
[Cet article met en exergue une analyse synthétique sur la guerre des drones publiée dans « Trump, promoteur de la paix ou du chaos » ]
Pour mettre fin à sa guerre, Poutine veut qu’on lui cède en Ukraine ce qu’il n’a pas encore conquis par les armes, soit 6 000 km2 du Donbass, tandis que le président ukrainien, soutenu par les pays européens (mais aussi canadien et australien) de la coalition des volontaires, voudrait l’arrêter complètement, à défaut de le faire reculer.
La Russie emploie donc contre les pays européens – sans jamais s’en prendre aux Etats-Unis – son arme principale, qui n’est ni un missile ni un avion mais la peur, qu’elle sait instiller dans nos démocraties encore convaincues qu’elles n’auraient plus à se battre. Cette peur de se battre, de combattre, n’arrête pas de tourmenter les pays européens tandis que les Etats-Unis, quant à eux, n’ont jamais cessé de le faire dans le monde entier depuis la Seconde Guerre mondiale, acculturant leur société à la nécessité de défendre, y compris par les armes, leurs intérêts à défaut de la paix.
« l’arme principale de Poutine contre les pays européens est la peur »
Même après trois ans et demi de guerre à leurs portes, les nations européennes peinent à se mobiliser pour se défendre ensemble. Remettant ici en cause la fabrication d’un avion de guerre européen du simple fait de la prétention d’un avionneur français (Dassault pour ne pas le nommer) et brillant là par leur absence de mobilisation pour simplement se protéger des drones, dont l’emploi a pourtant « explosé » dans cette guerre russe contre l’Ukraine.
Comment détecter et identifier des drones ?
Les drones posent des questions inédites pour des institutions militaires européennes qui ne brillent pas par leur capacité d’innovation et encore moins d’adaptation à un contexte qui évolue très, très rapidement. Difficiles à détecter (leurs signatures visuelles, radars et thermiques sont très faibles), compliqués à identifier et plus encore à intercepter, les drones surgissent au-dessus de nos territoires comme pour nous rappeler que nous sommes exposés à cet empire menaçant qu’est devenue la Russie de Poutine.

Quelques initiatives seulement ont été prises par des industriels éclairés et des institutions de défense un peu moins en retard que les autres pour s’associer aux Ukrainiens et co-construire des solutions adaptées à cette guerre des drones.
La première capacité à acquérir consiste à pouvoir repérer ces drones et à les identifier (toujours dommage de traquer un drone « ami » !). Les Ukrainiens ont développé pour cela un vaste dispositif de détecteurs acoustiques pour compléter les surveillances radar ou thermique.
Neutraliser un drone… par un drone ?
La deuxième capacité clef dans cette guerre des drones réside bien sûr dans le fait de pouvoir les neutraliser sans générer des coûts prohibitifs (un drone coûte des dizaines de milliers d’euros, un missile des centaines) le tout sans provoquer des dégâts collatéraux qui seraient inacceptables. Les solutions de brouillage, par exemple, sont très difficiles à utiliser près d’un aéroport sans risquer de perturber les liaisons indispensables à la circulation aérienne.
Des solutions de laser de grande puissance sont aussi développées, mais elles sont pour l’instant difficiles à déployer sur le terrain. De plus, elles restent sensibles aux conditions météorologiques (nuages, pluie), au brouillard, à la fumée…
Pour leur neutralisation physique – leur destruction –, les Ukrainiens développent actuellement une génération de drones intercepteurs en estimant que ce sont finalement les vecteurs les plus à même d’aller chasser leurs congénères, à l’identique de l’histoire des avions de chasse développés du fait de l’essor des avions pour observer et bombarder durant la Première Guerre mondiale… c’est l’ère des « drones de guerre », qui volent en essaim plutôt qu’en escadrille.
Dissuader l’utilisation des drones par des opérations en miroir
Prenons maintenant un peu de distance avec l’aspect technique des drones qui nous enfermerait sinon dans une forme d’impasse, où l’emballement technologique rend obsolète toute solution arrêtée en quelques semaines. Regardons ainsi la manière dont ces drones sont utilisés : pour contrer les drones russes, les Ukrainiens ont aussi développé une symétrie dans l’utilisation de ces armes. Ils frappent désormais quasiment au quotidien le territoire russe en visant tout spécialement les installations pétrolières et gazières.
Cette question de symétrie invite les Européens à développer une capacité équivalente aux provocations des Russes. Si ces derniers utilisent des drones pour survoler et perturber le trafic aérien de grands aéroports européens ou des sites sensibles, un message dissuasif pourrait leur être envoyé en faisant de même, à savoir perturber la circulation aérienne de grands aéroports russes par exemple ou les logiciels de gestion des bagages comme les Russes l’ont fait récemment en Europe.
les pays de l’OTAN pourraient s’aguerrir à la lutte anti drones en allant détruire ceux qui volent dans l’espace aérien ukrainien à moins de 100 km de ses frontières
De même, les pays de l’OTAN pourraient s’aguerrir à la lutte anti drones en allant détruire ceux qui volent dans l’espace aérien ukrainien à moins de 100 km de ses frontières et menacent la Pologne ou la Roumanie par exemple. Outre l’aide apportée à la résistance de l’Ukraine, la chasse aux drones russes sur une partie du territoire ukrainien constituerait un champ d’expérimentation de nouvelles technologies et un message fort envoyé à Poutine qui se croit tout permis.
En effet, la capacité de dissuasion ne s’applique pas seulement au domaine nucléaire, mais à tout l’arsenal des armes classiques et permet de renvoyer aussi un message essentiel, celui qui manque le plus dans les arsenaux européens : la démonstration de notre capacité à nous battre.
En avons-nous seulement la possibilité tandis que les Ukrainiens l’ont développée depuis longtemps ?
Le projet de « mur antidrones » a pour première vocation de rassembler les Européens, en évitant de construire une ligne Maginot
Dans ce domaine des drones comme pour beaucoup d’autres, il est plus que jamais nécessaire que les Européens s’organisent ensemble plutôt que de faire du bricolage dans leur jardin, sous prétexte d’une souveraineté depuis longtemps dépassée.
Le fait que l’Union européenne s’empare d’un projet industriel commun, appelé « mur antidrones » est intéressant, au regard de l’aspect mobilisation des ressources et mise en commun des intelligences en la matière. Une condition de son succès est qu’il ne se transforme pas en ligne Maginot, dans une technologie particulièrement volatile qui rend tout programme lourd obsolète avant même son déploiement.

Je rappelle au passage qu’un drone, compte tenu de ses faibles dimensions, peut être déposé dans n’importe quelle région en Europe, pour être utilisé ensuite à proximité de la cible visée avec un guidage programmé ou effectué à distance (ou quelques opérateurs de proximité). Ils peuvent aussi s’envoler à partir d’un bateau. Une barrière figée géographiquement serait donc facilement contournée…
Les pays européens ont tout à gagner, dans ce désordre, à s’organiser ensemble dans une véritable Union qui dépasserait enfin le « simple » club de commerçants et de banquiers pour s’occuper de leur propre sécurité.

Lire aussi : Mur anti-drones, l’ultime défense de l’Union européenne face à la Russie ? par Emilie Echaroux (Usbek & Rica)
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Les drones prolifèrent dans l’espace européen comme les armes dans les banlieues françaises.
Ce genre d’appareil doit être bien facile à se procurer sur Internet mais nous ne sommes plus dans le gadget assemblé dans la cuisine pour espionner le voisin au-dessus de la haie.
Nous sommes maintenant dans la peur permanente d’une attaque aérienne violente et sournoise de la part de Poutine. C’est ce qu’il veut: entretenir la PEUR en Europe.
Comme il n’obtient pas les territoires souhaités en Ukraine, il nous cerne de toutes parts avec des drones anonymes qu’un pays ne souhaite abattre par crainte de représailles.
Cette situation risque de perdurer longtemps tant que la paix ne sera pas signée avec l’Ukraine.
S Cazeneuve
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Les meilleurs alliés de poutin’ sont la pusillanimité et le déni des dirigeants Occidentaux: on finira par le payer cher, très cher: on a vu ce que le chamberlainisme a généré …
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Oui, le dictateur conquérant Poutine ne mise pas exclusivement sur l’attaque militaire, il mise aussi beaucoup sur la peur qu’il inspire aux démocraties et qu’il espère paralysante.
Il a très bien observé que dans leur majorité les Européens n’ont pas encore intégré une notion salvatrice : quiconque veut préserver sa paix et sa sécurité doit montrer clairement qu’il est prêt à combattre si cela se révèle nécessaire.
Christian GUILLAUME (génération service militaire sous la forme service armé).
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