Riposte mesurée d’Israël contre l’Iran, un succès pour le président Biden ?


Israël a mené ce 26 octobre 2024, avant l’aube, des frappes très limitées contre l’Iran, contrairement à ce que souhaitait son Premier ministre Benyamin Netanyahou.

En effet, les frappes israéliennes ont visé uniquement des cibles militaires, liées à la capacité de l’Iran de produire et de tirer des missiles, ainsi que contre des sites de défense anti-aérienne, fragilisant de fait sa capacité à se protéger contre de nouvelles attaques. Il faut rappeler que l’Iran est 75 fois plus vaste qu’Israël, et que son territoire est difficile à défendre face aux capacités offensives très performantes dont dispose l’Etat hébreu… grâce aux États-Unis.

L’intention initiale de Netanyahou était de frapper « au mieux » les installations nucléaires de l’Iran, celles qui pourraient donner un jour la capacité à ce pays de se doter aussi d’une arme nucléaire (Israël en possède déjà une trentaine), ou « au moins » de détruire des installations pétrolières de l’Iran, afin de diminuer de manière conséquente ses revenus, quitte à créer une crise sur le marché international du pétrole.

Cependant, pour mener cette frappe contre l’Iran, Israël a besoin non seulement des munitions et de l’autorisation des États-Unis, de ses informations cruciales sur les défenses iraniennes mais aussi de sa capacité à protéger l’état hébreu en cas de riposte. C’est pour cette raison que les États-Unis venaient d’installer un système THAAD sur le territoire même d’Israël pour compléter le dôme de protection déjà mis en place par leurs soins.

C’est ce dispositif américain qui a protégé en réalité Israël bien plus que le « dôme de fer » contre l’attaque menée le 1er octobre par l’Iran avec près de 200 missiles. Sans l’alerte donnée par les États-Unis (grâce à ses systèmes extrêmement puissants de détection et de surveillance) et la destruction en vol de la moitié des missiles iraniens avant qu’ils n’arrivent au-dessus d’Israël, les dégâts auraient été considérables, probablement de l’ordre d’une centaine de morts, et trois fois et demi plus de blessés.

Des frappes limitées contre l’Iran, conformément à la volonté du président américain Joe Biden

Si la riposte israélienne n’a eu lieu que 26 jours après l’attaque de l’Iran, mais pas non plus au dernier moment avant l’élection présidentielle comme le craignait le président Biden, c’est que les tractations avec les États-Unis ont été intenses et que – probablement pour la première fois depuis le début du conflit au Proche-Orient – Netanyahou a été forcé d’écouter l’allié américain sans lequel il ne peut pas conduire une opération militaire contre l’Iran.

Cette riposte limitée est donc un signe de désescalade dans cette situation dramatique que traverse le Proche-Orient, où Netanyahou mène une guerre dévastatrice sur 7 fronts différents. C’est aussi un succès pour Biden à 10 jours de l’élection présidentielle, de montrer que les États-Unis ont conservé un rôle dans la poursuite des évènements au Proche-Orient, après un an d’humiliations répétées à chaque annonce de « l’imminence d’un accord » qui ne venait jamais.

Lire aussi : Comme le souhaitait le Hamas, Netanyahou instaure un état de guerre permanent au Proche-Orient : qui pourra l’arrêter ?

Mais le succès de Biden ne sera complet que s’il arrive enfin à faire signer par Netanyahou un accord de cessez-le-feu pour Gaza et que la guerre menée au Liban contre le Hezbollah s’arrête là. Les quelques otages israéliens encore en vie seraient libérés et le carnage qui se déroule sous nos yeux dans le camp de Jabalya enfin arrêté.

Mettre fin à la politique de terreur de Netanyahou en riposte à l’attaque terroriste du 7 octobre : vers une désescalade avec un accord de cessez-le-feu à la clef ?

En effet, La réaction de Netanyahou à l’attaque terroriste du 7 octobre est d’une extrême violence : ravage de la bande de Gaza dont probablement plus de la moitié des morts sont sous les décombres du tas de ruines qu’est devenu ce minuscule territoire, détruit systématiquement par trois vagues de bombardements indiscriminés et disproportionnés. Plus de 90% des victimes ne sont pas des miliciens du Hamas, c’est bien l’ensemble des Palestiniens de Gaza qui sont la cible de l’opération « épées de fer » décidée par le Premier ministre israélien au grand dam du président Biden qui sait mieux que quiconque que la vengeance aveugle ne risque pas de construire la paix, pas plus que le futur.


Après une année complète d’une guerre dévastatrice, l’opération actuellement menée contre le « camp de Jabaliya » au nord de Gaza est emblématique de cette manière de faire : siège impitoyable d’une population essentiellement civile (300,000 personnes ?), bombardements systématiques et étranglement de l’aide humanitaire, avec bien sûr l’interdiction faite aux journalistes d’accéder à la zone…


Ce qui frappe dans les témoignages qui remontent encore, notamment des personnels soignants peu suspects d’être de dangereux terroristes est bien la terreur qu’ils ressentent au « gré » de cette situation qui dure depuis des semaines pour Jabaliya et des mois pour la bande de Gaza. Je reçois le même témoignage des Libanais qui vivent à Beyrouth bombardée quotidiennement par des « frappes ciblées » qui détruisent tout leur environnement à chaque explosion, tuant sans discrimination secouristes, enfants, des familles complètes.

(C) Le Monde

La terreur est désormais le maître mot de ces opérations qui ne sont en rien de l’anti-terrorisme ciblé comme sait pourtant le faire Israël (cf l’élimination d’Ismael Hanyieh à Téhéran ne faisant que deux morts). La question se pose désormais de la qualification de ce mode de faire répété et systématique qui consiste à tout détruire sous prétexte d’éliminer une menace : quelle est la différence avec l’opération terroriste à laquelle il est censé riposter ?

« Une réplique à la terreur par la terreur »

L’opération menée pas Netanyahou n’est pas une guerre civilisationnelle comme il le réclame, mais une réplique à la terreur par la terreur explosant au passage toutes les règles péniblement édictées par le droit de la guerre. Si plus rien ne doit être respecté par un État de droit dès lors qu’il a subi une attaque terroriste, si ce dernier déploie une pareille volonté de terreur vers l’ensemble de la population qu’il désigne comme son ennemi, en quoi est-il différent du terrorisme qu’il prétend combattre ?

La guerre menée par Netanyahou depuis plus d’un an – en riposte d’une attaque terroriste – pour attaquer le Hamas et le Hezbollah, en détruisant Gaza et maintenant le Liban, relève aussi du terrorisme par les moyens employés volontairement, de manière assumée et prolongée. Il est temps que les Etats-Unis y mettent fin, notamment pour protéger l’avenir même d’Israël qui ne peut reposer sur le fait d’éliminer tous ceux qui pourraient le menacer.


PS : j’avais l’intention d’écrire aussi sur la guerre en Ukraine, l’implication de soldats de la Corée du Nord, le rôle clef de l’élection présidentielle américaine, mais « l’actualité » me rattrape même si je crains toujours son rythme effréné


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19 commentaires sur “Riposte mesurée d’Israël contre l’Iran, un succès pour le président Biden ?

  1. Bonjour mon colonel ,

    Je reste à votre entière disposition , le petit dôa sur la couture de mon bénouze F1 , pour que vous ne racontiez pas trop de con…. sur les Russo-Coréens et leur attitude face à l’arrivée de leurs frères Nord-Coréens en Russie .

    Figurez -vous que l’on va enseigner le Juche à l’école N°80 de Khabarovosk et que les universités de Sibérie et de l’ EO Russe (  » sciences dures  » et  » molles  » ) ont renoué depuis 3 ou 4 ans les coopérations avec les universités Nord-Coréennes . Pour les traducteurs vous avez une exclusivité : Ce sont pour la quasi-totalité des volontaires Russo-Coréens ou  » koroy-saram  » , métis ou non . C’est la communauté où il n’ y a pas eu pratiquement de  » relokanti  » . Désolé de contredire ! Ils sont 170K-190 K en Russie et non pas 500 K comme l’affirmait avec son ignorance suffisante Mme. Sylvie Bermann .

    Ps : N’écrivez pas trop de bêtises car il se peut que les troupes que M. Micron veut déployer en Ukraine leur fassent face ! Appréciez les infos que je vous envoie !

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  2. j ai toujours soutenu Israel et ses gouvernements ,
    mais au vu et su des bombardements mal cibles j ai des doutes sur les
    buts du gouvernement d Israel :est-ce une erreur ou de la terreur…les
    deux a la fois c est pour un etat de droit -comme le prétend Israel-
    envoyer les responsables politico-militaires devant une cour du tribunal
    international de La Haye !! merci pour ce blog; a bientot

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  3. Excellent texte Vérité M.Ancel, comme toujours ! J’aimerais votre avis sur le poids du « lobby » israélien aux USA. Le New York Times estimait déjà en 1989 que ce « lobby pouvait compter sur un minimum de quarante à quarante-cinq sénateurs et sur deux cents des quatre cent trente-cinq représentants » . Le roi Hussein de Jordanie déclarait en 1984 : « Les Etats-Unis ne peuvent se mouvoir qu’à l’intérieur des limites concédées par l’AIPAC et par Israël. » . Soutenir Israël est-il devenu pour nombre de sénateurs le moyen de s’assurer les fonds nécessaires à la conduite d’une campagne ? Le lobby israélien aux USA est-il de nature à expliquer le quasi impossible retrait de livraison d’armes des USA vers Israël ?

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    1. La communauté juive aux Etats-Unis est très partagée : une grande partie est farouchement hostile à la politique de Netanyahou qu’ils perçoivent comme un danger pour l’avenir d’Israel, une autre partie estime au contraire que l’Etat hebreu n’a pas d’autres choix que ces guerres impitoyables… et Joe Biden est au milieu !

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  4. Un « succès » pour le président Biden ? Une satisfaction, assurément, mais peut-elle réellement peser dans les élections à venir en étant portée au crédit de Kamala Harris ? Pour être un succès, il faudrait qu’il soit acquis que les deux protagonistes s’en tiennent là.

    J’ai le sentiment que nous voyons dans certains dirigeants ce que nous aimerions qu’ils soient. Ou ce que l’on essaie de nous faire croire qu’ils sont.

    Ne parlons pas de Poutine qui devait mourir « bientôt » il y a deux ans… Du peuple chinois qui allait se révolter et de la Corée du Nord « au bord de l’effondrement » depuis des décennies…

    Netanyahou n’est probablement pas plus obéissant qu’incontrôlable.

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  5. De riposte en riposte, le Proche Orient s’enflamme et aucun dirigeant capable d’arrêter tous ces fous furieux qui n’ont aucun respect pour leur population.

    Et pendant ce temps-là la guerre continue en Ukraine et Poutine embauche des soldats nord coréens pour aller au massacre.

    La fin de l’année approche et les trêves et cessez le feu ne sont toujours pas d’actualité.

    Douleur et résignation pour toutes ces populations meurtries.

    S Cazeneuve

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  6. Ce raid n’a été possible que grâce au concours et la participation des usa : systèmes de guerre électronique, brouillage radar actif, avions ravitailleurs et survol des territoires arabes syrien et irakien contrôlés par les usa.

    Je doute que l’aviation israélienne soit rentrée dans l’espace aérien Iranien plutôt le lancement de missile d’Irak voire d’autres pays où de la mer. Les sites les plus sensibles sont aussi les plus éloignés…

    Les usa conservent une domination aérienne écrasante, la Russie ou l’Iran étant incapables de rivaliser d’où la spécialisation russe dans les armes défensives notamment les meilleurs défenses antiaeriennes probablement.

    Et théoriquement Israël a accès à quasi toutes les armes que possèdent les usa dont nombres de bombes guidées et bombes anti-bunker capables de frapper et détruire des installations souterraines. Certaines étant même à capacité nucléaire et ont été spécialement développés à cette fin pendant le mandat de Trump.

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  7. je partage totalement votre analyse. Il y a de la part de l’Europe un manque d’unité des pays membres pour réagir à cette politique de destruction systématique de Gaza et du Liban. A l’absence inadmissible d’observateurs étrangers à Gaza et surtout au blocage scandaleux de toute aide humanitaire.

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  8. Vous prenez toujours Benyamin Netanyahou pour un fou furieux. Mais non. C’est bien lui qui a donné l’ordre de tirs mesurés contre l’Iran. Montrant là sa capacitié à ne pas envenimer le conflit.

    Il dispose d’une grande capacité à taper dur et fort. Si l’Iran persiste à le provoquer et à vouloir détruire Israël, il aura toute légitimité à frapper plus intensément le régime des mollahs.

    Dans vos écrits vous oubliez de mantionner l’absence de critique à son égard des pays d’obédience sunnite, trop contents de voir l’hégémonie agressive de l’Iran , notamment à leur encontre, contenue grâce à Israël.

    Enfin, abstenez-vous de parler de barbarie. La guerre est en soi une barbarie. Et ce sont bien ceux qui l’ont provoquée et acclamée qui en sont les instigateurs. Se défendre n’en est pas une, c’est simplement la guerre. Et comme toutes les guerres elle est horrible.

    Cordialement.

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    1. oui, c’est exact mais les USA sont jusqu’au 5 novembre dans une phase électorale qui les empêchent d’en arriver là et encore, faudrait-il qu’ensuite ils le veuillent réellement. Mais ce serait le seul moyen de freiner Netanyahu dans sa stratégie actuelle.

      je pense qu’après le 5 novembre, selon le gagnant, toutes les portes restent ouvertes.

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    2. Heureusement que les USA fournissent des armes à Israël qui les utilise pour se défendre.

      Il n’y aura pas de paix tant que l’Iran, agissant avec le support à peine voilé de la bien-pensance occidentale, cherchera à tout prix la guerre et la destruction d’Israël.

      Ce dernier était sur le point de signer les accords de paix dits d’Abraham avec nombre de ses voisins. Mais l’Iran par le bias de ses bras armés locaux, Hamas et Hezbollah notamment, a préferré jouer la guerre pour les torpiller.

      La population de Gaza s’y est engoufrée avec délectation, participant elle-même au pogrom du 07/10/2023. Maintenant elle pleure, la tartufferie bien-pensante lui venant en soutien.

      Il lui fallait réfléchir avant. Il n’y a jamais eu de belle guerre.

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    3. Parce qu’Israël désarmé, à votre avis, cela signifie la paix ? A quel prix ? La destruction d’Israël, pays-refuge des juifs ? Et la paix pour qui ? Pour le Hamas et le Hezbollah ? Pour des Français confortablement assis sur leur derrière qui continuent de croire qu’ils vont vivre en paix jusqu’à la fin de leurs vieux jours s’ils ménagent les terroristes ? Que la guerre n’arrivera jamais jusque chez eux si ce n’est sur l’écran de leur TV ?

      Il fut un temps où l’Europe a signifié aux juifs qu’elle ne voulait pas d’eux et qu’ils n’avaient qu’à partir en Palestine.

      Sitôt arrivés, on leur a fait comprendre qu’ils n’y étaient pas les bienvenus.

      Les dossiers de Français juifs pour rejoindre Israël ont augmenté de 342 % en 2024. Dans mon quartier des gens sont partis ou en partance, qui n’étaient pas religieux mais ont pris peur face à l’explosion des actes antisémites depuis le 7/10/2023. Actes que certains continuent de prétendre être des manifestations d’antisionisme et non d’antisémitisme…

      Les pays arabes ont refusé d’accueillir les Gazaouis, et partout dans le monde on signifie aux juifs qu’ils ne sont pas des citoyens comme les autres, qu’ils n’ont qu’à partir.

      Cela donne le sentiment que beaucoup aimeraient que cela se règle entre Israël et les pays qui l’entourent, qu’il suffit de les laisser face à face et de se regarder le nombril.

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  9. Avant que le Liban ne devienne un nouveau Gaza, il est temps de réformer la résolution 1701 et les missions de la Finul qui a échoué depuis longtemps à maintenir la paix dans la zone tampon (ligne bleue) de la frontière libano-israélienne.

    Quand des casques bleus, des militaires, soignants, journalistes et combien de civils libanais sont tués chaque jour, il est urgent de traduire les responsables de ces crimes de guerre (sans déclaration d’ailleurs) en CPI au lieu de seulement les évoquer.

    S’il a fallu peu de temps pour inculper Putin, qu’attend on pour Netanyahu, même si notre CRIF refuse d’entendre le mot de barbarie (à ne pas confondre avec barbarisme selon une mauvaise traduction) ?

    A légitimer l’inacceptable, cet organisme qui vilipende certains sur tout ce qui pourrait ressembler à de l’antisémitisme se discrédite aussi, mais plus malheureusement sa communauté sommée de prendre parti sur ses positions si discutables.

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