
Le 13 juin 2025, Israël lançait une opération de guerre massive – mais limitée par une distance de 1 500 km – contre l’Iran. De fait, le conflit ne date pas d’hier, mais l’Iran avait réuni toutes les conditions pour justifier le déclenchement d’une telle opération, malgré les réticences du principal acteur, les Etats-Unis de Donald Trump.
Pire que l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 qu’il avait largement soutenue, l’Iran affichait son objectif d’éradiquer Israël et sa volonté de fabriquer des armes nucléaires. Certes, il aurait fallu du temps avant que le régime des mollahs ne soit capable de miniaturiser une telle arme et de se fabriquer des missiles à charge nucléaire. Certes, Israël dispose d’une trentaine de missiles de ce type et l’attaquer directement aurait été suicidaire pour l’Iran.
Le vrai risque pour Israël est la fabrication par l’Iran d’une bombe nucléaire rudimentaire remise à un « proxy »
Cependant, la vraie menace – proche en termes de temps, probablement en mois – était que l’Iran puisse construire une bombe nucléaire rudimentaire, bien trop lourde et encombrante pour être emportée par un missile, mais transportable sans réelle difficulté dans un simple container de marchandises. Aux mains d’un de ces groupes terroristes qu’affectionne le régime iranien, cette bombe aurait pu être placée directement sur le territoire d’Israël, voire même au cœur de Tel-Aviv, et ravager une partie de l’Etat hébreu sans que la force de dissuasion nucléaire dont celui-ci dispose ne puisse le protéger.
En effet, d’après les ingénieurs spécialisés comme Emmanuelle Galichet, passer de 60 à 90% d’enrichissement de l’uranium pour disposer de la matière pour construire une telle bombe ne demandait guère plus que quelques mois, et nul ne connaissait l’Etat d’avancement de la fabrication des autres composants nécessaires pour élaborer une arme nucléaire. Autrement dit, Israël pouvait craindre un attentat gigantesque, mais ne pouvait pas attendre d’en avoir la confirmation…
Une attaque contre le régime des mollahs aussi illégale que justifiée
Pour mémoire, une arme nucléaire n’est pas une « super bombe » comme semble le penser Donald Trump, mais un système de destruction massive qui ne permet pas de faire la guerre mais de ravager un territoire. D’ailleurs la super-bombe anti-bunker à laquelle fait référence Donald Trump, la GBU-57 est 10 000 fois moins puissante que la plus « petite » arme nucléaire. Tout cela pour dire qu’Israël était véritablement en danger et que son intervention est aussi illégale que justifiée.
Lire aussi : une attaque fulgurante, mais par nature limitée
Cependant, cette guerre – car il s’agit bien d’un acte de guerre que d’aller bombarder les installations d’un pays – ne pouvait se mener qu’avec l’autorisation de Donald Trump. Les munitions, le renseignement (satellitaire notamment), le contrôle de l’espace aérien et le soutien de cette opération ont été fournis par les Etats-Unis, sans aucune ambiguïté sur leur destination.
Une guerre contre l’Iran retenue pendant de longs mois par Donald Trump
D’ailleurs, si Netanyahou, malgré ses demandes persistantes et répétées à son ami Trump, n’a pas pu attaquer plus tôt, c’est uniquement parce que le président américain refusait jusqu, à présent.
Mais le 13 juin, Donald Trump a donné son feu vert à Benyamin Netanyahou, probablement convaincu que toutes les conditions étaient réunies pour que cette guerre soit un succès dans son appréciation : une guerre très limitée, médiatisée mais sans risque d’enlisement dans un nouveau conflit que ne lui aurait pas pardonné son électorat.
Une guerre ciblée sur les installations de fabrication d’armes nucléaires (et pas sur les centrales nucléaires qui pourraient déclencher des catastrophes du type Tchernobyl), et contre les capacités de l’Iran à tirer des missiles balistiques sur Israël. Une guerre qui permettrait de fragiliser le régime des mollahs sans constituer pour autant un renversement extérieur, un changement de régime d’un pouvoir honni mais sans issue, en l’absence d’une succession préparée, contrairement à Assad en Syrie.
Une frappe « chirurgicale massive » des Etats-Unis
Le dimanche 22 juin, les États-Unis rentraient directement en guerre contre l’Iran avec un bombardement massif mais très limité, qui n’a d’ailleurs fait aucune victime, les Etats-Unis ayant pris soin de prévenir l’Iran. La qualification de frappe « chirurgicale massive » par Donald Trump est à son image : une incohérence assumée.
C’est principalement le site d’enrichissement d’uranium de Fordo qui est visé, profondément enterré sous la montagne et que les bombes pourtant très puissantes des Israéliens ne pouvaient pas réellement endommager.

Notons au passage que le chef d’état major américain a présenté lui-même cette opération aux médias, exercice inhabituel pour des opérations militaires en cours que d’en privilégier la communication, comme si elle devait en être l’effet principal. Une communication insistant sur l’aspect grandiloquent de cette action (125 avions engagés) plutôt que sur le résultat que les militaires savent limité : avec ce bombardement, la seule certitude est d’avoir touché et donc endommagé, mais jamais d’avoir détruit une cible souterraine, invisible aux capteurs aériens ou spatiaux.
Donald Trump n’en a cure, la réalité est « alternative », c’est-à-dire qu’il en décide seul. Même lorsque ses propres services de renseignement reconnaissent l’impossibilité de garantir la destruction de l’intégralité des installations en restant à leur endommagement et d’autant plus qu’il existe en Iran probablement d’autres sites (secrets) et qu’une partie de l’uranium enrichi aurait été évacuée de Fordo les jours précédents.
Des résultats incertains que Trump impose comme un succès absolu et personnel
Qu’importe pour Trump, qui a besoin de mettre en avant ce qui questionne le plus : sa rationalité et son efficacité ! Il n’hésite pas à inventer quelques faits alternatifs, allant jusqu’à prétendre que des agents israéliens auraient pénétrer dans ces installations pour en constater les dégâts, ce qui est fortement improbable. Tout au plus, les Israéliens avaient quelques commandos à distance pour observer la frappe, mais c’est une autre affaire que de pénétrer dans une installation souterraine profonde qui vient justement d’être bombardée.

L’important pour Trump est d’affirmer qu’il a raison, d’autant que ses propres militaires étaient plutôt réticents à cette opération dont ils savent que l’efficacité est somme toute plus médiatique que réelle (on se souvient des vaines tentatives d’Israël d’éradiquer les tunnels sous Gaza) et qui craignaient les mesures de représailles contre leurs nombreuses bases de la région.
Trump bombardait en même temps qu’il négociait
Mais ici encore, c’est le cirque organisé par Trump qui compte, car il n’a jamais cessé de négocier avec les Iraniens tandis que les Israéliens menaient leurs vagues de bombardements. Devant l’implication directe des Etats-Unis, contre qui l’Iran n’imagine pas un instant se confronter, un accord est très rapidement trouvé. C’est le cessez-le-feu du 24 juin qui arrête cette « guerre des 12 jours ».
Quelques heures auparavant, les Iraniens ont sauvé la face avec une attaque chorégraphiée et sans effet contre une base américaine au Qatar le 24 juin, une attaque qui n’a fait aucune victime elle aussi, ni d’ailleurs aucun dégât.

Israël est de fait le 51eme État des USA
Netanyahou aurait bien prolongé cette opération contre l’Iran qui était prévue sur plusieurs autres semaines, mais il n’a plus les moyens de s’opposer à Donald Trump alors que le soutien des Américains est vital. Israël est de fait le 51ème État des USA, bien avant le Canada ou le Groenland !
Au final, le régime des mollahs sort totalement affaibli de cette confrontation, il est désormais mûr pour être attaqué de l’intérieur. Avec ce cessez-le-feu, le régime iranien est forcé de négocier un « accord de paix » dans une situation d’autant plus précaire que sa propre population va pouvoir sortir de sa peur des bombardements.
Tout cela a été certes rendu possible par Donald Trump, mais aussi par l’invisibilité d’un acteur essentiel, la Russie. Qu’a négocié Trump avec son ami Vladimir Poutine pour que celui-ci renonce à protéger son principal allié et fournisseur d’armes au Proche-Orient, dans sa guerre sans fin contre l’Ukraine ? L’Ukraine ?
PS : pendant que cette « guerre des 12 jours » occupait notre attention, nous ne regardions plus Gaza où le nombre de victimes civiles a dépassé, dans cette même période, les victimes civiles iraniennes. La guerre en Ukraine ne s’est évidemment pas interrompue un instant, Vladimir Poutine ayant manifestement obtenu de Donald Trump au moins quelques mois supplémentaires pour avancer dans ses conquêtes sanglantes. La guerre est aussi un théâtre des illusions qui aveugle celui qui ne sait pas regarder au-delà.
Pour approfondir,
Quelle menace nucléaire et comment s’en protéger ? Chronique dans Le Parisien
Israël-Iran : le dôme de fer, un parapluie troué qui a le mérite d’exister
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Vous sous-estimez le MOSSAD qui a pourtant donné récemment des preuves de ce qu’il est capable !
Vous sous-estimez aussi le soutien populaire des mollahs !
Forcer de négocier ? Encore à côté de la plaque !
Quand à Poutine, cela fait plus d’un mois qu’il a averti les iraniens qu’ils ne bénéfiecieraient pas de son parapluie nucléaire !
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La guerre est aussi un théâtre des illusions qui aveugle celui qui ne sait pas regarder au-delà
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Je me permets 2 questions :
Dans quelle mesure Poutine était-il en mesure d’intervenir alors qu’il est empêtré en Ukraine ? Est-ce qu’au contraire le couple USA/Israël n’aurait pas profité de la faiblesse de la Russie ?
Quelle a été l’influence de la Chine particulièrement menacée par la fermeture du detroit d’Ormuz ?
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Clairement Poutine à peu de moyens d’intervenir, mais il aurait pu menacer ce qu’il n’a pas fait, concernant l’Iran.
Quant à la Chine, il semble qu’elle ait joué la carte de l’apaisement dans les réactions de l’Iran
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Selon « saisir prudhom point com » ; La loi garantit à chacun le respect de sa vie privée (article 9 du Code civil). L’employeur ne peut donc pas s’immiscer dans les affaires personnelles de ses salariés. Sauf si celles-ci empiètent de manière abusive sur la vie de l’entreprise. L’employeur dispose d’un pouvoir de direction, cependant, ce pouvoir ne peut porter atteinte aux droits des personnes, aux libertés individuelles et collectifs des salariés (Article L 1121-1 du Code du travail). Dans ce cas, l’employeur pourra prendre des mesures, du moment qu’elles sont nécessaires et proportionnées. S’exprimé dans un journal télévisé en dehors du cadre du travail, ne néçéssite pas l’avis d’une entreprise, sauf si cela conserne l’entreprise (dénigrement…) donc vous faire des remarque sur vos activité privée me semble plus de l’ordre de l’atteinte à celle-çi que de l’ordre des pouvoir d’une entreprise quelquel soit. En soi même un enseignant soumis à des devoirs de réserve et tout plein de contrainte pendant ses cours peut faire de la politique ou partiçiper à des assoçiation! Bon il me semble qu’il ne peut pas cumuler un autre emploie… En attendant Benjamin à échapper à deux jours de proçès, pour corruption… Qu’est que cela sera quand il devra se présenté à la CPI… Salutation, Ludovic Melin.
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Bonjour,
Excellent billet avec explications compétentes complètes, comme d’habitude. Merci.
Il reste que ces actions de la part des Israéliens et des Américains ne règlent pas le problème de fond : en raison de l’inaction volontaire (« Paroles paroles, paroles », chanterait la grande Dalida) des autres dirigeants mondiaux, nous sommes toujours, malheureusement, dans une période d’instabilité dite « d’avant-guerre », comme au début du siècle dernier (1900-1914) et dans les années 1930.
Je le répète souvent : les gens, en particulier les élites, ne connaissent pas l’Histoire, ils n’en ont donc pas retenu les leçons.
Pessimiste je suis…
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Merci pour cette bonne analyse ! Ravie de t’avoir revu hier au Salon du livre. Bonne fin de dimanche !
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Il ne faut pas se voiler la face dans des scénarios rassurants. L’Iran et d’autres pays auront un jour la bombe nucléaire.
Les responsables inspirateurs sont les 5 membres permanents du Conseil de sécurité. Comment exiger d’un pays qu’il renonce à la bombe quand on en a soi-même des centaines, voire des milliers. Il faut remettre les pieds sur terre.
La seule stratégie possible est la négociation pour un désarmement multilatérale. Mais ce n’est pas pour demain la veille, étant donné la mentalité ambiante. Je suis pessimiste.
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Les Iraniens ne sont pas des crétins profonds et ont bien compris que les trois sites de Natanz, Fordo et Ispahan étaient dans le collimateurs des Israéliens et des américains. Ils ont donc, bien entendu, évacués leur 400 kilos d’uranium enrichi.
Cela rappelle l’échec des bombardements alliés en Allemagne sur les principaux sites de production d’avions. Les Nazis les ont « délocalisés » dans les campagnes environnantes. Résultat le nombre d’avions produits a été supérieur à la fin de la guerre qu’au début. Fin de la parenthèse.
Ces 400 kilos vont -ils être enrichis dans le site super secret de la « Montagne de la Pioche » ? Nul ne le sait.
Mais ce qui est certain, c’est que l’élimination des « super techniciens nucléaires « a porté un coup de frein au programme. Mais on parle de 3.000 ingénieurs nucléaires ( ?) ne serait ce que sur le site de Natanz…alors ce sera reculer pour mieux sauter ?
Donc il va falloir s’attendre à ce que la République des mollahs, continue son programme mortifère. Fallait-il intervenir, comme l’ont décidé Nettanyahou et Trump ? Je pense que oui, car il faut donner un avertissement aux autres pays ( du golfe) qui souhaiteraient se doter de la Bombe.
De toutes façons, Israël dispose de son arme ultime : le Mossad. Ce dernier sera capable de vous avertir sir l’Iran est proche de la réalisation de son projet mortifère
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Exposé parfaitement clair et convaincant qui fait un point compétent sur le niveau d’incertitude des résultats, qui en outre n’oublie pas de rappeler que l’objectif affiché depuis longtemps par les mollahs est l’anéantissement d’Israël, et qu’ils étaient très proches de la possession d’un explosif nucléaire « sale » assez facilement utilisable contre Israël.
Cette menace terrible qui plane sur Israël est très souvent oubliée, volontairement ou par faiblesse d’analyse, dans de nombreux commentaires des médias et des personnalités politiques.
Christian GUILLAUME.
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