Ukraine, des mois de guerre que nous pourrons bientôt oublier ?

Le 24 février 2022, après avoir affirmé le contraire au monde entier, Vladimir Poutine déclenchait une guerre contre l’Ukraine pour la « libérer » contre son gré certes, mais avec une détermination acharnée du maître du Kremlin de contrôler ce pays qui a le malheur d’être son voisin.

Après deux mois d’une guerre qui se voulait initialement « éclair », après une vaine tentative de décapiter le gouvernement ukrainien puis de s’emparer de sa capitale Kiev, les forces armées de Poutine se sont recentrées sur l’Est du pays, le Donbass.

L’équivalent de 1,000 immeubles détruits chaque jour en Ukraine par les bombardements russes

D’après Michel Goya, un expert militaire français reconnu pour son expérience, l’armée russe utilise actuellement plus de 1,000 tonnes de bombes par jour pour écraser toute résistance des Ukrainiens. Une bombe de 250 kg est suffisante pour détruire une maison, deux bombes de 500 kg détruisent complètement un immeuble d’habitation. C’est donc l’équivalent de 1,000 immeubles qui sont détruits chaque jour en Ukraine par la seule volonté d’un despote, ou plutôt d’un boucher, nommé Poutine.

Raids aériens, missiles, roquettes, obus, toutes les armes de destruction disponibles dans l’arsenal russe sont actuellement mobilisées pour écraser le Donbass, pendant que le porte-parole de la Russie poutinienne, Serguei Lavrov, continue d’affirmer qu’il cherche une solution de paix… le mensonge est aussi une arme.

Lire aussi : Comprendre en quelques mots les armements utilisés dans la guerre de Poutine contre l’Ukraine

Les Ukrainiens ne peuvent pas s’opposer à un tel « déluge de feu » et leur résistance consiste essentiellement à harceler les Russes sur les côtés et sur leurs arrières, ce qui est beaucoup plus compliqué dans l’Est du pays où les forces russes peuvent s’emparer d’une zone homogène directement raccordée à la Russie. Ainsi, la résistance jusqu’au dernier souffle de Marioupol reste sans espoir tant la ville est enclavée dans une zone désormais contrôlée par l’armée russe.

Impossible d’acheminer sur Marioupol des renforts en nombre, les vivres ou les munitions qui seuls permettraient de continuer de résister aux assauts quotidiens des Russes.
Par ailleurs, les soldats ukrainiens gardent en mémoire que, durant les combats de 2014, les milices dirigées par la Russie avaient proposé une reddition aux soldats ukrainiens encerclés, et qu’elles les avaient ensuite consciencieusement assassinés malgré leurs promesses. Autant dire que les Ukrainiens ne peuvent ni se rendre, ni vaincre les Russes dans ces conditions.

Pour la fête patriotique du 9 mai, Poutine voudra affirmer un succès

Le 9 mai, pour la fête patriotique de libération du nazisme en Russie, Vladimir Poutine voudra affirmer que son « opération spéciale pour la libération de l’Ukraine » est un succès, quelle que soit la situation à ce moment-là. Le maître du Kremlin en a d’autant plus besoin qu’il sait désormais avoir surestimé son armée et sous-estimé la résistance des Ukrainiens, sans compter l’arrivée d’une aide militaire pour ces derniers qui comporte maintenant des armements lourds, canons et blindés.

Il aura peut-être encore besoin de quelques semaines pour finir de « nettoyer » le territoire qu’il aura annexé par la guerre dans l’Est du pays, mais son intérêt sera probablement de s’en tenir là pour éviter un échec plus cuisant.

Et quoi que nous disions aujourd’hui, nous – Occidentaux – n’aurons qu’une hâte, que cette guerre cesse enfin ! Une situation instable s’installera alors dans l’Est de l’Ukraine, faisant planer l’ombre d’une menace permanente, comme le font si bien les nationalistes serbes qui n’ont jamais été écartés du pouvoir après la guerre des Balkans au sud de l’Europe. Les pays occidentaux financeront la reconstruction de l’Ukraine encore libre et permettront aux millions de réfugiés de revenir dans leur pays. Les dizaines de milliers de morts de ce conflit – et trois à quatre fois plus de blessés – seront passés par « pertes et profits ».

Dès lors s’exercera plus ou moins discrètement la pression de la « normalisation » : comment retrouver un état « stable » dans notre société mondialisée après que ce conflit l’ait déstabilisée. En fait, nous serons pressés d’oublier l’angoisse générée par cette menace de guerre globale qu’a exercé Poutine contre une partie du Monde. Nous serons soulagés aussi que les armées de Poutine renoncent à semer le chaos en Moldavie, aux portes de la Roumanie, et qu’elles ne détruisent pas Odessa comme elles ont rasé Marioupol.

Nous risquons de nous empresser d’oublier cette guerre

A notre corps défendant, nous ne surveillerons pas vraiment la levée des sanctions qui permettra progressivement, et sans doute rapidement, à Poutine de consacrer une victoire politique. Certes il aura précipité la Suède et la Finlande vers l’OTAN, certes il aura fini de ruiner le développement économique de « sa » Russie qui était déjà devenue un nain à l’échelle du Monde, avec un PIB représentant difficilement la moitié de celui de la Grande-Bretagne.
Mais Poutine aura imposé par la force sa volonté et sa brutalité. Et, bien que ne pariant jamais, je fais le pari que Poutine sera reçu à Paris et dans les capitales occidentales avant la fin du mandat de notre nouveau président.

Lire aussi : Ukraine, la tentation de l’enlisement

Cependant, nous aurons échappé à beaucoup : la guerre aurait pu devenir européenne, en nous impliquant directement, et ouvrir une troisième dévastation mondiale.
Nous aurions pu aussi être présidés en France par la dirigeante d’un parti de miliciens plus que de patriotes, qui souhaite « faire de la Russie et de Poutine son allié stratégique ». Une politique aux conséquences que je n’ose même pas imaginer… comme la suite de ce conflit que nous risquons de nous empresser d’oublier, mais qui ne risque pas d’être réglé tant que Poutine sera au pouvoir.

2 commentaires sur “Ukraine, des mois de guerre que nous pourrons bientôt oublier ?

  1. Merci, Guillaume, pour tous ces articles et informations qui passionnent le Militaire retraité que je suis.
    Souvenirs du Prévôt de SARAJEVO-airport en…. 1995. Bon nombres de situations ont des ressemblances….
    (nous savons bien pourquoi….).

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