Trump, populisme, conspirationnisme et réseaux sociaux.


Éberlué, comme beaucoup d’entre nous, j’ai assisté à ces scènes de chaos dans ce qui devrait être le temple de la démocratie aux Etats-Unis, le Capitole.
J’ai regardé, médusé, ce président qui ne se comporte pas comme un président, ce type énorme, grossier, incontrôlable, qui serait juste timbré et grotesque s’il n’était président des États-Unis.
Un ami diplomate à Washington m’avait pourtant prévenu que Trump transgresserait sans hésiter tous les usages de la démocratie, mais je n’arrivais pas à le croire, les garde-fous de la société américaine me semblant nombreux et solides.
Alors, quand Trump lance ces supporters vers le Capitole – tout en s’abstenant de les accompagner lui-même – je me dis que nous sommes arrivés au bout de ce que le populisme peut faire : détruire notre sociabilité, monter les uns contre les autres et déclencher le chaos au profit d’un personnage dangereux pour la démocratie même.
La série Homeland avait pourtant déroulé un scénario de ce type dans sa dernière saison, une présidence paranoïaque dans une société où règneraient désormais en maîtres les conspirationnistes relayés par les réseaux sociaux.

Nous sommes menacés par la prolifération des fake news

Heureusement tout cela se passe aux États-Unis, de l’autre côté de l’Atlantique, dans ce monde nouveau et chaotique…
Malheureusement, il est impossible de ne pas faire le parallèle avec le jusqu’au-boutisme de nos propres populistes, de la crémière du front national à « l’insoumis » qui se rêve en leader maximo. Des quatre années de populisme délirant de la présidence Trump, ils partagent deux procédés particulièrement dangereux, l’utilisation débridée des réseaux sociaux et l’usage sans limites des fake news.
Les théories conspirationnistes qui ont proliféré aux Etats-Unis ne nous sont pas si éloignées. Il suffit de regarder les polémiques sur les vaccins, le rôle de l’Union européenne ou les formes plus ou moins dérivées de racisme pour prendre peur devant l’ampleur et les conséquences d’un système qui nous menace désormais : les réseaux sociaux permettent aux théories les plus dangereuses de proliférer en s’appuyant massivement sur les fake news et sur l’anonymat.

Certes les fake news existaient avant les réseaux sociaux, mais elles ne pouvaient se répandre que si elles trouvaient des media qui consentaient à les diffuser, marquant irrémédiablement ces canaux d’un engagement dont on pouvait se garder, voire attaquer. Quand Marianne publie des propose révisionnistes sur le génocide contre les Tutsi au Rwanda, on peine à s’en étonner.
Mais avec les réseaux sociaux, en l’absence quasi totale de régulation et grâce aux larges possibilités qu’ils offrent en terme d’anonymat et de faux comptes, les paroles les plus offensantes et les plus menaçantes peuvent se développer au point de nous menacer.

Sans régulation, les réseaux sociaux font régner le chaos et les délires conspirationnistes

Comment Trump aurait pu convaincre une foule de milliers de supporters d’aller violer le temple de leur République s’il n’avait pu marteler « qu’on leur avait volé leur élection », contre toute évidence, qui est d’ailleurs le mot pour preuve en anglais ?
Si les chaînes étaient régulées comme les réseaux sociaux, nous aurions des canaux entiers de télé consacrés à l’antisémitisme, à l’islamophobie ou à l’attaque de « l’Etat profond », tandis que notre principal rempart contre cette désinformation est le travail de fond que mènent les medias pour nous apporter des informations fiables et vérifiées.

Au vu de cette situation, il est d’ailleurs incroyable que le projet de loi sur « la sécurité globale » ne s’intéresse pas à cette question de la régulation des réseaux sociaux et de la lutte contre les fake news. Plutôt que chercher à opacifier le travail (difficile) des forces de l’ordre, il serait temps de chercher à protéger nos sociétés du danger du populisme en ne laissant plus proliférer ses outrances, à travers des réseaux sociaux où règnent le chaos et les délires conspirationnistes.


Lire aussi l’excellent article de Damien Leloup dans Le Monde

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