Comment protéger l’Ukraine des missiles russes ?

L’Ukraine a subi jeudi 9 mars une nouvelle vague de bombardements, par plus de 90 missiles et drones russes. 

Vous trouverez ici la description de cette attaque par l’Institute for Study of War (ISW, rapport du 09 mars) qui est précise et que je résumerai ensuite :

Les forces russes ont mené la plus grande frappe de missiles à travers l’Ukraine de 2023 à ce jour le 9 mars, mais l’attaque n’a probablement servi que les objectifs de propagande de l’État russe.  Les responsables militaires ukrainiens ont signalé que les forces russes ont ciblé les infrastructures critiques ukrainiennes avec 84 missiles différents, dont 28 Kh-101/Kh-555 et 20 missiles de croisière Kalibr, six missiles anti-navires Kh-22, six missiles hypersoniques Kh-47 Kinzhal, deux Kh-31P  Missiles anti-navires supersoniques, six missiles guidés Kh-59 et au moins 13 missiles de défense aérienne S-300.
Les forces russes ont également attaqué l’Ukraine avec huit drones Shahed-136 de fabrication iranienne, qui, selon les responsables ukrainiens, cherchaient probablement à distraire les systèmes de défense aérienne ukrainiens avant les frappes de missiles.
Les forces ukrainiennes auraient abattu 34 des 48 missiles de croisière Kalibr et Kh-101/Kh-555 et quatre drones Shahed-136.
Les responsables ukrainiens ont également noté que les huit missiles Kh-31P et Kh-59 n’avaient pas atteint leurs cibles.  Le porte-parole de l’armée de l’air ukrainienne, Yuriy Ihnat, a noté que les forces ukrainiennes n’avaient pas la capacité d’abattre certains des missiles russes, faisant probablement référence aux missiles Kinzhal et S-300.  



Aucune cible militaire n’a été visée, tous les morts (11 à ce jour) et les dégâts sont civils, ce qui fait de ces attaques russes autant de crimes de guerre. 

Lors de cette attaque, seul 1/3 des missiles et drones russes ont pu être abattus par la défense sol-air ukrainienne, alors que cette dernière atteignait plutôt les 2/3 d’interceptions jusqu’ici, soit le double.

Pourtant de nombreux systèmes de surveillance et d’artillerie sol-air sont désormais déployés, même si les Patriot américains – le système le plus sophistiqué – ne sont pas encore opérationnels.

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En réalité, aucun dispositif anti-aérien n’est étanche à 100%, les Russes en ont d’ailleurs fait l’expérience à plusieurs reprises, eux qui croyaient avoir la défense sol-air la plus puissante du monde et que des drones ukrainiens ont pourtant traversée. Sur une zone limitée, aucun système de protection ne dépasse 80% dˋinterception réelle, les Ukrainiens avaient donc atteint un très bon niveau, mais cela signifie tout de même qu’un missile sur trois lancés par les Russes reste susceptible dˋatteindre sa cible.

Aucune défense anti-missile n’est étanche 

La performance de la défense ukrainienne sˋest dégradée pour deux raisons en particulier :

Les armées russes ont évité les zones les mieux protégées, qu’ils ont identifiées en partie. Cela est d’autant plus à leur « portée » qu’elles ne cherchent pas à atteindre des cibles précises, mais bien à terroriser la population avec ces bombardements aveugles. Les résultats sont pour le moins médiocres, alors que la population ukrainienne a montré sa résistance, notamment cet hiver, et sa capacité à supporter ce genre de bombardements sans se soumettre pour autant. En ce qui concerne cette vague de destruction, l’électricité a été rétablie à peu près partout dès le lendemain. 

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Une autre raison à la difficulté d’intercepter ces lanceurs est l’utilisation par les armées russes de missiles ultra-rapides, dits hypersoniques, comme le KH-22 qui vole jusqu’à Mach 5 (5 fois la vitesse du son) ou le missile Kinjal jusqu’à Mach 10.

Missile Kinjal emporté par un MiG 31 russe

A cette vitesse là et compte tenu de leurs trajectoires manœuvrantes (non prévisibles), aucun système de défense sol-air existant ne peut les arrêter…
Mais, s’ils ne sont pas interceptables en l’état, ces missiles hypersoniques ne constituent pas pour autant des armes de destruction massive. Ils emportent respectivement des charges militaires de 1,000 et de 500 kg qui correspondent à une bombe classique couramment utilisée par l’aviation. 

Une capacité de destruction limitée 

Un Kinjal emporte ainsi l’équivalent de 10 obus d’artillerie qui explosent en même temps et au même endroit, une arme destructrice mais pas cataclysmique. Ou alors il en faudrait des centaines quand les Russes n’en disposent que de dizaines. Les armées russes n’en ont d’ailleurs tiré que six…

Au total, en lançant 90 missiles dont 60 sont arrivés vers leurs cibles, les armées russes ont tiré l’équivalent de 600 obus d’artillerie dispersés sur une dizaine de sites. En comparaison, les jours de combat intense sur la ligne de front, c’est plus de 10,000 obus d’artillerie qui sont tirés, 15 fois plus, tous les jours. 

Sur ce sujet des missiles russes employés pour bombarder l’Ukraine, il est intéressant d’en lire l’analyse détaillée de Xavier Tytelman dans Air&Cosmos :


Pour protéger les Ukrainiens, il faut en finir avec celui qui les agresse 

Ces vagues de bombardement, qui touchent principalement si ce n’est exclusivement des civils en Ukraine, font partie des outils qu’utilise Poutine pour effrayer et asservir. Il veut montrer par là son pouvoir de nuisance et inspirer la crainte. 

Pour les protéger, les alliés pourraient livrer plus de systèmes anti-aériens aux Ukrainiens, mais cela n’empêcherait en rien la Russie de continuer à lancer ces attaques pour semer la destruction et la mort, comme si le pouvoir du maître du Kremlin ne pouvait reposer que sur la peur qu’il inspire. 

Si les pays alliés qui soutiennent la résistance ukrainienne veulent réellement en finir avec cette politique de terreur, il faut en finir avec celui qui l’ordonne et la dirige, Vladimir Poutine. En finir aussi avec son régime en donnant les moyens aux Ukrainiens de lui infliger une défaite sans appel.

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Collectif Stand with Ukraine

Aline Le Bail Kremer, co-fondatrice du collectif Stand with Ukraine

5 commentaires sur “Comment protéger l’Ukraine des missiles russes ?

  1. D’autres observateurs sont moins optimistes que vous sur le niveau des forces ukrainiennes (Wall Street Journal…). Quoi qu’il en soit, les Ukrainiens jouent gros avec cette offensive de printemps, car si cela tourne à la bataille de la Somme, l’Ukraine ne gagnera pas cette guerre (tout au plus, la Russie ne la gagnera pas non plus).

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  2. Les Russes calant sur l’efficacité de leurs manœuvres militaires reportent leur capacité de nuisance sur la population civile ukrainienne.
    On pourrait rapprocher le comportement de Poutine à celui d’Hitler en 1944/45 essayant de terroriser les populations anglaises , belges , hollandaises avec ses armes de destruction massives ( V1puis V2) pour compenser ses revers à l’Ouest!
    Un dôme efficace et complet type israélien, ne pourra jamais être mis en place sur un territoire aussi vaste que l’Ukraine , et donc l’état major ukrainien est obligé de rationaliser sa couverture et de la focaliser sur les régions stratégiques et Kiev !
    L’augmentation de la fourniture occidentale (système US, Mamba,….) leur permettra de diminuer les trous dans la raquette, mais n’empêchera pas les missiles russes supersoniques les plus aboutis (Mach10 plus évitements) d’atteindre leurs objectifs!
    Heureusement la capacité de fabrication de ses missiles est faible et beaucoup des autres sont au mieux des bombes téléguidées au faible capacité de nuisance par rapport à un bombardier USB17 ou B24 (même si on peut compatir aux populations touchées à chaque fois!) .
    La seule solution pour protéger les ukrainiens de cette terreur sera d’évincer le commanditaire de ces atrocités, punissable judiciairement devant un tribunal type La Haye : Vladimir Poutine .

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  3. L’attaque spéciale russe ressemble de plus en plus à un canard décapité qui continue de courir … C’est très spécial. Mais comment arrêter ce canard ? D’un point de vue militaire faut-il lui couper les ailes ou les pattes ?
    En réalité le plus difficile à arrêter c’est la volonté de Poutine. Même à l’agonie il semble qu’il ne changera pas d’avis. Cette volonté est inscrite profondément dans la culture neo-soviétique. Aucune arme de destruction ne peut résoudre ce problème. Sauf à bombarder le Kremlin et la Douma … ce qui constituerait une escalade aux conséquences gravissimes. Impensable.

    Comment modifier la culture neo-soviétique, action qui semble la plus pertinente et pour laquelle on ne semble pas avoir de billes ?

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