Cessez-le-feu au Liban, première étape d’une paix incertaine au Proche-Orient ?

© Jalaa Marey, AFP

Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a enfin accepté de signer un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, sous l’égide des Etats-Unis et de la France, et sans aucune place pour l’Europe malheureusement.

Outre l’arrêt des combats ce 27 novembre 2024, l’accord prévoit la mise en place d’une phase de soixante jours de transition au cours de laquelle les troupes israéliennes devront évacuer le sud du Liban, où elles sont entrées à partir du 1er octobre. Parallèlement, les forces du Hezbollah devront se retirer au nord du fleuve Litani, à une vingtaine de kilomètres environ de la frontière.

L’armée libanaise et la FINUL (Force Intérimaire des Nations-Unies au Liban) doivent réinvestir cette zone pour la contrôler et s’assurer du respect de cet accord, un défi en soi.

S’il permet formellement de stopper les combats, un cessez-le-feu reste fragile car il n’est pas la conclusion d’un processus de paix mais plutôt la première étape d’un retour progressif à une forme de normalité. Des « violations » sont inévitables, le point est de savoir si celles-ci diminueront progressivement ou si elles serviront de prétexte à sortir de cet accord provisoire.

Le délai de 60 jours pour rendre effectif cet accord correspond à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, conformément à son ambition de « stopper les guerres » qui a déjà fait l’objet de discussions avec son ami et allié Benyamin Netanyahou.

Cependant, ce cessez-le-feu est d’autant plus fragile que trois questions clefs sont loin d’être réglées. La première d’entre elle est le sort du Liban dont un gouvernement sans forces doit en même temps assurer le contrôle de la « zone tampon » que le Hezbollah et l’armée israélienne sont censées quitter, et d’autre part reconstruire l’avenir d’une société qui n’a toujours pas de président. Dans ce cadre, quel rôle le Hezbollah qui est d’abord un mouvement politique et religieux jouera encore ?

Un accord de cessez-le-feu est fragile par nature

L’armée israélienne affirme avoir mené plus de 12,000 bombardements au Liban depuis le début du conflit (déclenché par l’attaque du terroriste du Hamas le 7 octobre 2023) soit une moyenne de 30 frappes par jour avec une augmentation très forte depuis que Netanyahou a lancé en septembre l’opération « Flèche du Nord » au lieu d’accepter un cessez-le-feu global comme le pressait son désormais ex-ministre de la défense Yoav Gallant.

Le nombre d’objectifs affichés dépasse largement la réalité comme les « 1,600 centres de commandement » qui, rapportés aux 50,000 soldats présumés du Hezbollah, en ferait un poste de commandement pour 30 soldats… chiffre qu’il faudrait diviser par 3 ou 4 pour approcher une forme de rationalité à moins que le Hezbollah ne soit une armée de « centres de commandement », qui est devenu le mot bidon pour justifier un bombardement…

Rappelons qu’une « frappe » (aérienne ou terrestre par une salve d’artillerie) détruit l’équivalent d’un immeuble ou la surface d’un terrain de football et que – militairement – elle ne peut se justifier que par l’existence d’une cible conséquente (regroupement de soldats, PC, dépôt d’armes) … là où, au Liban et pire encore à Gaza, le nombre de bombardements a largement dépassé le nombre de cibles clairement identifiées et pertinentes.

Des opérations de dévastation dignes d’Attila

Actuellement, l’armée israélienne a l’ordre de tout détruire sur une bande de plusieurs kilomètres de largeur à la frontière libanaise : immeubles, maisons, installations agricoles, et bien sûr les bâtiments religieux et les cimetières (probablement des « centres de commandement » vu le nombre de personnes regroupées).

Cette politique de dévastation – on parle de « glacis » en termes militaires – montre la volonté que plus personne ne puisse vivre à proximité de l’Etat hébreu. Est-ce le seul moyen pour Netanyahou d’empêcher que se reproduise un désastre comme l’attaque du 7 octobre pourtant largement causée par sa négligence face aux remontées de ses propres services de renseignement ?

Le Liban meurtri (4,000 morts et autour de 15,000 blessés) et traumatisé par cette année de guerre, la détestation d’Israël devenu un agresseur sans foi ni loi, et la crainte que cette guerre puisse reprendre au bon vouloir de son voisin pèsent d’autant sur son avenir que « le pays du cèdre » est une mosaïque qui ne peut vivre que grâce à un équilibre complexe et subtil, et pas sous les bombes et les bulldozers de Netanyahou.

Signalons au passage que les bombardements sur Beyrouth ont notamment frappé des quartiers qui n’ont jamais accueilli le moindre représentant du Hezbollah et que de nombreux villages rasés à coup de tonnes d’explosifs dans la zone de la frontière n’ont jamais hébergé ni soldats ni armes, encore moins de « centre de commandement ». La propagande de guerre ne doit pas nous aveugler sur les buts réellement poursuivis.

Sans règlement de la guerre contre Gaza, aucun retour à la paix n’est envisageable

Le nœud du conflit actuel au Proche-Orient reste la guerre à Gaza : l’opération menée « contre le Hamas » depuis son attaque terroriste du 7 octobre 2023 contre Israël n’a plus de sens, parce qu’il n’y a plus de cibles militaires à Gaza. Et pourtant Netanyahou continue à faire bombarder Gaza quotidiennement, oubliant définitivement les derniers otages encore vivants qui y sont détenus …

De fait, Netanyahou n’a pas fait la guerre au Hamas – organisation terroriste qu’aucune attaque militaire ne saurait détruire – mais il a attaqué et détruit systématiquement la bande de Gaza : l’armée israélienne a l’ordre de tout raser et de vider de ses habitants la partie nord de ce territoire palestinien. Qui peut encore prétendre ne pas avoir compris le noir dessein de Benyamin Netanyahou de s’approprier tout ou partie de la bande de Gaza, avec la même violence déployée pour chasser « les Arabes » de Cisjordanie et de Jérusalem ?

Le Premier ministre israélien sait que son ami Donald Trump ne s’opposera pas à cette colonisation par la force de Gaza, néanmoins il lui faudra pour cela « stopper la guerre » comme ce dernier veut pouvoir s’en vanter. Netanyahou devra dans les semaines qui viennent accepter aussi un accord de cessez-le-feu sur Gaza, probablement est-il en train de le négocier contre l’appui des Etats-Unis pour attaquer l’Iran, l’acteur principal des tensions régionales.

L’Iran, principal acteur de la tension au Proche-Orient

L’Iran, allié de la Russie de Poutine et soutien du Hezbollah comme du Hamas, est la principale préoccupation d’Israël en termes de sécurité : il est la seule puissance régionale qui peut réellement menacer l’Etat hébreu même s’il n’a pas de frontière directe avec celui-ci. Netanyahou l’a rappelé en annonçant le cessez-le-feu au Liban, c’est l’Iran qui joue un rôle clef dans les menaces au Proche-Orient, au même titre que la Russie de Poutine est devenue un empire menaçant pour toute l’Europe.

Le régime iranien est affaibli, mais il garde une capacité d’action importante grâce à ses relais, ses « proxy », de la Syrie au Yémen en passant par l’Irak. L’Iran poursuit surtout un programme d’acquisition d’armes nucléaires propres à menacer l’existence même d’Israël. Netanyahou – et il n’est pas le seul – voudrait a minima attaquer pour détruire cette capacité (ce qui est militairement très difficile) et au mieux renverser le régime des mollahs pour neutraliser durablement cette menace.

Sur ce point, Trump du fait de sa conviction que la guerre est un « bad business », s’est déjà opposé lors de son dernier mandat à une telle guerre contre l’Iran. Ne doutons-pas que Netanyahou va tenter de le convaincre du contraire. La paix au Proche-Orient repose donc sur des facteurs qui dépassent largement cette fragile trêve au sud du Liban.

Un dégel du conflit en Syrie ?

Pendant ce temps, la Syrie de Bachar al-Assad, autre ami ou plutôt vassal de Vladimir Poutine tellement son sort dépend de l’aide militaire de ce dernier, voit toutes les oppositions attaquer de nouveau. En effet, l’armée russe a replié une partie de ses forces pour se concentrer sur l’Ukraine qu’elle n’arrive toujours pas à soumettre, après plus de 1,000 jours d’une guerre sans limites.

Remarquons que tous les alliés de la Russie au Proche-Orient sont affaiblis par le manque actuel de moyens militaires de Poutine, ce dernier attendant probablement de pouvoir stopper la guerre en Ukraine pour reconstituer une armée très éprouvée et qui ne peut plus apporter qu’un soutien limité à l’Iran comme à la Syrie, ainsi qu’aux rebelles houthis du Yemen comme au Hamas. Les négociations pour l’Ukraine sont liées aussi à la situation au Proche-Orient, notamment du fait du rôle clef des Etats-Unis et de la Russie.

L’Europe va-t-elle enfin jouer le rôle déterminant dont notre propre sécurité a un besoin évident ?


Lire aussi : Poutine nous menace directement, sommes-nous capables de résister à son offensive plus psychologique que militaire ?


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12 commentaires sur “Cessez-le-feu au Liban, première étape d’une paix incertaine au Proche-Orient ?

  1. En ce qui concerne le Liban, cela va faire la 5e fois qu’Israël envahit ce petit pays : 1978, 1982, 1996, 2006 et maintenant en 2024. L’histoire ne fait que bagayer…

    En 1982, l’objectif était d’exfiltrer l’OLP de Yasser Arafat en Tunisie. Les militants palestiniens ont embarqué sur des navires français, sous la protection de troupes occidentales dont une centaine de parachutistes français.

    Problème, la nature ayant horreur du vide, le Hezbollah est né en remplacement de l’OLP. Indirectement cette organisation est la « création » de l’Etat d’Israël.

    Maintenant l’objectif est d’éradiquer le Hezbollah…Qui de toutes façons sera remplacé par une autre organisation encore plus extrémiste et plus radicale.

    On peut s’interroger sur les méthodes de Tsahal : Elle pratique la politique de le terre brûlée sur « plusieurs kilomètres ». Problème AUCUNE GUERRE n’a été gagnée par des bombardements à outrance ! Les américains ont déversé des MILLIONS de tonnes de bombes explosives, à sous munitions, de roquettes munies de fléchettes en plastique ( indétectables aux rayons X) de napalm, de bombes CBU ( aspirant tout l’oxygène sur un rayon de plusieurs dizaines de mètres) pendant la guerre du Viet Nam. ( Certaines régions – Laos – sont polluées par les résidus pour des centaines d’années)

    Or avec cette politique de la terre brûlée, Netanyahou et les extrémistes d’extrême droite israéliens, comme Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir sont en train de « construire » des générations de militants remplis de haine…

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  2. Et les politiques qui laissent dire que israel est une démocratie ;

    ISRAEL n’est pas un état démocratique : La loi Israël, État-nation du peuple juif, adoptée le 19 juillet 2018 par la Knesset, est l’une des lois fondamentales d’Israël.

    Cette loi, à caractère constitutionnel, définit Israël comme « l’État-nation du peuple juif », précisant que « le droit d’exercer l’auto-détermination au sein de l’État d’Israël est réservé uniquement au peuple juif. L’État voit le développement de l’implantation juive comme une valeur nationale, encouragera et promouvra son développement et sa consolidation ; »

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  3. Une paix ? Non, tout au plus un arrêt momentané des combats.

    Aiguillonné par l’iran qui rêve de la destruction d’Israël, le hezbollah attaquera toujours Israël.

    La paix ne sera possible qu’avec la chute du régime des mollahs à Téhéran.

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  4. Il est rare de pouvoir eclater de rire en lisant ta
    lettre-blog , mais ce fut le cas hier :je te cite  » …les
    cimetieres…,centres de commandements…vu le nombre de personnes
    regroupees !!J ai l’impression que les mullahs iraniens laissent
    provisoirement leurs « proxys » …pour se concenter sur leur programme
    le plus sacre ,l’arme nucleaire ! jeu trouble de la Turquie d
    Erdogan qui arme les djihadistes (avec du materiel otan ?)En Europe les fans ne se battent que pour les matchs de foot
    ,c est ca l Europe …ou je reve ? Amities
    Patrick.-

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  5. Que peut-on attendre de ce cessez-le-feu qui sera très certainement violé par Israël ? Encore des atrocités pour le Liban, puis d’autres sur Gaza.

    Israël et ses dirigeants n’ont que mépris pour les populations qui les entourent.

    Quant aux grands pourvoyeurs d’armement, ils se frottent les mains et engrangent des dividendes en fournissant à Israël les moyens de détruire tout ce qui bouge à ses frontières dans un rayon de + en + grand.

    Horrible et effrayant.

    S Cazeneuve

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  6. Bonjour. Pour moi, l’Europe est actuellement en capaçité de déployer une force d’interposition en Palestine, à la fois pour protéger c’est habitant des menaces que représentes pour leur vie le gouvernement actuel d’Israel et également d’effectuer les opérations de police nécessaire à la sécurité local, la prévention des attaque térroriste contre Israël et globalement la reprise de la vie quotidienne. Ceci dit pour ne pas passer pour des proxi d’Israel la présence de force pro-palestinnienne dans la coalition sembles indispensables (comme l’Iran, l’Egypte, l’Arabie Saoudite). L’intervention de l’Europe dans ce conflit aurait plusieurs avantages, le premier étant de rappeller son existance à Donald Trump, le deuxième préparer ses soldats au stress d’une situation de conflit (ne revons pas, ça sera un beau merdier), et enfin donnerez des gages à Donald Trump pour rassurer les plus fanatique soutient inconditionnel des Israëliens au Etats Unies (ce sont nos alliés Européens qui gèrent, pas de soldats Américains dans se coupe gorge…) pour finir cela raménerai peut être un peu le gouvernement Israëlien la raison… Salutation, Ludovic Melin.

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  7. Bonjour Monsieur Ancel

    A quoi sert une zone tampon lorsque vous avez des projectiles qui sont capable de dépasser cette zone ? Cette zone tampon n’empêcherait pas des incursions du Hezbollah malgré la FINUL ou les forces régulières Libanaises. Il est possible que la réalité soit autre dans la volonté d’Israël, de Netanyahou en réalité avec ses faucons, de garder  » une dynamique de guerre » pour des raisons déjà évoquées ( compte à rendre sur l’échec sécuritaire du 7 octobre , non libération des otages, affaires judiciaires, positionnement politique dune droite radicalisée…).

    En effet, à peine le cessez-le-feu accepté avec le Liban que Netanyahou et son équipe ouvre un nouveau front vers la Syrie. Si le front Syrien finissait par se calmer, un front Irakien serait certainement activé. Netanyahu garde aussi le front Iranien possiblement activable.

    Pour résumer, Netanyahou et son équipe droito-messianique sont dans un conflit permanent pour aboutir soit au projet des extrémistes du grand Israël ou pour que Netanyahou perdure en politique.

    En attendant, Gaza doit devenir invivable ce qui est le projet de fond des acteurs de la recolonisation de Gaza et aucune solution politique n’aboutit suite à la première phase qui est l’engagement militaire.

    Temps que les parrains régionaux et internationaux ne se seront pas mis d’accord au détail près pour l’après guerre , le conflit perdurera et les tensions avec la Russie participent à cette dynamique guerrière.

    Cdlt

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