mobilisée ou blessée ou morte.
    – Les cycles de transformation manufacturière rendus difficiles par les sanctions internationales. Équipements inopérants.
    – L’écroulement de la monnaie nationale qui multiplie le coût de toute importation nécessaire (produits intermédiaires comme finaux).

    Pour résumer, le contexte économique chinois difficile va avoir des effets indirects en septembre, puis directs en décembre, sur la situation militaire russe à moyen terme. Les complications macro-économiques du Kremlin pourraient engendrer l’hypothèse d’inversion des moyens de guerre en Ukraine à partir de l’automne…]

    Conscient que mon brouillon de mi-août est contraire à votre approche de situation dans le temps, je vous pose quand même la question bête : Comment financer l’effort de guerre russe en hiver 23-24 ? Je ne pose pas le lien de mon brouillon complet pour ne pas déranger.

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    1. La question est très intéressante mais il ne faut pas négliger le caractère autarcique de la Russie de Poutine qui vit largement dans un bocal, sans réaliser que cette guerre la mène à la ruine.
      J’ai peur que les sujets d’inflation ou de faillite économique n’aient pas d’impacts suffisamment rapides dans ce contexte…
      Néanmoins, les mois passant, la société russe pourrait se retourner à condition que nous ne lâchions pas l’Ukraine entre-temps

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      1. Le temps ne joue pas en faveur du régime de Poutine.
        Le régime n’a plus aucune sortie possible de la guerre d’agression qu’il a déclenchée (sauf une sortie forcée par une défaite très claire).
        L’économie et la société russe sont affectées beaucoup plus par la guerre que par les sanctions.

        Une guerre avec des pertes énormes, que le régime ne peut pas gagner mais en même temps il ne peut plus se retirer, à cause des annexions (il ne peut pas se retirer « de la Russie »).

        J’ai impression que l’aide acheminé à l’Ukraine est dosé de manière à ce que la défaite de Poutine coïncide le plus possible avec les « élections » présidentielle de mars 2024 car le but est le changement de régime (un but normale, la seule solution véritable).

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  3. Bonjour Guillaume, merci encore pour ton article toujours au top!
    J’ai beau suivre de près toutes les analyses, prospectives et m’efforcer de comprendre autant que possible l’évolution de ce conflit, le temps qui défile, meilleur allié de Poutine, mêlé à la frilosité des Etats qui ont la capacité de changer la donne, me donnent ce mauvais goût persistant d’en conclure que l’Otan n’a toujours pas pris conscience des enjeux, des conséquences… Ou pire, qu’in fine, elle laisse transpirer sa crainte de la Russie.
    Seule l’éventualité d’une troisième ligne de défense fragile pourrait effectivement faire la différence en l’état actuel des choses, mais SURTOUT, la potentielle arrivée des ATACMS et Taurus dans la semaine qui arrive est déterminante: nous sommes au pied du mur…
    Concernant la Corée du Nord, je me permettrais d’ajouter que le danger est encore plus élevé que tu ne le rapportes: son rapprochement avec la Russie permettrait à la Chine de fournir également des armes par son intermédiaire.
    De son côté, la Russie produit en masse armes, munitions, véhicules. Même une usine de drones iraniens, dont quasiment pas un jour ne se passe déjà sans qu’on entende parler de leurs exactions…
    Je persiste à penser que le monde ne prend pas la mesure de la situation.
    Il n’est pas trop tard, mais c’est le dernier espoir pour changer la donne. Fournir à l’Ukraine des ATACMS, des Taurus et pourquoi pas des Mirage? Frapper en profondeur. Couper le front en 2 avant l’hiver et détruire le pont de Kerch : ces objectifs sont à mon sens primordiaux. A défaut, nous aurons laissé Poutine gagner ce précieux temps, qui engendre nombre de conséquences de plus en plus dangereuses et désastreuses à mesure qu’il s’écoule…

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  4. Merci encore Guillaume pour cet éclairage précieux.
    J’apprécie particulièrement ta prise en compte des facteurs psychologiques au niveau individuel du combattant.
    Oui, il ne faut rien lâcher, avec l’Ukraine plus que jamais.
    Слава Україні !

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  5. Bonjour Guillaume,

    Ce qui est le plus étonnant, c’est la résilience de Zelensky, homme de télé propulsé par un oligarque ! Toutefois entre l’esprit de Munich et les déclarations martiales rien ne peut remplacer les résultats sur le terrain comme tu le sous-entends. Un homme politique français qui était plutôt résilient mais qui finit par craquer en fourni un bon cas historique car finalement ces rodomontades furent suivies du pire (voir ci-dessous).

    Je dois avouer qu’il me paraît très difficile d’anticiper les mois qui viennent tout en sachant que dès que l’UE et les USA flancheront ou continuerons à tergiverser un tant soit peu, l’Ukraine ne durera pas longtemps.

    Amicalement,

    Philippe

    « Le gouvernement restera à Paris ; même sous le bombardement. Si Paris est pris, on ira ailleurs. S’il le faut, nous nous retirerons sur un cuirassé et nous croiserons, avec la flotte, en vue des côtes de France. »
    Paul REYNAUD (1878-1966), Allocution à la radio, 16 mai 1940. Au cœur de la mêlée (1951), Paul Reynaud
    Le chef du gouvernement multiplie les déclarations imprudentes.

    Après la « drôle de guerre » qui n’est qu’attente, voici la « guerre éclair » (Blitzkrieg). L’Allemagne a envahi les trois pays neutres : Luxembourg, Belgique, Pays-Bas. Le 10 mai, ses blindés attaquent la France par les Ardennes et percent le front à Sedan. L’arme absolue de la Wehrmacht est la Panzerdivision, unité autonome d’environ 300 chars.
    « Si l’on venait me dire un jour que seul un miracle peut sauver la France, ce jour-là je dirais : je crois au miracle, parce que je crois en la France. »
    Paul REYNAUD (1878-1966), Sénat, 21 mai 1940. 1940, l’année terrible (1990), Jean-Pierre Azéma
    Les blindés allemands de Guderian foncent sur Paris, et Amiens est pris le 20 mai. C’est la bataille de France, guerre éclair qui sème la panique dans la population civile. Et c’est le début de l’exode.

    Paul Reynaud a donné sa démission, refusée par le président Lebrun. Le 18 mai, il remanie son gouvernement dans le sens de l’Union nationale, les royalistes y côtoient les socialistes – les communistes restent exclus (conséquence du pacte germano-soviétique). Pétain (84 ans), vainqueur historique de Verdun, devient vice-président du Conseil (…)
    « Nous lutterons en avant de Paris, nous lutterons en arrière de Paris, nous nous enfermerons dans une de nos provinces et, si nous en sommes chassés, nous irons en Afrique du Nord et, au besoin, dans nos possessions d’Amérique. »
    Paul REYNAUD (1878-1966), Message à F.D. Roosevelt, 10 juin 1940
    Franklin Roosevelt et la France, 1939-1945 (1988), André Béziat.
    Le jour où le gouvernement quitte la capitale pour se replier sur Tours, puis Bordeaux, bientôt Vichy. Paris, déclarée ville ouverte par Weygand, tombe aux mains des Allemands le 14 juin.
    Le gouvernement tombera aussi, le 16 juin : cette résistance voulue par Paul Reynaud (et que seul de Gaulle pourra imposer), la majorité du cabinet la refuse, à l’image du pays matraqué par la catastrophe. Laval et Darlan, hors ministère, font pression sur les ministres en faveur de la capitulation. Deux grands militaires de la Première Guerre mondiale, Pétain et Weygand, l’un maréchal, et l’autre général, la souhaitent aussi.
    « Aujourd’hui, 10 juin 1940, la main qui tenait le poignard l’a plongé dans le dos de son voisin. »
    Franklin Delano ROOSEVELT (1882-1945), Université de Virginia, 10 juin 1940
    L’Italie a déclaré la guerre à la France.

    Mussolini, prudemment non-belligérant jusqu’alors, voit déjà la victoire d’Hitler, veut « s’asseoir à la table des vainqueurs » et avoir sa part des dépouilles – il réclame la Corse, la Savoie, Nice et Menton.

    Roosevelt, président des États-Unis, très populaire et sachant user des nouveaux mass media, voudrait lutter contre les pays totalitaires d’Europe. Mais le Sénat et l’opinion publique américaine, ignorant un danger encore lointain pour eux, demeurent profondément isolationnistes.

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  6. Le deuxième scenario, l’offensive d’été ne permet pas de déboucher sur les arrières RU semble le plus probable (entre autre à cause de la densité des mines). Si les Ukr acceptent ce fait, cela change leur stratégie : consolider les acquis, ne pas gaspiller les ressources (notamment humaines). Dès lors il faut en effet préparer les prochaines étapes et je vous suis complètement sur le soutien occidental. Comme dit précédemment la logique géopolitique devrait maintenir le soutien occidental à un certain niveau mais l’opinion publique est importante pour maximiser ce soutien. Je soutiens la proposition d’un précédent commentaire sur une tribune d’influenceurs dont vous faites partie.

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  7. Bonjour Guillaume,

    Je vous remercie pour cette analyse tout à fait intéressante.
    Vous dites que le scénario qui devient de plus en plus probable, à mesure que le temps file, est celui d’une offensive qui ne perce pas (ou peu) avec prolongation de la guerre, et avec les effets attenants: les doutes, les appels à négocier etc. avec en plus certains pays qui mettraient trop de temps à livrer tel ou tel matériel et l’esprit de Munich.
    Cela étant, le problème n’est-il pas plus concret que cela ? Je veux dire, il y a près d’une cinquantaine de pays qui ont donné du matériel, des sanctions assez dures et pourtant si la Russie semble en difficulté, elle ne rompt pas pour autant qu’on puisse en juger.
    Compte tenu de l’état de l’industrie de défense occidental, qui n’ont pas (ou si peu) monté leur capacité à fournir en masse (on a donné 300 chars modernes…), l’état des stocks également qui sont dégarnis (et pour certains pays, on les voit mal donner plus sauf à réduire leur capacité alors que la situation n’a jamais été aussi tendu) et le fait que les plus gros pourvoyeurs d’armes, les USA, choisissent ce qu’ils donnent et au compte-gouttes (cf les 31 chars alors qu’ils en ont des milliers) pour des raisons que j’ai peur de comprendre, n’est-ce pas là la vraie difficulté ? Et donc l’année 2024 ne risque-t-elle pas d’être la plus périlleuse pour l’Ukraine, depuis le tout début du conflit ?

    Bien à vous,

    Eric

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    1. Bonjour Eric,
      Le scénario de déroute de l’armée russe est encore possible mais malheureusement moins probable désormais que celui de la prolongation du conflit. Très périlleux pour l’Ukraine et pour les alliés mais le temps ne joue qu’en faveur de Poutine, dont la société n’a pas encore mesuré qu’il la mène à la ruine.

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      1. Merci pour votre réponse Guillaume.

        Je sais que la question semble « ridicule » et je m’en excuse d’avance, mais si on regarde ce qui a changé les choses dans les précédents grands conflits, ça a souvent été, en plus du support matériel, l’arrivée de troupes (en l’occurence américaine pour la 1ère GM et Russes et Américaines pour la seconde).
        Si nous sommes cohérents avec nous-mêmes, et aussi pour réduire la possibilité que le soutien change (élections UE avec des nationalistes bien placé, élections US) et qu’on voit tous monter, ne devrions-nous pas entrer dans le combat avec des hommes ?…
        Quand j’y pense, et même si ça me déplairait (ma femme est militaire), je me dis qu’on devrait considérer cette option.

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    2. J’apprécie ce commentaire. Je lui apporterai une contradiction bienveillante : nous (occidentaux) devrions ouvrir les vannes de notre aide militaire car la victoire de l’Ukr est fondamentale dans notre jeu géostratégique.

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  8. Je rebondis sur « Un casque bleu chez le khmers rouges » dont vous rappelez la publication il y a un certain nombre d’années déjà. Je l’avais lu avec beaucoup d’intérêt de même que celui que vous aviez consacré à notre intervention au Rwanda. Ce dernier a été le premier livre que j’ai lu de vous et je le recommande chaudement à tous au même titre que les deux autres, indépendammant de leur chronologie de parution.

    J’ai lu avec autant d’intérêt un autre livre de votre main « Vent glacial sur Sarajevo » dans lequel vous relatez au quotidien une autre mission sous l’égide de l’ONU et des interrogations et déceptions qui furent les vôtres. Ce livre était entré en résonance avec un téléfilm de Peter Kosminsky sous l’égide de la BBC « Warriors, l’impossible mission ».

    SYNOPSIS DE WARRIORS….
    « Automne 1992, la guerre fait rage en Bosnie-Herzégovine. De jeunes militaires britanniques sont rappelés de permission pour servir en tant que Casques bleus de la FORPRONU dans le conflit ethnique qui oppose les Croates, Serbes et Bosniaques. À bord de leurs MCV-80 Warrior de couleur blanche à l’effigie de l’ONU, ils sillonnent un pays livré à la barbarie et au chaos.
    Ce téléfilm produit par la BBC a été diffusé pour la première fois en France, en deux parties, le  sur la chaîne ARTE. La critique lui donne aussitôt la stature d’une œuvre exceptionnelle. »

    RESUME DU LIVRE DE GUILLAUME ANCEL…
    Carnet de guerre d’un officier en première ligne lors du siège le plus long qu’ait connu une capitale à l’époque contemporaine, Vent glacial sur Sarajevo est un témoignage sans concession sur l’ambiguïté de la politique française durant le conflit en ex-Yougoslavie.
    Cette « capitale assiégée que nous n’avons pas su protéger », Guillaume Ancel la rejoint en janvier 1995 avec un bataillon de la Légion étrangère. Sarajevo est encerclée depuis déjà trois ans et sa population soumise aux tirs quotidiens des batteries d’artillerie serbes. L’équipe du capitaine Ancel a pour mission de guider les frappes des avions de l’OTAN contre elles. Des assauts sans cesse reportés, les soldats français recevant à la dernière minute les contre-ordres nécessaires pour que les Serbes ne soient jamais inquiétés. Sur le terrain, les casques bleus français comprennent qu’on ne leur a pas tout dit de leur mission et se retrouvent pris au piège.
    « Six mois d’humiliation » résume Guillaume Ancel qui dresse un constat sévère des choix faits par le gouvernement d’alors. En témoignant de l’opération à laquelle il a participé, il raconte ces hommes, ces situations, cette confusion et le désarroi qui, jour après jour, ronge ces soldats impuissants.

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    1. Merci de ces rappels, le film britannique « Warriors » m’a durement cogné, sans doute aussi aidé à écrire mon propre témoignage sur le siège de Sarajevo…
      Je vais le compléter bientôt d’un récit compliqué, lorsque le président Chirac donna l’ordre en juin 95 de tuer le chef militaire des Serbes, le général Mladic, mais renonça au dernier moment pour des raisons humanitaires car celui-ci était entouré d’enfants. Deux semaines plus tard, Mladic menait en personne un crime contre l’humanité, les massacres de Srebrenica.
      Nous étions là mais nos avions de combat ont finalement servi à les photographier…

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      1. Cher Guillaume,
        Concernant vos témoignages (qui soulèvent des tempêtes d’émotions quand on les lit) sur ce que vous avez vu et vécu au Cambodge, au Rwanda, en Ex-Yougoslavie, j’ai lu un passage dans un bouquin qui m’a fait pensé à vous :
        “Ce serait une erreur d’imaginer que les gens demandent qu’on protège leur vie et leur environnement, et qu’il témoigneraient de la reconnaissance à un idéaliste qui mènerait le combat dans ce sens. Les gens ne pensent qu’à leur confort.”
        ― Isaac Asimov, Les Dieux eux-mêmes

        Quant à l’attitude attentiste, irresponsable, immature des occidentaux, elle ne sert que trop les ambitions expansionnistes de Poutine et Cie. quand on pense que l’Histoire a déjà vu ça en 1853, lors de la première (?) guerre de Crimée…. (voir, pour ceux que ça intéresse le numéro 917 du mensuel Historia sur cette guerre « mondiale » de 1853 à 1856. )

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